Bien avant qu’on parle d’investissement factoriel, on s’intéressait aux filtres d’investissement socialement responsable (ISR). Dans le cadre de mes activités, les clients ont recherché des investissements respectueux de l’environnement longtemps avant le krach de 2008.
Il n’y avait que peu d’options à l’époque. La plupart étaient disponibles sous la forme de fonds communs de placement, et habituellement, c’est le client qui en faisait la demande et non le conseiller qui l’offrait. Par ailleurs, les clients prenaient généralement l’initiative de s’informer sur l’ISR : ils demandaient si nous pouvions les aider à investir de façon responsable, puis nous recherchions des produits.
Revenons en 2019, l’ISR – plus couramment appelé maintenant investissement ESG (environnement, société et gouvernance) – est beaucoup plus qu’une simple mode passagère en matière d’investissement. Selon une collecte de données effectuée par MSCI, les actifs mondiaux sous gestion pour les FNB ESG ont atteint 31 milliards de dollars (G$) au 30 septembre 2019, en hausse par rapport à 20 G$ à la fin de 2018 et à 16,6 G$ à la fin de 2017 (données Bloomberg et Refinitiv).
La demande de produits ESG rejoint la démographie. J’ai moi-même vu plus de 500 000 personnes de tous âges manifester en faveur de la lutte contre les changements climatiques, en compagnie de l’activiste Greta Thunberg, à Montréal le 27 septembre dernier. Mes enfants, qui sont de jeunes adultes, sont très préoccupés par les changements climatiques, comme le sont les enfants jeunes adultes de nos clients, en plus des entreprises, des caisses de retraite institutionnelles et des gouvernements dans le monde. Souvent, les clients qui commencent à s’informer sur la manière d’initier leurs enfants à l’investissement vont mentionner qu’ils aimeraient utiliser des investissements respectueux de l’environnement.
En tant que gestionnaire de portefeuille discrétionnaire qui utilise principalement des FNB, j’ai relevé le défi de bâtir des portefeuilles ESG pour les clients intéressés.
Les clients à la recherche d’une solution ESG ont souvent des exigences précises concernant ce qu’ils accepteront, ou pas, dans leur portefeuille de placements : rien dans le pétrole, rien dans les armements, rien dans les cigarettes ne constitue souvent qu’un début. Adapter des portefeuilles aux goûts de l’investisseur peut devenir difficile et il est presque impossible de construire des modèles discrétionnaires du fait que les clients voudront souvent une sorte de personnalisation qui conviendra à leurs croyances.
Je suggérerais aux conseillers qui cherchent à développer leurs activités en se lançant dans le domaine de l’ESG de débuter par une démarche ESG qui leur permet de parler aux clients avec conviction de leur philosophie d’investissement.
Les FNB m’ont attirée parce que je pense que moins il y a d’émotion dans le processus d’investissement, meilleur est le résultat. Je crois en la rigueur du processus de création d’un indice, quelle que soit la méthodologie de création sous-jacente. Je considère les FNB axés sur l’ESG comme une forme d’investissement factoriel, où le contexte de sélection des actions et des obligations découle d’une superposition de filtres ESG à partir duquel l’indice est créé par la suite.
Bon nombre de manufacturiers de FNB offrent maintenant des produits ESG. Les filtres sont ESG, mais la méthodologie sous-jacente de création de l’indice varie. Quelques FNB pourraient être plus centrés sur l’exclusion de certains types d’entreprises. Une autre stratégie ESG axée sur l’intégration utilise un système d’évaluation pour sélectionner des entreprises qui se classent parmi les meilleures selon un système de notation ESG. Quant à l’investissement d’impact, il se concentre sur l’achat d’entreprises qui visent à créer un impact positif mesurable sur le plan social ou environnemental en plus de générer un rendement financier.
Importante vérification diligente
Étant donné la variété des différentes approches, il est important que les conseillers soumettent celles-ci à leur processus de diligence raisonnable dans le but de choisir la stratégie (ou les stratégies) en laquelle ils ont le plus confiance. Finalement, l’approche qui fonctionnera le mieux avec les clients est celle en laquelle vous croyez. Pour ma part, ayant concentré mes portefeuilles discrétionnaires sur des modèles indiciels larges, je préfère aborder le domaine ESG en utilisant une méthodologie centrée sur l’intégration, tout au moins pour les positions de base du portefeuille. Ce type de création d’indice assure habituellement que tous les secteurs de l’indice continuent d’être représentés, en mettant l’accent sur les entreprises les mieux notées en ESG (approche Best-in-class), contrairement à l’exclusion d’un secteur ou au fait d’être fortement sous-pondéré par rapport à l’indice général. Ceci contribue à assurer que le rendement ne déviera pas beaucoup de l’indice traditionnel.
De nos jours, l’offre de produits est en pleine croissance et assez bonne pour que l’on puisse bâtir des portefeuilles diversifiés à l’échelle mondiale tant en actions qu’en obligations, à l’intérieur de différents cadres ESG, en utilisant des FNB et des fonds communs de placement.
Ces types de filtres ESG pourraient ne pas suffire à certains clients qui veulent vérifier chaque produit qui entre dans un portefeuille. En tant que gestionnaire de portefeuille, je ne peux pas combler toutes les attentes de chacun. Les clients qui veulent sélectionner et choisir leurs produits ESG peuvent le faire, à l’extérieur de nos portefeuilles discrétionnaires ; toutefois, nous nous assurons que le client sache si nous sommes en mesure de lui fournir le soutien nécessaire pour suivre ses placements. Dans le cas contraire, si le client effectue la plupart des démarches, il pourrait avoir intérêt à envisager un compte de courtage à escompte pour négocier.
Pour éviter aux clients d’être paralysés par l’analyse, je leur explique qu’il est important de commencer quelque part. En utilisant les produits ESG dans une partie de leur portefeuille ou dans tout leur portefeuille, ils affirment de façon importante dans quoi ils sont prêts à investir.
Dans la plupart des cas, on peut également montrer aux clients qu’ils ne compromettent pas le rendement de leurs investissements en utilisant des stratégies ESG. En fait, il y a lieu de considérer que la surperformance est vraiment possible.