Le marché obligataire actuel envoie des signaux de prudence aux marchés financiers. D’abord, la Banque du Canada a commencé à relever son taux directeur et elle n’a pas fini de le faire, a dit Alfred Lee, gestionnaire de portefeuille chez BMO Gestion d’actifs, lors d’un événement organisé par BMO, à Montréal, jeudi. Il s’attend à ce que la banque centrale canadienne fasse trois majorations de 25 points de base en 2019 et que la Réserve fédérale américaine (Fed) fasse quatre majorations du même ordre l’an prochain. D’ailleurs, le marché anticipe ces dernières hausses de taux et il est fort probable que les banquiers centraux de ces pays agissent conformément aux attentes du marché, selon Alfred Lee.
Selon Alfred Lee, des hausses du taux directeur sont une bonne nouvelle. C’est signe que l’économie va bien. Toutefois, il y a un risque que ce soit le début de la fin pour le cycle économique actuel, qui arrive dans sa 10e année.
« Généralement, lorsque la Fed resserre sa politique monétaire, cela finit par une récession », a indiqué Alfred Lee.
Ensuite, Alfred Lee anticipe que la courbe des rendements obligataires continuera de s’aplatir, c’est-à-dire que les rendements des obligations à courte échéance se rapprochera de ceux des obligations à longue échéance. D’ailleurs, l’écart entre le rendement des obligations du Canada de 2 ans et celui des obligations du Canada de 10 ans s’établissait à 12 points de base, le 22 novembre dernier. À la même date de 2017, cet écart était de 45 points de base.
« Nous allons continuer de voir un aplatissement de la courbe des rendements obligataires. Nous l’avons vu au cours des 16 derniers mois et on va continuer de le voir. Regardez comment fonctionne la courbe. La partie à court terme est influencée par les politiques monétaires des banques centrales. La partie à long terme est influencée par la croissance économique à long terme. Cela serait surprenant que ça augmente beaucoup, étant donné que la croissance est modérée. La courbe devrait être plate », a-t-il expliqué.
Une autre raison qui explique pourquoi les taux à long terme restent obstinément aussi faibles réside dans la structure même du marché obligataire. « Une part importante des détenteurs d’obligations (53 % en 2016 selon PIMCO) achète des obligations pour des raisons “non économiques”. Ceux-ci sont des institutions financières “agnostiques au rendement” telles que les banques centrales, les compagnies d’assurance ou les banques commerciales », peut-on lire dans une récente étude dirigée par Daniel Straus et son équipe d’analystes de fonds à la Financière Banque Nationale (FBN).
Contrairement aux investisseurs typiques, ils achètent des obligations pour des raisons autres que le rendement total, par exemple en raison de règles comptables, d’appariement avec leurs passifs, de capital réglementaire ou de directives internes, notent-ils.
Quoi qu’il en soit, la diminution de l’écart de rendement entre les obligations à courte et à longue échéances peut provoquer un inversement de la courbe obligataire. Cela survient lorsque les taux à long terme sont plus faibles que les taux d’intérêt à long terme. L’écart devient alors négatif.
Depuis 1955, toutes les neuf récessions américaines sont survenues après l’inversement de la courbe des rendements, d’après une étude de la Réserve fédérale américaine de San Francisco de mars dernier. Le délai entre le moment de l’inversement de la courbe et le début de la récession s’est établi entre six et 24 mois. Il n’y a eu qu’une fois en près de 60 ans où l’inversement n’a pas été signe d’une récession officielle, mais seulement d’un ralentissement économique.
« Si vous regardez le cycle actuel, il y a eu cinq hausses de taux d’un quart de point de pourcentage. Dans les deux derniers cycles de resserrement des conditions monétaires, il y a des hausses de taux durant 10 à 12 trimestres, pour un total de 2,5 à 3 points de pourcentage de majorations. Si nous utilisons cela comme indicateur, la Banque du Canada augmentera ses taux 5 à 7 fois, ce qui prendra environ deux ans et demi », a-t-il prédit.
« D’ici deux à trois ans, lorsque la Banque du Canada sera rendue où elle veut être [sur le plan de son taux directeur], un ralentissement économique se produira à ce moment-là et la courbe de rendement commencera à prendre en compte des taux plus bas, ce qui entraînera une baisse des rendements à ce moment-là, ce qui entraînera une inversion de la courbe de rendement », a-t-il ajouté.
Même si le cœur d’un portefeuille devrait avoir une orientation défensive, la périphérie du portefeuille devrait profiter de la croissance économique actuelle, qui peut encore se poursuivre un moment, selon Alfred Lee.
Que faire pour profiter de ces tendances ou s’en prémunir? Alfred Lee propose quelques stratégies.
Adopter la stratégie de l’haltère
Dans le marché du revenu fixe, la stratégie de l’haltère consiste à s’exposer aux segments situés aux extrémités de la courbe des rendements, soit les obligations à très courtes échéances à celles à longues échéances. Comme on détient alors très peu d’obligations entre ces deux segments, cela ressemble à un haltère.
« Avec un FNB d’obligations qui arrive à échéance en moins d’un an, c’est une bonne façon de protéger votre portefeuille contre l’environnement de hausse des taux d’intérêt. En effet, on laisse les obligations venir à échéance et finir par se retrouver au pair. Puisqu’elles viennent à échéance au pair, cela permet aux investisseurs de neutraliser l’impact des taux d’intérêt », a-t-il dit.
