Dans tous les cas, les firmes de services financiers n’ont pas le choix de s’y faire. Plutôt que de tenter de s’y opposer, elles s’organisent pour accompagner et faciliter les démarches des seniors dans leur désir de réduire leur activité.
Chez MICA Services financiers, une cinquantaine de conseillers indépendants sur les 190 rattachés à la firme sont en retraite progressive ou sur le point de l’être. La moyenne d’âge est de 47 ans. « Le phénomène existe depuis une dizaine d’années », note Gino Savard, président de MICA Services financiers.
Ce phénomène représente une menace pour les firmes, qui risquent de voir diminuer leurs revenus. « Si le conseiller a moins de revenus, on en reçoit moins aussi. S’il vend son portefeuille en dehors de notre cabinet, c’est également une perte pour nous », explique François Blanchet, vice-président développement des affaires provinciales à Aurrea Signature. Si, en réduisant son activité, le conseiller s’occupe moins de ses clients, « son portefeuille décline et les clients finissent par changer de conseiller », poursuit-il. Le risque est majoré lorsque la retraite progressive est mal préparée. « Souvent, on l’apprend à la dernière minute et rien n’est organisé », regrette le vice-président d’Aurrea.
Devant la récurrence des cas de retraite progressive, les cabinets de services financiers ont souvent trouvé la solution en s’occupant eux-mêmes d’aider les seniors à réduire leur activité. Ils y voient même une opportunité : « Ça donne la possibilité de prévoir un transfert en douceur, sur une période plus ou moins longue, de tisser une relation de confiance entre le jeune conseiller et la clientèle », fait valoir François Blanchet. Mais pour y parvenir, il est essentiel d’anticiper et de planifier la réduction de l’activité du conseiller senior, martèlent les dirigeants de firmes.
Formation des jeunes, préparation des seniors
Car organiser une retraite progressive comporte son lot de défis. D’abord, « il faut former la relève : les jeunes ont toutes les connaissances théoriques nécessaires en finissant leurs études mais c’est difficile de faire du développement des affaires pour constituer ou faire croître un portefeuille de clients », indique François Blanchet. Ensuite, « il faut trouver le bon match », poursuit-il. Le jeune doit non seulement s’entendre avec le senior si les deux travaillent en binôme pendant une période, mais il est aussi essentiel qu’il soit adapté au profil de la clientèle du senior. « Le profil psychologique du jeune conseiller est très important et c’est assez long à explorer », ajoute le vice-président d’Aurrea. Enfin, dans le cas d’une vente de certains pans de l’activité du senior, il est nécessaire de segmenter son portefeuille, d’en faire l’analyse pour décider des secteurs à vendre et planifier le tout.
Pour accompagner ses seniors et anticiper autant que possible les départs progressifs à la retraite parfois soudains à la suite de problèmes médicaux d’un conseiller senior, par exemple, MICA Services financiers a constitué un bassin de jeunes conseillers prêts à prendre la relève grâce à des formations adaptées.
Deux scénarios sont possibles : le senior réduit son activité et un jeune, payé à la commission par exemple, assure la permanence au bureau ou il vend des parts de son activité à un autre conseiller (de la relève ou non). « On encourage un modèle où un jeune est intégré tôt dans le processus pour qu’il ait le temps de se faire connaître par la clientèle », affirme Gino Savard. La transition commence tôt et s’étale sur une longue période. Si c’est ce jeune conseiller qui, finalement, prend le relais du senior lorsque celui-ci part à la retraite, le transfert aura été effectué sans heurt. Dans ce cas, « le défi, c’est de ne pas se tromper de dauphin », souligne cependant Gino Savard.
Une occasion d’affaires
Diversico pousse encore plus loin l’accompagnement. La firme fait partie de celles qui voient les départs progressifs à la retraite des conseillers comme une aubaine. « Nous en sommes les grands bénéficiaires », lance Daniel Guillemette, le président de Diversico, qui grandit par acquisitions depuis sa création. « Nous achetons les cabinets des seniors en retraite progressive et on les aide à s’organiser pour passer le flambeau et à trouver la relève », ajoute-t-il. Parfois, les seniors travaillent avec d’anciennes méthodes. Ils doivent faire le saut technologique et s’ajuster aux règles actuelles de conformité avant de penser à transférer toute ou partie de leur portefeuille. « C’est difficile pour un jeune conseiller de reprendre le portefeuille d’un senior qui n’était pas en ordre avec les règles de conformité, qui n’avait pas de secrétaire », reconnaît le président de Diversico, dont la firme apporte un soutien administratif et sur le plan de la conformité tant aux seniors qu’aux releveurs.
Pour les aider dans ces tâches, Diversico apporte un soutien en interne, place les seniors et les jeunes en duos, et a mis en place des outils et des processus, qu’il commercialise même maintenant dans l’industrie. iGeny est un système de gestion des processus d’affaires, Scansquad est une entreprise de numérisation de documents et Technosquad, une firme technologique qui vise à standardiser les processus. L’ensemble apporte des solutions aux seniors pour mettre en ordre leur portefeuille avant de se retirer progressivement.
Plutôt que de rester passif ou de tenter – en vain – de s’opposer à la tendance, les firmes de services financiers ont créé des écosystèmes et des mécanismes internes pour accompagner leurs seniors. Le jeu en vaut la chandelle : en accompagnant de façon efficace le conseiller en retraite progressive, les firmes s’assurent un revenu constant.