Pourtant, le vote en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, communément appelé le Brexit, allait sabrer dans la croissance économique déjà faible en Europe et plonger les marchés financiers dans une période d’incertitude telle qu’elle ne pouvait qu’affecter négativement les marchés boursiers de par le monde, disait-on.
À la suite du rebond boursier de la semaine dernière, faut-il croire que ce Brexit n’est somme toute qu’un mauvais rêve ?
Les investisseurs avaient probablement vu venir le coup beaucoup plus que ce que les premières réactions des marchés ont indiqué. Selon Julian Emanuel, stratège chez UBS, le comportement de l’indice VIX, communément surnommé l’indice de la peur, montre que les investisseurs avaient pris toutes les précautions voulues contre des pertes qui auraient pu être causées par le résultat du référendum.
Cet indice s’apprécie lorsque les primes payées pour les options augmentent. Cela se produit lorsque les investisseurs utilisent le marché des options pour se protéger de mouvements violents des marchés. Le VIX s’était apprécié sensiblement durant la semaine ou deux précédant le référendum., indiquant une forte utilisation de ce marché par des investisseurs inquiets. « Il s’est ensuite dégonflé de 40 % en quelques jours, ce qui indique que les investisseurs étaient sur-protégés contre une baisse importante du marché », dit Julian Emanuel. Ils étaient alors en bonne position pour profiter des opportunités qui se présentaient.
Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier la chute de 10 % de la livre sterling, note Jean-Luc Landry, président, Gestion de portefeuilles Landry. « C’est là que l’impact du référendum sur les marchés financiers est le plus palpable », dit-il.
La bourse londonienne s’est bien replacée probablement dû au fait que de nombreuses firmes cotées sont des compagnies exportatrices et que la dévaluation de la monnaie britannique va favoriser les exportations, croit M. Landry.
Le Brexit risque néanmoins de plonger le Royaume-Uni en récession, mais les bourses américaine et canadienne seront peu affectées, selon lui. Un deuxième semestre marqué par une hausse du prix du pétrole et une amélioration des statistiques économiques américaines devraient se traduire par des gains sur les parquets des bourses nord-américaines, croit-il.
Le retrait est-il inévitable ?
Si les bourses semblent rassurées pour l’instant, c’est qu’il existe également une possibilité que les anglais fassent marche-arrière et qu’ils ne quittent pas finalement l’Union européenne.
À cet égard, une importante firme d’avocats de Londres, Mishcon de Reya, a lancé le 4 juillet une procédure légale afin de faire reconnaitre que le résultat du référendum ne force pas nécessairement le Royaume-Uni à se retirer de l’Union européenne.
C’est l’Article 50 du traité de Lisbonne signé en 2009 qui prévoit les procédures de retrait d’un pays de l’Union européenne.
Ces avocats veulent faire reconnaitre que la décision d’invoquer l’Article 50 doit être entérinée par un vote du parlement britannique. « C’est la responsabilité démocratique du parlement de prendre en compte le résultat du référendum ainsi que les autres facteurs pertinents afin de prendre l’ultime décision », dit Kasra Nouroozi, associé chez Mishcon de Reya. Ainsi, ce serait au parlement et non pas au futur premier trimestre ou à son intérim d’invoquer l’Article 50 et de déclencher le processus de sortie.
Le juriste Jeff King de la University College London semble d’ailleurs de cet avis. Il affirmait lundi en entrevue à l’agence Reuters que le parlement doit donner son assentiment avant que le premier ministre ne puisse déclencher les procédures de retrait prévues à l’Article 50.
Toutefois, des spécialistes en droit constitutionnel ont une opinion différente. Toute question de politique étrangère est une prérogative royale qui doit être exercée par le premier ministre ou le ministre des affaires étrangères, selon eux.
Martin Howe, associé senior chez Howe & Co’s et spécialiste des questions relatives aux droits de l’homme, ajoute que le résultat du référendum ne fait pas que permettre au premier ministre d’invoquer l’Article 50, mais il lui confère le mandat de le faire sans être appuyé d’un vote du parlement.
Qu’arrivera-t-il ? Les démissions surprise de certains leaders du camp du Brexit, dont le conservateur Boris Johnson et le chef du parti anti-européen UKIP Nigel Farage, ajoutent certainement à la complexité de la situation.
Compte tenu que le gouvernement conservateur actuel possède une majorité de 16 sièges sur les 650 sièges de la Chambre des communes, les débats seront certainement houleux, et le vote qui s’en suivrait, s’il y en avait un, pourrait ne pas confirmer le vote populaire du 23 juin. Le Brexit pourrait alors n’avoir été qu’un mauvais rêve.