La persistance des faibles taux d’intérêt accentue ce défi et dans ce contexte, « la stratégie de placement adopté par leurs conseillers pour s’assurer que les placements génèrent les revenus requis, que ce soit sous forme d’intérêts, de gains en capital ou de dividendes, est d’autant plus importante », souligne Francis Sabourin, directeur, gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille, chez Richardson GMP, qui compte quelques fondations au nombre de ses clients.
Les actions canadiennes et au-delà
La nécessité de préserver la valeur réelle du capital tout en œuvrant dans un contexte économique imprévisible, constitue une préoccupation majeure pour les fondations, selon une enquête sur les fondations et les fonds de dotation de Morneau Shepell, publiée en juin 2015, alors que « réaliser le juste équilibre entre le risque et le rendement est un exercice difficile, mais crucial ».
« La majorité des fondations canadiennes optent pour une composition d’actif traditionnelle de 60/40, 60 % étant dirigé vers les actions et 35 à 40 % vers les titres à revenu fixe », indique l’enquête Morneau Shepell.
De même, la plupart des répondants misent majoritairement sur les actions canadiennes. Ainsi, 94 % des répondants ont indiqué détenir des actions de sociétés canadiennes, et ces actions représentent 48 % de leur portefeuille d’actions.
À moins quelles aient un mandat très spécifique ou aucune marge de manoeuvre, les fondations doivent s’assurer de récolter des revenus réguliers pour atteindre leurs objectifs de préservation du capital et de croissance, estime Francis Sabourin. Pour sa part, il opte pour un portefeuille équilibré dont la répartition est approximativement dirigée à 62 % vers les actions, « incluant une portion en actions canadiennes, américaines et internationales, afin de gérer la devise », et à 38 % vers les titres à revenu fixe et la liquidité.
Si les taux d’intérêt étaient plus élevés, la portion consacrée au revenu fixe serait toutefois plus grande, précise-t-il.
« De faibles taux conjugués à un niveau d’inflation potentiellement à la hausse signifient que les fondations doivent revoir les méthodes traditionnelles de placement afin de diversifier davantage leur portefeuille pour l’adapter », note l’enquête Morneau Shepell.
« Du coté revenu fixe, nous avons tendance à regarder du côté canadien ou québécois, notamment dans le secteur municipal. C’est vrai que cela nous a donné de bons rendements, mais pour les cinq à dix années à venir, ces options vont nous mettre au défi. »
Pour Francis Sabourin, l’une des façons de diversifier son exposition sans trop ajouter au risque consiste à saisir des occasions de revenu fixe au niveau mondial, puisque les options traditionnelles sont moins intéressantes.
Selon lui, l’accès à des gestionnaires « capables de nous amener à prendre des positions à l’étranger » constitue une alternative intéressante. Dans cet esprit, l’utilisation de fonds d’investissement sans contrainte permet l’accès à des obligations de pays étrangers, notamment de pays émergents, qui sont de grandes qualités et dont la cote de crédit est très bonne.
« Ce type de fonds est relativement populaire aux États-Unis, et on en voit apparaître de plus en plus au Canada », soutien Francis Sabourin.
Utilisation accentuée des produits alternatifs
« Ce n’est pas vrai qu’une fondation peut être investie à 100% en actions, mais il ne faut pas non plus qu’elle soit investie à 90 % en obligations. Il faut donc être alerte et certains produits dans la catégorie des produits alternatifs ne sont pas piqués des vers. Il s’agit de produits un petit peu plus difficiles à comprendre, mais qui bon an mal an, répondent aux attentes », mentionne Francis Sabourin.
Il cite en exemple les titres à revenu fixe reliés aux hypothèques corporatives de premier rang sur des immeubles, les prêts à court terme destinés à financer des projets immobiliers, et ceux liés au monde de l’affacturage, qui est un processus par lequel les comptes recevables d’entreprises sont financés dans le but de générer des liquidités.
Selon Francis Sabourin, il s’agit de créneaux ayant toujours existé, mais auxquels l’accès se démocratise, notamment parce que des firmes spécialisées s’y intéressent.
Selon la politique d’investissement de la fondation, il considère qu’un conseiller peut intégrer jusqu’à 25 % de produits alternatifs au portefeuille, à l’intérieur notamment de la portion de revenus fixes.
Les placements non traditionnels ont gagné en popularité depuis quelques années et offrent un vaste éventail de risque et de rendement, constate l’enquête Morneau Shepell.
« Les placements non traditionnels, bien qu’ils conviennent rarement aux petites fondations en raison de l’importance des capitaux qu’ils exigent, ont l’avantage de procurer des rentrées de fonds stables et un bon potentiel de croissance à long terme » peut-on y lire.
« Ce type de produit nous aide à aller chercher du revenu et à mitiger certains risques, que ce soit des risques de liquidité, de défaillance, de taux de change, de marché boursier ou d’inflation, par exemple. Et même s’il peut y avoir un élément de risque à utiliser ces produits, le plus grand risque que l’on peut prendre consiste présentement à ne pas prendre de risque », lance Francis Sabourin.
Entre risque et rendement
Si elles veulent atteindre « leur objectif de dépenses à long terme tout en préservant leur actif et même en l’augmentant, les fondations doivent d’abord réévaluer leur stratégie de placement », mentionne l’enquête de Morneau Shepell. Cette enquête a été effectuée auprès de 32 fonds de dotation et fondations à travers le Canada. Dans 58 % des cas, leur actif était inférieur à 100 millions de dollars (M$), 11 % avaient un actif compris entre 100 et 250 M$, et 31 % d’entre elles avaient un actif supérieur à 250 M$.
Selon Francis Sabourin, la politique d’investissement varie beaucoup d’une fondation à l’autre selon leur charte. Certaines sont très contraignante et d’autres très ouvertes en terme de flexibilité. Le degré de risque de chacune des politiques demeure toutefois relativement conservateur.
La politique d’investissement est habituellement revue à chaque année, lors de l’assemblée annuelle de la fondation. C’est le cas chez 80 % des répondants de l’enquête de Morneau Shepell, alors que seuls 13,3 % des répondants se prêtent à cet exercice moins d’une fois tous les trois ans.
C’est à ce moment que la performance est passée en revue et qu’il faut statuer avec les responsables si les objectifs ont changé, signale Francis Sabourin. Il faut aussi déterminer si des entrées ou des sorties de fonds majeurs sont prévues dans un horizon de quelques mois ou de quelques années et ajuster au besoin la répartition entre les actions et les titres à revenu fixe.
« Il faut aussi prendre en compte tout changement apporté dans la politique de dépense. Par exemple il faut parfois la faire passer d’un pourcentage fixe de l’actif à un pourcentage déterminé par le rendement produit par l’actif », cite Francis Sabourin.
Selon l’enquête de Morneau Shepell, près de 60 % des répondants ont indiqué qu’ils tiennent absolument à obtenir un rendement qui dépasse leur cible de dépenses, sans accroître le niveau de risque général.