La courbe économique. On voit qu'elle s'inverse, un virus est au point d'inflexion.
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En février 2020, Stephen Poloz, alors gouverneur de la Banque du Canada, testait son masque N95 lorsqu’il réalisa que la COVID-19 ne serait pas qu’un simple problème de santé publique.

Quelques jours plus tard, il participait à une réunion des gouverneurs de banque centrale et des ministres des Finances des pays du G20 au cours de laquelle le sujet des conséquences économiques et financières de la pandémie a été abordé.

Stephen Poloz avait alors ses propres préoccupations. Les cours pétroliers dégringolaient assez pour que la Banque du Canada décide de réduire son taux directeur d’un demi-point de pourcentage pendant que le nombre de cas de COVID-19 augmentait dans le monde entier.

Il s’agissait de la première baisse du taux directeur depuis 2015.

« Nous pensons en avoir fait beaucoup pour amortir le coup, avait déclaré Stephen Poloz au cours d’une conférence de presse, le 5 mars 2020. Nous ne savons pas quelle pourrait être l’ampleur de la pandémie, nous allons donc examiner des moyens pour le déterminer. »

C’était le début d’un mois encore jamais vu à la banque centrale canadienne. Après une première réduction qui ramenait le taux à 1,25%, Stephen Poloz a dû superviser deux autres diminutions et le lancement d’un programme d’achat d’obligations pour soutenir l’économie au cours de la première vague de la COVID-19.

Stephen Poloz, aujourd’hui au Lawrence National Center for Policy and Management de l’Université Western, a raconté le fil des événements lors d’une récente entrevue accordée à La Presse Canadienne.

Le 6 mars, il a convoqué les dirigeants des grandes banques du pays à une réunion. Les leçons de la crise financière de 2008-2009 ont plané au-dessus de la tête des participants. Chacun a souligné l’importance de maintenir le crédit aux entreprises et a suggéré de donner aux détenteurs de prêts hypothécaires des congés de paiement si les choses allaient vraiment mal.

Stephen Poloz se souvient en avoir parlé le même jour avec le sous-ministre du ministère des Finances, puis avec le premier ministre Justin Trudeau.

Une semaine plus tard, le 13 mars, il a reçu un appel du ministre des Finances de l’époque, Bill Morneau, qui l’invitait à participer à ses côtés à une conférence de presse au cours de laquelle serait dévoilé un programme d’aide économique. Le ministre voulait ainsi projeter une certaine confiance. Pour les dirigeants, il était prioritaire d’empêcher l’installation d’un climat de panique.

« C’est dans ce temps-là que l’on se retrouve dans une véritable récession, dit Stephen Poloz. Il est difficile de restaurer la confiance lorsque celle-ci a été brisée. »

Stephen Poloz a consulté le conseil de direction de la Banque du Canada qui envisageait déjà de réduire son taux d’un autre demi-point de pourcentage. Il a décidé d’aller de l’avant dès le 16 mars plutôt que d’attendre la mi-avril et la publication du rapport sur politique monétaire de la banque.

La cheffe de cabinet de Stephen Poloz, Jill Vardy, et la première sous-gouverneure Carolyn Wilkins, ont rédigé un communiqué de presse pendant que Stephen Poloz se préparait aux questions des journalistes. Son allocution n’a été prête que quelques minutes avant la conférence de presse avec Bill Morneau et le surintendant des institutions financières.

« La perspicacité [de Bill Morneau] de nous avoir tous les deux là-bas était bonne, souligne Stephen Poloz. À l’époque, on n’avait aucun indice sur à quoi nous devrions nous adapter. Cela a permis de mettre tout cela en place. »

Mais la présence de Stephen Poloz a un effet imprévu. Elle a rendu les investisseurs nerveux qui l’ont interprétée comme un mauvais signe. La banque centrale a dû prendre la décision inhabituelle de publier un avis indiquant qu’elle ne prévoyait pas de réduire les taux pour calmer les marchés.

L’ancien gouverneur dit que le groupe qui détermine le taux directeur espérait toujours attendre le 15 avril avant d’annoncer une nouvelle baisse.

« En arrière-plan, nous savions que les choses s’effondraient et que nous devions probablement annoncer une troisième baisse. Et plus tôt que tard. »

Ailleurs, d’autres banques centrales, avec lesquelles Stephen Poloz maintenant un contact régulier, réduisaient leur taux et approchaient de la borne effective intérieure, soit un taux à zéro.

Le 27 mars, la Banque du Canada a transmis un avis pour annoncer qu’elle baissait son taux directeur à 0,25 %. Elle a aussi lancé « une série d’opérations sur les marchés pour que le crédit soit disponible et que les marchés continuent à fonctionner ».

Le mandat de Stephen Poloz à la tête de la Banque du Canada a pris fin en juin dernier. Depuis, il observe la situation.

Selon lui, l’économie se porte mieux, mais il ajoute que les prochaines grandes décisions budgétaires nécessiteront une véritable orchestration.

C’est un peu comme combattre un incendie.

Stephen Poloz avait utilisé cette analogie l’an dernier. Il disait alors qu’un pompier n’était jamais critiqué s’il utilisait trop d’eau pour combattre les flammes. Aujourd’hui, il observe comment l’économie se relèvera des décombres.

« J’ai hâte de voir comment tout cela se passera. »