La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) aurait obtenu des rendements plus élevés si elle avait suivi une simple stratégie indicielle, selon une nouvelle étude du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal.
L’actif de la Caisse aurait été plus élevé de 11 % si les gestionnaires du bas de laine des Québécois avaient reproduit une simple stratégie indicielle « classique » de 2009 à 2021, selon le rapport publié jeudi. La Caisse arrive ainsi au sixième rang d’un échantillon de huit grandes caisses de retraite canadiennes du secteur public.
La Caisse génère des rendements suffisants pour honorer ses engagements envers les travailleurs québécois qui cotisent au Régime des rentes du Québec (RRQ), mais cette contre-performance soulève tout de même des questions, croit le directeur du CPP, Robert Gagné. « Je ne vois pas pourquoi les Québécois devraient laisser de l’argent sur la table », déplore le professeur, en entrevue.
Dans sa comparaison, le CPP utilise un indice de référence différent de celui de la Caisse pour arriver à ses conclusions. Il prend celui de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, qui est composé à 85 % d’actions et 15 % d’obligations.
L’indice est différent du portefeuille de la Caisse de dépôt qui contient près de 30 % en revenus fixes, 25 % en actifs réels (immobilier et infrastructures), 25 % en actions cotées en Bourse et 20 % en actions de sociétés privées, en date du 31 décembre 2022.
Robert Gagné estime qu’il est raisonnable de prendre un indice de référence avec une pondération différente. La comparaison permet « de voir à quoi la Caisse renonce en faisant les choix qu’elle fait ». « C’est comme ça qu’on établit sa pertinence (de la stratégie). »
À la Caisse, on estime que le rapport « simplifie à outrance ». Le risque de l’indice utilisé par le CPP a un profil de risque trop risqué. Un profil indiciel contenant 60 % d’actions et 40 % de revenus fixes aurait été plus approprié, selon elle. En comparaison avec cet indice la surperformance serait « constante » depuis 2009 pour s’établir à 44 milliards de dollars (G$). « La comparaison faite par le Centre n’est donc pas appropriée », réagit l’institution dans un communiqué.
Les placements privés
Le rapport du CPP constate que la Caisse a généré de la valeur ajoutée depuis 2014. La différence serait toutefois attribuable en grande partie aux placements privés, des actifs dont la valeur est plus difficile à établir que les actions cotées en Bourse. « Les placements privés ne sont pas évalués par les marchés de manière objective parce qu’il n’y a pas autant de transactions », explique Robert Gagné.
Cette valeur ajoutée joue toutefois un rôle dans l’évaluation de la performance des dirigeants de la Caisse. Ses plus hauts dirigeants se sont partagés 10,6 M$ en primes en 2022. « Ça permet à la Caisse de claironner sur tous les toits qu’elle est bonne et qu’elle fait bien son travail », ironise Robert Gagné.
De plus, la pondération des placements privés a presque doublé dans le portefeuille de la Caisse depuis 2013. Ce changement a été accompagné d’importantes dépenses d’exploitation. L’effectif de la Caisse a gonflé de 68 % entre 2013 et 2021.
En février, la Caisse affirmait, pour sa part, que son portefeuille avait généré l’équivalent de 30 milliards $ en valeur ajoutée sur une période de 10 ans par rapport à son indice de référence. Son rendement annualisé était de 8 % sur 10 ans, en date du 31 décembre, contre 7 % pour son indice de référence.
À la Caisse, on assure que l’évaluation des placements privés se fait dans les règles de l’art. « La rigueur des données de rendement de ce portefeuille est démontrée par le suivi des normes les plus strictes et est validée par des vérificateurs externes et des évaluateurs indépendants. »
L’institution juge également que les charges d’exploitation ne sont pas un bon indicateur s’ils ne sont pas comparés avec la taille totale de l’actif. Au total, les coûts de la Caisse représentaient 0,48 % de son portefeuille en 2022. « Le ratio moyen des coûts de la CDPQ au cours des trois dernières années, de 2020 à 2022, a été d’environ 35 % plus faible que la moyenne de ses pairs canadiens sur la même période. »
Robert Gagné reconnaît que son rapport pourrait contenir des erreurs, mais il estime que le « manque de transparence » de la Caisse complique son travail. « Nous, on pense que le travail est bien fait. On pense que nos conclusions sont solides, mais évidemment on serait plus confortable si nous avions eu accès à plus d’informations pour valider ce qu’on avance. »