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Une préoccupation majeure émerge parmi les conseillers sondés à l’occasion du Pointage des courtiers multidisciplinaires 2024 et du Pointage des courtiers québécois 2024 : comment résister à l’attrition de la clientèle découlant du décès de clients retraités ? Plusieurs conseillers demandent : si mes clients meurent et que la succession est liquidée, ne vais-je pas perdre les actifs de ce client au profit des héritiers.

De telles préoccupations se dessinent en lettres majuscules à l’horizon de l’industrie financière, selon Jacen Campbell, vice-président, investissement et retraite, chez Groupe Cloutier. « Plusieurs sondages ont montré que plus de 80 % des héritiers et 90 % des veuves n’ont pas l’intention de garder le même conseiller, rapporte-t-il. C’est le risque qui me préoccupe le plus. Dans les prochains 20 ans, les conseillers peuvent perdre 80 % de leurs gros actifs et travailler comme des malades simplement pour faire du surplace. »

Ce risque réel est évitable, juge Denis Gauthier, chef de la direction de Sofistic.ai. Toute crise, fait-il ressortir, contient une occasion, et cette dernière réside dans le fait d’embrasser le changement de paradigme qui est en cours où les conseillers et leurs clients passent d’une ère d’accumulation d’actifs à une ère de décaissement.

Jacen Campbell croit de même : « Le Rotman School of Business parle d’un transfert de patrimoine de plus que 10 billions $ de 2026 à 2050 en Amérique du Nord en actifs d’investissements et en polices d’assurance. On n’aura jamais vu de telles masses d’argent changer de mains entre générations. Il faut aller où la rondelle va être. »

« L’industrie doit maintenant devenir habile dans les besoins de décaissement, insiste Denis Gauthier. Aujourd’hui, un excellent client est en décaissement. Auparavant, on avait une carte routière pour amener un client de 45 ans à 65 ans. Maintenant, la carte se déplace de 65 à 85 ans, et il y a là beaucoup de richesse. »

Cette nouvelle réalité impose aux conseillers et à leurs firmes d’ouvrir leurs perspectives, ce que Denis Gauthier appelle « une vue à 360 degrés ». Par exemple, il faut intégrer dans un cadre de gestion unique l’ensemble des actifs d’un client, pas seulement ses placements en fonds communs. Ainsi, il faut intégrer l’immobilier et avoir un plan pour en disposer au moment optimal, insiste le spécialiste. Il faut une gestion de trésorerie qui optimise décaissement et préservation du capital. Il faut une fiscalité ajustée à ces nouvelles équations. Surtout, il faut s’occuper des dettes et du passif des clients, ce que Denis Gauthier appelle « avoir des conversations en profondeur concernant les deux côtés du bilan ».

Les conseillers et leurs firmes qui vont mettre au point un cadre qui sert ces nouveaux besoins vont recruter de nouveaux clients, alors que les autres vont péricliter, prévoit Denis Gauthier. Heureusement, les technologies assistées par l’intelligence artificielle peuvent prêter main forte dans ce virage, ce que les logiciels que met au point Sofistic.ai tâchent de faire. « L’intelligence artificielle aide beaucoup dans ces fonctions, confirme Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers, et les technologies en général augmentent l’efficacité et permettent d’épargner de l’huile de bras. »

Étendre au-delà d’une seule génération

De plus, les spécialistes à qui on a parlés s’entendent sur un impératif que tout conseiller et que toute équipe doit embrasser : une perspective « multigénération ». Un problème majeur tenaille le conseiller typique, dénonce Jacen Campbell : son marché naturel tient à des personnes qui ont environ dix ans de plus et dix ans de moins que lui, et il a constitué sa clientèle dans ce bassin restreint. Forcément, ces clients arrivent à un âge plus avancé tous en même temps et laissent planer une menace importante d’attrition d’actifs et de revenus si les liens avec les héritiers ne sont pas déjà établis.

L’élargissement de perspective commence avec un joueur crucial — et souvent oublié : la conjointe ou le conjoint. « Recruter le conjoint est un gros plus, affirme Denis Gauthier, et même si les deux conjoints ne sont pas clients, engager la collaboration de l’autre conjoint permet de faire un meilleur travail. Vaut mieux un plan de retraite, par exemple, où les deux sont participants. »

Cette ouverture vers le conjoint peut mener à la prochaine ouverture, plus cruciale encore : les enfants et, idéalement même, le réseau familial étendu des parents et amis. De façon concrète, propose Denis Gauthier, cela impose de développer une offre pour plusieurs générations, une tarification ajustée à chaque membre de la famille et, bien sûr, de recruter dans l’équipe de plus jeunes conseillers susceptibles d’aller chercher une clientèle plus jeune. Et une fois cette offre mise au point, une autre étape cruciale est de la faire connaître à ces clients existants et de les inviter à la considérer pour leurs enfants et d’autres membres de leur réseau.

Faire cette ouverture n’est pas toujours évident, reconnaît Gino-Sébastian Savard. C’est pourquoi il faut que le conseiller soit aux aguets pour « ouvrir une conversation ». Jacen Campbell voit de telles occasions surgir quand un client parle des difficultés d’endettement d’un de ses enfants ou de sa difficulté de financer l’achat de sa première maison. Le conseiller avisé proposera son aide pour gérer la dette, recommandera un courtier hypothécaire ou verra si les parents aimeraient donner une aide financière. « Le rôle du conseiller est de se positionner en tant que coach financier pour toute la famille », soumet Jacen Campbell.

Gino-Sébastian Savard propose de susciter des événements et des rencontres thématiques, « par exemple annoncer un souper-conférence avec un notaire sur le rôle du liquidateur et inviter les clients à venir avec leurs enfants. »

« Si 60 % de ma clientèle est à la retraite, mais par contre, si j’ai un lien avec les enfants, la transition générationnelle peut être une occasion de croissance par la vente de nouveaux produits d’assurance et d’investissement, mais aussi par des actifs déjà dans la famille, soumet Jacen Campbell. Par exemple, la relance de l’accumulation du capital par la liquidation d’immeubles. »