La défection du Royaume-Uni de l’Union européenne causera une période chaotique sur les marchés financiers. Tous les intervenants sur les marchés croient que les banques centrales opteront pour une extrême prudence avant de procéder à tout resserrement des conditions monétaires.
Dès le moment où les résultats du vote en faveur du Brexit ont été connus, le marché à terme sur les fonds fédéraux (fed funds) indiquait qu’il n’y aura pas de hausse de taux par la Réserve fédérale (Fed) avant mai 2017, note Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.
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Il s’agit d’un net changement de perspectives si l’on considère qu’il y a à peine quelques semaines les économistes prévoyaient encore deux hausses de taux de la Fed pour cette année. Plusieurs croyaient même que la première aurait lieu dès le mois de juillet.
L’impact potentiel du Brexit sur les taux obligataires s’était déjà fait sentir au cours des dernières semaines. Le taux sur les obligations américaines de 10 ans se situait à 1,80% il y a deux semaines. Or, lorsqu’il apparu que le Brexit avait des chances de l’emporter, ce taux est tombé jusqu’à 1,51%. Dans les derniers jours précédant la tenue du référendum, quand les sondages indiquaient que le «Bremain» était quelque peu en avance, le taux sont remontés à 1,70%. Ce matin, ces obligations de 10 ans cotent 1,48%.
Les obligations à long terme du gouvernement canadien ont eu un comportement semblable, indique Guy Liébart, président de Gestion Sodagep. « Elles cotaient autour de 2% il y a une dizaine de jours, et elles se négocient maintenant aussi bas que 1,75% », dit-il.
Cette performance va se poursuivre, selon lui. À la clôture des marchés vendredi, soit le jour où les résultats du référendum furent annoncés, l’indice Univers des obligations canadiennes avait réalisé un rendement de 3,2% depuis le début de l’année. Cette performance provenait principalement des obligations de long terme dont le rendement généré depuis le 1er janvier est de 6,4%.
La deuxième journée post-Brexit s’avère encore très difficile sur les marchés financiers. Les indices boursiers poursuivent leur dégringolade, les valeurs refuge telles les obligations gouvernementales en Amérique du Nord sont donc très recherchées par les investisseurs. «La volatilité est là pour rester», dit Paul-André Pinsonnault.
L’économiste de la Financière rappelle comment il fut difficile en Europe pour les autorités de réagir à la crise financière qui a frappé en 2008. On en est encore à chercher des solutions huit ans plus tard. Les obligations de 10 ans de l’Allemagne affichent actuellement un taux de rendement négatif, soit -0,11%. «Le processus post-Brexit sera donc très difficile et favorisera les obligations», dit-il.
Quelques années avant sa mort en 1970, Charles de Gaulle insistait pour dire que les anglais ne devaient pas être invités à faire partie de l’Union européenne qui se mettait alors en place, rappelle Guy Liébart. «Ce sont des insulaires qui n’ont rien à voir avec l’euro. Ça va mal finir», clamait le vieux chef d’état alors âgé de 87 ans. Force est d’admettre que les derniers jours lui ont donné raison.