Table ronde sur les placements à revenu fixe : première partie
Question : Pour l’investisseur particulier quelles sont les conséquences de la monétisation et des taux d’intérêt aussi bas?
Michael McHugh, vice-président et directeur des titres à revenu fixe auprès de GCIC Ltée, promoteur de la gamme de fonds communs Dynamique : Sur le marché des titres à revenu fixe cela s’est traduit par des revenus plus faibles et des cours plus élevés. Cela a également exercé une influence sur le cours des actifs plus risqués. En réagissant aux rendements faibles, les investisseurs particuliers se sont progressivement rabattus vers des titres avec un rendement supérieur et un profil de risque plus marqué. On observe une plus grande tolérance du risque. Il y a un retour des produits structurés qui reproduisent les caractéristiques des créances de mauvaise qualité qui existaient en 2008. Une citation attribuée à Mark Twain et qui est plutôt pertinente ici est « L’histoire ne se répète pas, mais elle rime ».
Q : Y a-t-il toujours des raisons d’investir dans les obligations? Il n’est pas certain que les taux d’intérêt remonteront dans un avenir proche. Si cela ne se produit pas, il leur serait difficile d’aller plus bas qu’à l’heure actuelle pour motiver les cours obligataires.
Steve Locke, vice-président principal et chef de l’équipe des placements à revenu fixe chez Placements Mackenzie : Les obligations versent un revenu. Elles apportent de la diversification sur l’ensemble d’un portefeuille. Par ailleurs, les obligations de bonne qualité peuvent procurer une certaine stabilité dans le contexte précaire dont nous avons parlé. Au début des années 80 une tendance à long terme s’est amorcée qui a mené 30 ans plus tard aux rendements faibles que nous voyons depuis quelque temps. Les obligations ont été et continuent à être une catégorie d’actifs à volatilité inférieure.
Brian Miron, gestionnaire de portefeuille chez Fidelity Investments, dans la division des titres à revenu fixe de Fidelity Management and Research Co. : Si l’on regarde l’Indice obligataire universel DEX, le point de repère canadien des titres de qualité supérieure, les obligations ont fourni des rendements valables et stables ces 10 dernières années. De 1940 à 1981, soit une période de hausse des taux d’intérêt à long terme, la pire perte sur un an subite par les obligations américaines a été de 5 %. Sur cette quarantaine d’années, les rendements sur un an ont été négatifs seulement 10 % du temps, tandis que le marché boursier l’a été près de 25 % du temps.
MM : L’une des implications découlant de rendements obligataires inférieurs est une plus grande sensibilité des cours en cas de fluctuations des taux d’intérêt, que lors d’une conjoncture où le rendement est supérieur. Nous sommes à un taux de rendement obligataire auquel un particulier ne s’enrichira pas sur le marché à revenu fixe. Cependant, la valeur des obligations dans un tel environnement est que l’investisseur ne subira probablement pas une érosion continuelle de son capital. Les investisseurs devraient se recentrer sur des placements avec une bonne qualité du crédit, car les évaluations des investissements plus risqués sont élevées.
Q : Le repli des investisseurs particuliers qui ont délaissé les actions pour les obligations depuis la fin de la crise financière, est-il terminé? Si l’on regarde les résultats récents, l’Indice composé S&P/TSX a surclassé l’Indice obligataire universel DEX sur trois mois jusqu’à la fin du mois de mars 2013, et sur les 12 mois à la fin du mois de mars.
MM : L’une des conséquences de la crise financière en 2008 a été le rééquilibrage de portefeuilles et la réévaluation de leurs attributs. C’est à ce moment-là que les investisseurs ont découvert qu’ils détenaient une part d’actions élevée avec laquelle ils n’étaient pas à l’aise, et qu’il y a eu une migration vers des actifs à revenu fixe. Il y a également eu une meilleure prise de conscience de la valeur du revenu dans le profil de rendement total. Cela a perpétué cette tendance vers les obligations. Ces flux découlent d’investisseurs particuliers, de fonds de pension et d’autres investisseurs institutionnels. Sautons de mars 2009 à mars 2013. Le profil de rendement des obligations a diminué et les marchés boursiers ont profité d’une forte appréciation. Et pour la suite? Cela signifie probablement un profil de rendement plus faible dans le temps pour ces deux catégories d’actifs. Il y aura aussi davantage de volatilité. L’appréciation du marché boursier devra être soutenue par les attentes en matière de croissance des bénéfices.