De plus, à mesure que les taux augmentent, le rendement actuel d’un portefeuille d’obligations à très court terme augmente également, ce qui protège un investisseur contre la hausse des taux, a-t-il poursuivi. Selon lui, le FNB BMO obligations à très court terme (ZST / ZST.L) offre aux investisseurs un moyen efficace d’accéder à un portefeuille d’obligations de sociétés de qualité canadiennes.
Pour la partie à long terme, Alfred Lee recommande de s’exposer aux obligations fédérales de longue échéance, comme avec le FINB BMO obligations fédérales à long terme (ZFL) : « Les obligations sont une bonne façon de vous couvrir par rapport à la partie “action” de votre portefeuille, car elles sont négativement corrélées au risque de marché actions. De plus, lorsque l’inversion de la courbe des rendements arrivera, vous voulez détenir alors des obligations à duration élevée. »
Alfred Lee explique que les obligations fédérales à long terme bénéficieront, lorsque la courbe de rendement s’inversera, car les taux à long terme commenceront à baisser. À mesure que les rendements baissent, les obligations à long terme surperformeront : « Les obligations fédérales bénéficieront également du ralentissement de la conjoncture économique car elles ne présentent aucun risque de crédit. »
Privilégier les actions privilégiées
Une remontée des taux obligataires est généralement mauvaise pour le prix des obligations. En effet, lorsque les taux montent, le prix des obligations baisse, car le prix des obligations et leur rendement varient dans un sens inverse. Pour se protéger de ce vent de face, Alfred Lee suggère de miser sur les actions privilégiées dont le taux d’intérêt est susceptible d’être réinitialisé (rate reset).
« D’avoir une petite part du portefeuille qui va bénéficier de la hausse des taux d’intérêt est la clé. Des catégories d’actifs assortis de rate reset sont alors critiques. C’est une façon de se couvrir contre la hausse des taux d’intérêt. Le FINB BMO échelonné actions privilégiées (ZPR) est un bon outil en ce sens puisqu’il vous donne une exposition aux actions privilégiées dont le taux sera réinitialisé. De plus, il est plus efficace de s’exposer au marché des actions privilégiées avec un FNB étant donné la liquidité supplémentaire du FNB qui offre un marché secondaire à la négociation dans ce marché peu liquide », a-t-il noté.
Le moment de rééquilibrer
On ne le répétera jamais assez : le rééquilibrage peut être une bonne pratique de gestion de portefeuille et Alfred Lee l’a noté lors de l’événement. « Étant donné qu’une partie importante du portefeuille devrait être défensive, c’est le temps de rééquilibrer en vendant les actifs qui ont le mieux performé et en réallouant l’argent vers les actifs qui ont sous-performé », a-t-il noté.
Privilégier la qualité
Étant donné que l’actuel cycle économique prend de l’âge, il est plus sage d’opter pour des obligations de société de première qualité, plutôt que les obligations à haut rendement, selon Alfred Lee.
Il est vrai que les récentes turbulences dans le marché des obligations à haut rendement peuvent générer des occasions d’investissement à court terme. Cependant, à long terme, ce type d’obligation peut voir ses défauts de paiement croître, surtout lorsque l’économie se met à ralentir.
N’oubliez pas la croissance actuelle
On peut être prudent tout en profitant de la croissance économique actuelle avec une partie du portefeuille des clients. L’économie tourne à plein régime aux États-Unis et au Canada et plusieurs secteurs de l’économie nord-américaine connaissent des pénuries d’emplois.
C’est pourquoi une part du portefeuille des clients devrait être orienté « pro-croissance », selon Alfred Lee : « Si vous surpondérez les obligations corporatives, restez dans les obligations ayant la qualité la plus élevée. »
Lorsque les taux d’intérêt augmentent, comme c’est le cas actuellement, les actions des banques canadiennes et américaines ont tendance à en profiter, comme l’a indiqué Lindsay Patrick, directrice, Stratégie FNB à l’échelle mondiale, RBC Marchés des capitaux, lors du même événement.
Elle a examiné une corrélation positive entre le rendement de ce secteur de l’indice S&P 500 et les prévisions d’inflation pour les cinq prochaines années. « Habituellement, les titres bancaires augmentent avec les prévisions à la hausse de l’inflation [comme c’est le cas actuellement] », a-t-elle noté.
C’est pourquoi elle propose ainsi d’évaluer les FINB BMO équipondéré banques canadiennes et le FNB Pondération dynamique de titres de banques canadiennes Hamilton Capital.
Par ailleurs, pour les conseillers qui recherchent des actifs non corrélés aux marchés financiers, elle souligne que les infrastructures peuvent s’avérer une option. Selon Lindsay Patrick, les dépenses gouvernementales sont la seule composante du PIB des États-Unis qui devrait augmenter sur douze mois. Les élus démocrates et républicains sont aussi sur la même longueur d’onde par rapport à l’importance d’investir dans les infrastructures dans les prochaines années, d’après elle. Pour obtenir une exposition à ce marché, elle propose le FINB BMO infrastructures mondiales (ZGI CN) et le iShares Global Infrastructure Index ETF (CIF CN).