Bien saisir ces notions de base s’avère un atout lorsqu’une transaction aussi importante pour un entrepreneur survient et qu’il se retrouve très rapidement avec beaucoup de capital à investir. Prenons un cas concret pour comprendre les deux possibilités.
Vente d’actions et vente d’actifs
Un couple est propriétaire de toutes les actions d’une société opérante que nous nommerons So-Op inc., laquelle détient et exploite un bâtiment commercial. Le couple exploite une station-service et un dépanneur, et a également des locataires d’espaces de restauration rapide.
Un acquéreur potentiel signifie son intérêt pour acheter le commerce. Deux choix s’offrent aux parties lors de la transaction : l’acquéreur achète les actions de So-Op inc. et paie le couple à ce titre ; ou, encore, l’acquéreur achète le terrain, le bâtiment, le fonds de commerce, les baux, etc., et paie So-Op inc. à cet égard.
En règle générale, un acquéreur préférera acheter les actifs plutôt que les actions dans une telle transaction. Entre autres choses, il évite ainsi d’acquérir l’historique de la société, tant sur le plan fiscal (capital versé, compte de dividendes en capital et impôt en main remboursable au titre de dividendes) que sur le plan de la responsabilité, ce qui atténue son risque d’affaires.
L’acheteur peut aussi déduire l’achalandage inclus dans le coût d’achat et faire en sorte que le prix de base rajusté (PBR) des actifs soit au plus haut, c’est-à-dire au prix payé lors de la transaction. Cela peut s’avérer avantageux si l’acquéreur veut amortir des actifs ou en liquider certains, par exemple.
Pour cette raison notamment, le prix d’achat des actions est habituellement moins élevé que celui des actifs.
Le traitement fiscal pour le vendeur n’est pas étranger à cette réalité non plus. En effet, si les actions sont admissibles 1, le vendeur bénéficie d’une exemption pour gain en capital qui lui permet d’éviter l’impôt sur la première tranche de 824 176 $ de gain (montant en 2016) lorsqu’il dispose de ses actions.
Comme la plupart des acquéreurs connaissent cet état de fait et l’importante économie d’impôt qu’il représente pour le vendeur, cela a une incidence sur le prix offert.
Connaissances de base
Les conseillers devraient à tout le moins connaître le PBR de la société par actions de leur client vendeur, le prix de vente potentiel pour les actifs ou pour les actions, et mieux encore, l’état du marché dans le secteur d’activité du client.
Dans l’exemple mentionné plus tôt, le risque environnemental lié aux réservoirs d’essence aura certainement une incidence sur le prix offert pour les actions ou les actifs. Ce risque influera aussi sur la capacité de financer la transaction, compte tenu de la frilosité des institutions financières à l’égard de certains secteurs jugés à risque, comme ceux des carburants et des produits chimiques.
Le conseiller bien au fait de ces aspects gagnera la confiance de son client lorsqu’il discutera avec lui.
Gérer les liquidités
Si la transaction est une vente d’actions, le couple vendeur disposera de liquidités en main propre à titre personnel.
Le montant sera fonction du montant de la vente, moins l’impôt payable, considération faite de la déduction pour gain en capital prévue pour des actions admissibles d’une société privée sous contrôle canadien.
Si le couple souhaite recevoir des distributions régulières avantageuses sur le plan fiscal, il devrait songer à des fonds communs structurés en société ou à des actions canadiennes distribuant des dividendes.
Un fonds de série T structuré en société et émis par un manufacturier qui n’a pas l’habitude de distribuer de dividendes ou de gains (soit parce que sa société est bien montée ou à cause de pertes accumulées) procure une efficience extrême, puisqu’il permet de reporter l’impôt au décès.
Toutefois, la facture de la succession sera plus salée, puisque chaque distribution diminuera d’autant le PBR de l’investissement.