Q : À quels défis les investisseurs particuliers font-ils face en participant au marché canadien des obligations de sociétés, lequel propose un écart de rendement par rapport aux émissions du gouvernement canadien?
MM : Il s’agit d’un espace essentiellement institutionnel. C’est un marché hors cote et les informations à ce sujet ne sont pas facilement accessibles. Pour les investisseurs particuliers, il est difficile de participer au marché des obligations de société. Et cela ne fait qu’empirer au lieu de s’améliorer. Les courtiers ne procurent pas la même liquidité au marché qu’auparavant.
BM : Il n’y a pas de données de publiées pour le Canada. Aux États-Unis en revanche, l’inventaire des courtiers en obligations de sociétés est à peu près 25 % de ce qu’il était avant la crise. Cela ressemble à ce qui est en train d’arriver à la liquidité du marché des obligations de sociétés au Canada.
Le marché canadien des obligations de sociétés est étroit. En 2013 il y aura environ 55 milliards $ d’émissions de sociétés qui arriveront à échéance. Les versements de coupons pour les obligations de sociétés existantes représenteront 15 milliards $ supplémentaires. Ensemble cela totalise 70 milliards $. Il est prévu que les sociétés émettront des créances à hauteur de 80 à 90 milliards $. Donc la plupart des nouvelles émissions ont déjà trouvé preneur.
Le marché canadien des obligations de sociétés s’élève à 325 milliards $ environ, dont près de 100 milliards est sous forme de créances bancaires. Il y a d’importants changements réglementaires à l’horizon qui toucheront certains segments des créances bancaires canadiennes. Mais le moment et les détails de ces changements restent flous. L’on s’attend toutefois à ce que ces changements n’aient pas d’impact néfaste.
Q : Abordons brièvement d’autres développements qui touchent le marché obligataire canadien.
SL : La Banque du Canada maintient son taux directeur à 1 % depuis septembre 2010. On pensait qu’elle l’aurait augmenté vers la fin 2012 ou au début de 2013. Cependant la croissance du produit intérieur brut canadien a été médiocre, en dessous de 2 %. Et il semble qu’elle sera plutôt léthargique en 2013. On s’attend à un profil de croissance plus faible et un taux d’inflation plus bas pour les prochains trimestres.
MM : Des flux de capitaux robustes, provenant d’investisseurs internationaux, continuent à se déverser sur le marché obligataire canadien. La plupart de ces capitaux émanent d’institutions étrangères ou de fonds de patrimoines souverains qui recherchent des titres liquides de qualité supérieure, plutôt que d’investisseurs particuliers.
BM : Depuis le commencement de la crise financière mondiale, les investisseurs étrangers ont placé près d’un quart d’un billion de dollars dans le marché obligataire canadien. On parle pour tous les types d’émetteurs réunis. Certains économistes estiment que la monétisation entreprise par la Réserve fédérale américaine a fait baisser les taux d’intérêt de 100 points de base aux États-Unis, soit un point de pourcentage entier. Il est estimé que les taux d’intérêt canadiens ont tout autant été poussés vers le bas en raison de ces injections de capitaux étrangers.
Q : Comment les taux des obligations du gouvernement du Canada de 10 ans se comparent-ils à ceux des autres pays?
BM : À la fin du mois d’avril, le Canada affichait 1,7 % par rapport à 1,67 % pour les États-Unis et 1,2 % pour l’Allemagne. La Suède se situait à 1,57 % et la Suisse à 0,55 %. Le marché obligataire canadien est l’un des plus grands et des plus liquides au monde.
Q : Qu’est-il arrivé à la durée (gloss: D-470) de l’Indice obligataire universel DEX?
BM : Sur les 30 dernières années, la durée est passée de cinq à sept ans environ. Aux États-Unis, c’est la situation inverse. En fait la durée y a diminué et est actuellement à 4,5 ans environ. Si l’on regarde la sensibilité aux taux d’intérêt des deux marchés, et l’impact potentiel d’une conjoncture où les taux d’intérêt augmenteraient sur leurs obligations respectives, le DEX est indéniablement plus sensible aux mouvements des taux d’intérêt.