L’annonce a secoué le marché des fonds négociés en Bourse (FNB) au Canada. Le plus grand gestionnaire d’actifs au pays s’allie avec le premier fournisseur de FNB au monde. Cette décision d’affaires va certainement générer des synergies. Qui gagne quoi dans cette offensive?
D’abord, cette alliance stratégique permet à la Banque Royale de grimper du cinquième rang au sommet du classement des plus gros fournisseurs de FNB au Canada. La nouvelle marque RBC iShares réunit ainsi au même endroit (www.rbcishares.com) quelque 150 FNB pour un actif combiné d’environ 60 G$.
De ce point de vue, RBC Gestion mondiale d’actifs est avantagée puisqu’elle voit sa part de marché exprimée en termes d’actifs sous gestion passer de 2,9 % à 39,3 % (part de marché cumulative des deux manufacturiers selon les données de l’Association canadienne des FNB au 31 décembre 2018). Quant à BlackRock Canada, qui détenait déjà la part du lion avec plus de 57 G$ d’actifs, cela ne change pas grand-chose.
Soulignons que le nom et les symboles boursiers des FNB de RBC et des FNB d’iShares de BlackRock restent inchangés. Les deux sociétés demeurent également des entités juridiques distinctes.
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« L’élément central de cette alliance est de permettre à ces deux joueurs d’unir leurs forces afin de soutenir et de commercialiser des FNB sous la nouvelle marque », affirme Daniel Straus, vice-président et chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale. BlackRock est reconnue pour ses solutions indicielles à faible coût alors que RBC est réputée pour ses FNB en gestion active et à bêta intelligent auquel s’ajoute une gamme étendue de fonds communs de placement gérés activement.
Accéder aux réseaux de distribution
D’après lui, l’alliance stratégique est le mariage de deux tendances au Canada, soit le gestionnaire traditionnel d’actifs, comme RBC, qui cherche à élargir son offre de FNB avec le manufacturier de FNB, comme iShares, cherchant des moyens de pénétrer les réseaux de distribution. Dans le premier cas, on constate que les sociétés de gestion de placements ont lancé les unes après les autres leurs propres FNB. « Ceci signale qu’une conviction partagée existe envers les FNB, perçus maintenant comme une solution d’avenir pour les portefeuilles de placements. La décision de RBC de s’allier avec iShares témoigne de cet engagement », croit-il.
Parallèlement, le marché des FNB demeure extrêmement concurrentiel et les banques canadiennes ont de solides réseaux de distribution et de commercialisation. Pensons aux clients des conseillers en placement, des représentants en épargne collective qui travaillent en succursale et qui offrent des fonds communs de FNB. Les institutions financières ont aussi des courtiers à escompte et des robots-conseillers. « La possibilité de pénétrer à grande échelle de tels réseaux reste peut-être la meilleure chance de suivre le rythme des changements et la croissance très rapide de cette industrie ces dernières années. En choisissant de s’unir à RBC, iShares souligne son engagement et son souhait d’intégrer ses FNB à une vaste gamme de solutions d’investissements », ajoute Daniel Straus.
Économiser des coûts
Avec la réunion de ces deux chefs de file, on peut se demander quelles seront les synergies possibles. « D’abords, nous profiterons de la plateforme d’exploitation de iShares qui est l’une des moins coûteuses et des plus efficaces au monde pour les FNB », précise Jonathan Hartman, chef, ventes, réseau de conseillers chez RBC Gestion mondiale d’actifs. Il n’est pas ici question de la distribution des FNB, mais bien de l’expertise de iShares à réduire les écarts de suivi (tracking error) de leurs stratégies indicielles. Cela comprend aussi la qualité d’exécution des transactions et leur capacité à minimiser le coût de celles-ci.
Francis Sabourin, planificateur financier et conseiller en placement chez Richardson GMP, abonde en ce sens. Selon lui, l’accès au réseau mondial d’iShares est un atout de taille pour RBC. « Comme les marges de profits sont compressées dans le marché des FNB, RBC pourra partager les coûts élevés de distribution de ses produits en profitant de la plateforme de iShares », croit-il.
Afin de simplifier et d’uniformiser la gamme de FNB RBC iShares, on annonce également quelques fusions de fonds qui devraient prendre effet vers le 5 avril prochain. Ces changements qui concernent essentiellement des FNB indiciels de RBC sont sous réserve de l’approbation des porteurs de parts et des autorités réglementaires. Les décisions importantes seront prises par un comité directeur composé de cadres supérieurs des deux entités.
Développer de nouveaux produits
Autre aspect intéressant: le développement de nouveaux produits. « Grâce à nos expertises complémentaires, on veut aider les conseillers à construire des portefeuilles plus efficaces et robustes en offrant des solutions d’investissement innovantes », ajoute-t-il. De cette collaboration naîtront de nouveaux produits qui selon le cas, devraient être gérés par l’entité qui détient l’expertise et l’avantage concurrentiel dans le domaine en question. Ainsi, BlackRock sera généralement le leader dans le cas de FNB indiciels de base et factoriels alors que RBC gestion mondiale d’actifs, sera meneur dans le cas des FNB en gestion active et facteurs discrétionnaires.
Enfin, RBC iShares souhaite tirer parti de son équipe de professionnels qui travaille directement avec les conseillers afin de leur faciliter la tâche. Cela comprend une centaine de spécialistes FNB provenant des deux firmes. « Plusieurs conseillers détiennent à la fois des FNB et des fonds communs de placement dans leurs portefeuilles. Ils combinent des stratégies passives et actives. On souhaite augmenter le niveau de service et de soutien qu’ils reçoivent », précise Jonathan Hartman. Par exemple, on pourrait présenter des solutions et des idées de placement ainsi que de l’aide dans la construction des portefeuilles, selon les besoins. Les gestionnaires de portefeuille discrétionnaires auront également droit à des services spécialisés.
À l’évidence, RBC et BlackRock profiteront toutes deux de cette alliance stratégique. Il reste à voir comment la trentaine de fournisseurs de FNB au Canada va répondre à cette offensive…
Avec la collaboration de Guillaume Poulin-Goyer