Une étude internationale commanditée par la firme gestion d’actifs suisse Vontobel montre qu’une majorité d’investisseurs institutionnels portent un regard très favorable à l’endroit des obligations de marchés émergents.
Parue en avril dernier, l’étude intitulée Institutions Look to Emerging Market Fixed Income for Yield, Diversification and ESG Alignment a interrogé 300 investisseurs actifs surtout auprès de firmes d’assurance et de fonds de pension présentes dans 22 pays. On constate que le Canada, avec une part de 13% des répondants, occupe une place privilégiée dans l’étude.
Au départ, dans une note séparée, Thierry Larose, gestionnaire de portefeuille et analyste chez Vontobel, réfute une idée fausse, mais qui a la vie dure. « Déboulonnons un mythe, écrit-il: l’idée largement répandue que les obligations locales des marchés émergents sont sensibles aux taux longs américains. C’est une idée fausse et sans fondement. (…) Des taux plus élevés n’affaiblissent la solvabilité souveraine que dans les pays qui ne peuvent (ou ne veulent) pas dégager d’excédents budgétaires primaires. Or, un grand nombre de pays émergents dégagent des excédents budgétaires primaires similaires à ceux des États-Unis, voire meilleurs. »
Ainsi, une analyse effectuée en collaboration avec Bloomberg montre qu’au cours des 20 dernières années, la corrélation entre les obligations locales et les taux américains est proche de zéro. Précisons que Thierry Larose réfère aux obligations en numéraire local, non à celles qui sont libellées en dollars américains, plus sensibles aux changements des taux de la Réserve fédérale américaine.
Or, l’étude montre que la préférence des institutions va à la dette libellée en devises locales. Ainsi, 36% des répondants envisageaient accroître leur position dans ces instruments dans l’année en cours (39% ne changeraient rien à leur portefeuille et seulement 25% entendent réduire leur participation). Par ailleurs, 32% préfèrent accroître leur part de titres libellés en dollars américains, alors que 43% n’y changeront rien et 25% retrancheront de leurs avoirs. Notons que ce sont les obligations d’entreprises qui retiennent au premier chef l’intérêt des investisseurs, 44% d’entre eux prévoyant y accroître leur participation
L’étude montre que les institutions sont préoccupées au premier chef par l’inflation, à hauteur de 48%, suivi de la politique fiscale de leur pays respectif (42%), la croissance mondiale (42%), le resserrement monétaire des banques centrales et la hausse des taux dans les pays développés. Dans ce contexte éprouvant, 64% des gestionnaires ont dit qu’ils accorderaient la priorité dans leur portefeuille aux titres à revenu fixe des pays émergents, contre 48% qui l’accorderaient aux actions et 47% au revenu fixe des pays développés. Étonnamment, cette faveur à l’endroit des obligations de marchés émergents dépasse largement l’intérêt à l’endroit des titres d’actifs réels, qui récoltent une faveur à hauteur de 44%.
Les principales raisons qui justifient l’intérêt pour la dette des pays émergents tiennent à l’avantage de diversification (56%), le fait que ces marchés sont hautement liquides (48%) et offrent des perspectives ESG favorables (47%).
Évidemment, les titres de marchés émergents ne sont pas sans risques. Ainsi, 51% des répondants sont sensibles aux niveaux de défaut, 48%, aux risques de liquidité et 45%, à la volatilité.
De façon inattendue, les marchés émergents du Moyen-Orient et de l’Afrique suscitent le plus d’optimisme chez les répondants, à hauteur de 68%, contre 65% pour les marchés d’Asie-Pacifique et d’Amérique latine. Les marchés émergents d’Europe recevaient la plus haute cote avant l’invasion de l’Ukraine, soit 72%, une faveur qui a plongé à 55% après l’invasion.
Le commentaire d’un participant résume bien l’attitude prépondérante des institutions : « Les marchés émergents peuvent être assez volatiles à certains moments, mais sur le long terme, ils sont très rentables si vous construisez correctement votre portefeuille, c’est-à-dire de manière à obtenir
la prime de ce marché sans trop de volatilité. »