Bien que le secteur bancaire ait connu d’excellentes années depuis la crise financière de 2007-2009, un certain scepticisme persiste quant à sa valeur à long terme. Dans un podcast, Klaus Dallerup et Pradip Patiath, deux partenaires seniors de McKinsey, et Lucia Rahilly, la directrice éditoriale mondiale de McKinsey, discutent de ce paradigme en marge de la dernière revue annuelle mondiale du secteur bancaire de McKinsey. Ensemble, ils explorent les origines de ce scepticisme, mais aussi les risques et les occasions dans un environnement en constante évolution, tout en partageant les leçons que les leaders peuvent tirer des banques ayant régulièrement surperformé au cours de la dernière décennie.
Un secteur en santé
Actuellement, dire que le secteur bancaire se porte « bien » serait un euphémisme. Lucia Rahilly rappelle ainsi que « c’est le secteur générant le plus grand profit au monde ». Il s’agit également d’un secteur critique, ajoute Pradip Patiath. Il sort ainsi quelques statistiques :
- plus de 400 trillions de dollars d’actifs intermédiaires dans le monde ;
- environ 7 trillions de dollars de revenus mondiaux
- et 1,1 trillion de dollars de bénéfices nets mondiaux.
Sans compter que ce secteur sait quels actifs sont moins risqués et comment s’assurer que ce sont ceux qui figurent sur nos bilans. « Les banques sont plus saines que jamais à bien des égards », note Klaus Dallerup.
Une mauvaise productivité ?
Quelques facteurs sont néanmoins source d’inquiétude, d’abord la productivité.
Alors que la productivité augmente dans tous les secteurs, notamment dans les services professionnels et techniques, où elle a progressé de 25 %, et dans les entreprises privées non agricoles, où elle a augmenté de près de 15 % au cours des 15 dernières années, dans le secteur bancaire, elle a diminué de 4 %.
Les dépenses technologiques y sont pour beaucoup. Les banques dépensent près de 600 milliards de dollars dans le monde pour la technologie. Et alors que la technologie est considérée par beaucoup comme un facteur de productivité, les données ne soutiennent pas cela. Il faut savoir que les banques ont très vite adopté la technologie. Et comme celle-ci évolue très rapidement, leur héritage est très profond, et c’est pourquoi les dépenses sont énormes. « Mais les marchés ne valorisent pas cet héritage. Ils valorisent ce qui vient dans le futur », souligne Klaus Dallerup.
De plus, pour les banques, la technologie ne signifiait pas forcément de se débarrasser d’anciens systèmes, mais de proposer de nouvelles options, ce qui empêchait les économies.
De nouveaux défis
Les institutions bancaires doivent aussi faire face à des concurrents non traditionnels comme les fintechs ou les grandes entreprises technologiques.
Sur ce point, les experts de McKinsey ne s’inquiètent pas pour elles : « les banques ont un très bon mécanisme de défense : la régulation ». En effet, la finance est un secteur très réglementé, ce qui rend difficile la concurrence directe avec les géants bancaires.
Néanmoins, les experts estiment qu’un certain risque concurrentiel pourrait émerger des géants technologiques, qui possèdent d’énormes bases de clients, d’importants investissements et une maîtrise de la technologie.
Ces entreprises pourraient commencer à s’approprier les segments les plus attractifs du secteur bancaire en se lançant dans les segments de la finance les moins régulés.
Passer des défis aux actions
Face à ces défis, les leaders peuvent entreprendre diverses actions.
Klaus Dallerup estime qu’ils pourraient notamment chercher à tirer parti de leur taille ou tenter de se positionner sur des marchés plus rentables et bien établis. À l’intérieur même de ces marchés, ils devraient aussi identifier et cibler les segments les plus lucratifs.
« Les segments nécessitant des investissements conséquents, comme la banque privée ou les clients fortunés, sont plus intéressants que la banque de détail, où les clients n’ont qu’un compte d’épargne ou de transactions basique. En tout cas, si vous êtes une banque universelle », affirme l’expert.
Pradip Patiath leur recommande de ne pas négliger les secteurs en pleine croissance, car s’ils le font, ils risquent de rater des occasions.
Selon lui, les leaders doivent également porter attention aux évolutions démographiques, notamment les transferts de richesse, au risque de céder du terrain aux gestionnaires d’actifs, gestionnaires de patrimoine, compagnies d’assurance, et autres.
Finalement, il recommande de choisir le secteur dans lequel ils souhaitent s’engager pleinement et de déterminer quelle proportion de leurs affaires allouer à chaque activité.
« Être plus déterminé a été un facteur clé pour déterminer quels sont les 14 % de banques dans nos données qui ont véritablement surperformé en matière de rendements et de croissance », souligne-t-il.