Si la transaction est une vente d’actifs, l’argent se retrouvera dans So-Op inc. Outre les gains en capital imposables, le montant de la vente sera imposé comme du revenu d’entreprise.
Le meilleur type de placement à effectuer variera en fonction des autres revenus perçus par les vendeurs (rentes, revenus d’emploi ou de location, etc.).
À rendement égal, les investisseurs qui ont un revenu personnel inférieur à environ 83 000 $ auront avantage à percevoir et à se verser des dividendes déterminés, plutôt qu’à recevoir du gain en capital (si l’on tient compte de l’impôt en main remboursable au titre de dividendes [IMRTD] qui est retourné dans la société lors d’un paiement de dividendes).
Il est à noter que tout paiement relatif à une clause d’indexation sur les bénéfices futurs (communément appelé earn-out) doit, en règle générale, être traité comme du revenu d’entreprise. Toutefois, il peut se qualifier au titre de gain en capital par l’intermédiaire de la méthode de recouvrement de coût si la transaction remplit tous les critères prévus à cet effet dans la Loi de l’impôt sur le revenu.
En gros, il doit s’agir d’une vente d’actions admissible à l’exonération pour gain en capital.
Transactions de type hybride
Une transaction de type hybride, combinant vente d’actifs et vente d’actions, est également possible. Cette formule permet au vendeur de bénéficier de la déduction pour gain en capital et d’optimiser la fiscalité de la transaction. Pour sa part, l’acheteur peut bonifier sa déduction pour amortissement et éviter le passif fiscal de la société acquise.
Ce type de transaction nécessite de nombreuses étapes, et son issue fiscale dépend de nombreuses variables.
Il faut retenir que toutes choses étant égales par ailleurs, la vente hybride et la vente d’actions sont relativement équivalentes au point de vue de l’impôt de la société. Cependant, lors d’un décaissement complet à la suite d’une vente, la transaction hybride peut procurer un produit net plus intéressant qu’une vente d’actions.
La vente d’actifs est théoriquement la moins intéressante des trois types de transactions en ce qui concerne les liquidités disponibles entre les mains de l’entreprise à la suite d’une transaction.
Maximiser le capital à investir
Afin d’être admissible à l’exonération pour gain en capital, le vendeur doit parfois préparer la transaction plusieurs années d’avance. La question de la période de détention minimale de deux ans par les actionnaires, par exemple, s’applique particulièrement si on veut multiplier l’exonération en introduisant de nouveaux actionnaires.
Il peut aussi être intéressant d’introduire comme nouvel actionnaire une fiducie familiale, qui permet de multiplier d’autant qu’il y a de bénéficiaires l’exonération pour gain en capital disponible.
La question des 90 % d’actifs qui servent aux activités se règle habituellement en versant des dividendes aux actionnaires ou en déplaçant des placements dans une société de gestion 1. Cette dernière solution est la plus avantageuse sur le plan fiscal, parce qu’elle peut se faire sans imposition puisqu’elle est effectuée entre sociétés liées.
Quant à la règle des 50 % des activités qui doivent être menées au Canada 1, certaines planifications permettent de «rouler» dans une filiale qui ne sera pas sujette à l’exonération les opérations qui posent problème pour l’exonération.
Il est à noter que des règles particulières s’appliquent au secteur agricole. En effet, le montant d’exonération est passé à 1 M$ lors du budget fédéral 2015, et il est possible d’utiliser l’exonération sur des biens agricoles, et pas uniquement sur la vente d’actions d’une entreprise.
Les nouvelles règles de transferts d’entreprises du budget fédéral 2016 ont réglé une iniquité qui favorisait les entreprises agricoles en ce qui a trait au transfert entre personnes liées.
Auparavant, les personnes vendant une société dont les acquéreurs étaient les enfants ne pouvaient pas se prévaloir de l’exonération pour gain en capital à moins d’oeuvrer dans le secteur agricole. Une nouveauté importante à connaître pour la relève d’entreprise.