L’indice bancaire KBW, qui piste les actions bancaires à grande capitalisation, a augmenté de 215 %, dividendes compris, depuis son creux de mars 2009, ce qui correspond à l’augmentation de 213 % enregistrée par l’Indice S&P 500. Pourtant, les actions bancaires peuvent encore faire du chemin, dit Michael Mattioli, directeur général et gestionnaire de portefeuille auprès de Manulife Asset Management, filiale bostonienne de Manuvie.
« L’écart des évaluations varie avec chaque banque, mais en moyenne nous croyons qu’elles ont un potentiel haussier de 25 %. En d’autres termes, elles se négocient en moyenne à environ 80 cents par dollar de leur valeur intrinsèque de base », dit M. Mattioli, membre de l’équipe qui gère le Fonds d’actions américaines à grande capitalisation Manuvie. « Habituellement, quand nous cherchons une thèse, nous aimons quand plusieurs choses s’annoncent bien. C’est vraiment le cas ici. »
D’abord, M. Mattioli remarque la forte croissance des prêts. « À long terme, cette croissance devrait s’aligner en gros sur le PIB nominal, soit environ 5 %. Entre 2009 et 2013, la croissance des prêts s’est en fait contractée, à un taux annuel de 2 %. Mais pendant l’année qui vient de s’écouler, elle est passée à 6 %, qui est une hausse assez conséquente », dit M. Mattioli, qui compte 10 ans d’expérience dans l’industrie et qui partage ses fonctions avec les directeurs généraux Sandy Sanders et Walter McCormack. « Les choses pourraient en fait s’accélérer davantage à mesure que les créanciers commerciaux et ceux de la consommation prennent davantage confiance dans le redressement économique. De plus, les consommateurs et certaines sociétés emprunteuses sont relativement peu endettés comparativement aux moyennes à long terme. Ils peuvent contracter d’autres dettes. »
Ensuite, Les taux d’intérêt vont augmenter tôt ou tard, ce qui est de bon augure pour les banques. « Il s’agit de quand, et pas de si », dit M. Mattioli, faisant allusion à la décision attendue de la Réserve fédérale. De plus, il note que les bilans bancaires sont actuellement positionnés dans une zone de sensibilité aux actifs et à une réévaluation du prix des actifs qui sera plus rapide que celle du passif. « Dans le cas de Bank of America, par exemple, chaque augmentation de 100 points de base dans la courbe des rendements ferait croître le revenu net en intérêts d’environ 4,5 milliards $US, dont la plus grande partie serait imputée au résultat net. »
Troisièmement, M. Mattioli avance que par le passé, plus la débandade du crédit est sévère, plus ce dernier rebondira longtemps et fort. « Nos recherches montrent que plus l’effondrement est radical, plus les banques et leurs tarificateurs deviennent stricts dans la qualité du crédit qu’ils attribuent », dit M. Mattioli, ajoutant qu’un schéma comparable s’était manifesté au début des années 1990, lorsqu’un effondrement de 18 mois a été suivi par un rebond prolongé. « Voilà pourquoi la croissance des prêts a été faible pendant les sept dernières années. Mais en ce qui concerne le cycle du crédit, nous sommes au milieu de la partie. »
Quatrièmement, M. Mattioli remarque que le ralentissement économique a forcé les banques à mieux contrôler leurs dépenses. « Cela a conduit à des organisations plus rationnelles qui peuvent affecter davantage de revenu au résultat net alors que les mesures de croissance avoisinent les niveaux de début de cycle. »
Cinquièmement, la pression des autorités de réglementation a conduit à de meilleurs soi-disant ratios de solvabilité des fonds propres de base, qui sont passés de 4 % à 11 % depuis 2008. « Un des points positifs qui a émergé de la crise est un environnent beaucoup plus sûr et solide pour les institutions financières. »
Le sixième facteur a trait aux litiges, qui ont forcé les banques à payer des pénalités de plusieurs milliards de dollars aux gouvernements et aux investisseurs privés. « La plupart des problèmes est de l’histoire ancienne, dit M. Mattioli, mais nous prenons les devants parce que nous voulons demeurer prudents, aussi avons-nous intégré à nos modèles des coussins annuels tenant compte de l’éventualité de litiges futurs. Nous péchons par excès de prudence. Si nous en arrivons néanmoins à des valeurs intrinsèques attrayantes, nous nous sentons plus à l’aise. »
En tant qu’investisseur qui se concentre sur les données fondamentales avec un horizon temporel de trois à cinq ans, M. Mattioli aime les actions comme Bank of America (BAC), qui, selon lui, se négocient à un rabais de 30 %. Un facteur essentiel est que le coût des dépenses provenant des litiges relatifs aux mauvaises créances encourus par sa division de reprise et de gestion d’actifs devrait chuter, passant de 1 milliard $US par trimestre à 500 millions $US. Le résultat est que « des économies de 2 milliards $US vont aller directement au résultat net ». De plus, M. Mattioli invoque l’amélioration de ce résultat si les taux d’intérêt devaient se mettre à grimper.
Dans la même veine, il cite JPMorgan Chase (JPM). L’année dernière, la banque a gagné 5,80 $US ajustés par action. Toutefois, après ajustements normalisés, M. Mattioli croit que la banque gagnerait 8 $US par action. « Nous ne pensons pas que le prix des actions prenne en compte ce facteur à l’heure actuelle. Le marché intègre un rendement des capitaux propres d’environ 8 %. Mais dans deux ans environ, le RCP des banques devrait se trouver dans l’éventail des 11 à 12 %. »
M. Mattioli admet qu’il y a des risques de baisse. L’un d’entre eux est la possibilité que la hausse des taux d’intérêt puisse prendre du temps. « Plus ils en restent à ce niveau, plus les marges nettes d’intérêt des banques s’en trouvent affectées. » De plus, des exigences réglementaires imprévues pourraient avoir un effet négatif sur les banques. « S’il faut qu’elles détiennent encore plus de fonds propres, ce qui diminuerait leur niveau d’endettement, cela pourrait comprimer leurs rendements. »
Néanmoins, M. Mattioli est convaincu que certains facteurs peuvent intervenir en leur faveur, ce qui suffirait à plaider pour elles. « La thèse ne dépend pas seulement d’un seul facteur favorable. Même s’il n’y en a que deux ou trois autres, cela suffira à ce que la possession d’actions bancaires à grande capitalisation nous soit bénéfique à ces niveaux-là. »