Stimulés par le grand nombre et la variété croissante des fonds négociés en Bourse (FNB), les indices se sont multipliés et ont mûri au cours des dernières années, ce qui a entraîné un changement important dans les obligations de connaissance des produits des conseillers.
Les conseillers qui proposent des fonds communs de placement à gestion active ont dû bien connaître leurs styles de placement, les processus décisionnels des équipes de gestion et les titres détenus en portefeuille afin de pouvoir conseiller leurs clients, d’expliquer leurs recommandations et de construire des portefeuilles appropriés.
Or, que se passe-t-il lorsqu’un FNB constitue une solution plus appropriée? Même s’il s’agit d’un FNB à gestion active qui répond le mieux aux objectifs d’un client, un indice fondé sur des règles ou un indice factoriel demeure le fondement de la sélection des titres. Étant donné qu’un indice exerce une influence déterminante sur le rendement, même de petites nuances dans la construction des indices ont des conséquences notables. Des indices apparemment identiques ou presque semblables au sein de la même catégorie de classification de FNB peuvent produire des résultats différents.
Les conseillers doivent donc bien comprendre les principaux attributs d’un indice sous-jacent, car c’est lui qui détermine en fin de compte les caractéristiques fondamentales d’un FNB. Ils doivent connaître les éléments essentiels qui définissent les indices, comme l’expertise du fournisseur d’indices, les normes de gouvernance, les protocoles de rééquilibrage ainsi que les critères d’inclusion et d’exclusion.
Cela ne signifie pas que les conseillers doivent être des autorités en matière d’indices. Cependant, il est nécessaire d’avoir une bonne compréhension du pilier des FNB pour remplir les obligations de connaissance du produit et du client. C’est dans cette optique que l’Association canadienne des FNB (ACFNB) a cherché à obtenir les points de vue d’un fournisseur d’indices et d’un fournisseur de FNB (et un grand utilisateur d’indices).
La croissance massive et rapide des indices est étroitement liée au développement spectaculaire des FNB
Les indices ont une longue histoire et une influence croissante sur la gestion des placements. En 1896, Charles Dow a mis au point un indice qui est aujourd’hui connu sous le nom de moyenne Dow Jones des valeurs industrielles. En 1926, la Standard Statistics Company (prédécesseur de S&P Global) a lancé l’indice 90-Stock Composite Price. L’indice des obligations universelles FTSE (maintenant FTSE Russell) du Canada a commencé il y a environ 40 ans.
Craig Lazzara, directeur général de S&P Dow Jones Indices, explique cependant que la sous-performance persistante des gestionnaires actifs est à l’origine de la forte évolution des indices ces derniers temps. Le S&P Indices Versus Active Funds (SPIVA) Scorecard publié pour la première fois en 2002 (et disponible en plusieurs versions, y compris SPIVA Canada) a toujours mis en évidence cette tendance, qui repose sur plusieurs facteurs.
La gestion active coûte plus cher que la gestion passive (ou « indicielle »), dit Craig Lazzara, en précisant que la professionnalisation de la gestion de placements signifie également qu’il n’y a pas de source constante de surperformance pour les gestionnaires actifs. De plus, l’« asymétrie » des rendements signifie qu’une action moyenne se situe au-dessus de la médiane en raison de l’influence d’une minorité de gagnants, « de sorte que la plupart des gestionnaires actifs obtiennent un rendement inférieur la plupart du temps ». Parallèlement, les « FNB indiciels ont offert aux conseillers et aux investisseurs un moyen plus facile et plus pratique d’accéder à des placements fondés sur l’ensemble du marché ».
De façon générale, les FNB indiciels à capitalisation boursière ont connu une expansion au fil des ans. Le risque et le rendement du marché contribuent à long terme au rendement du portefeuille. Étant donné qu’un indice peut être intégré à un portefeuille à faible coût, il est « impossible de le remplacer », comme le dit Steve Leong, directeur, chef du produit iShares Canada, et membre du conseil d’administration de l’ACFNB. « Ainsi, les FNB permettent d’accéder au potentiel d’un indice à faible coût et de laisser le temps opérer sa magie. » De plus, il est également possible de saisir un secteur, un thème ou un facteur. « Les fournisseurs d’indices réussissent de mieux en mieux à intégrer des ensembles de données. C’est vraiment là que le processus transparent et fondé sur des règles montre sa valeur… et cela contribue également à la croissance des FNB. »
En novembre, l’Industry Index Association (IIA) a signalé que ses membres administraient plus de trois millions d’indices couvrant un éventail de catégories d’actifs, dont 50 000 axées sur les facteurs ESG. Selon Craig Lazzara, S&P Dow Jones en proposent environ un million. Il ajoute que plusieurs générations d’indices ont vu le jour, à commencer par les plus importants pour une catégorie d’actifs précise, par exemple S&P 500, revenu fixe FTSE Russell, divers MSCI International et Nasdaq 100.
Les extensions de deuxième génération ont suivi, et il y a maintenant de plus en plus d’indices factoriels et thématiques. Ils reflètent ce qu’il appelle l’« indicialisation », c’est-à-dire le fait de refléter, sous forme passive, ce qui était auparavant disponible par le biais de la gestion active : la « valeur », le « momentum », les « petites capitalisations », l’« ESG », etc. « Si vous pouvez identifier une stratégie qu’un gestionnaire actif propose, vous pouvez l’“indicialiser”. La demande des clients pour un segment particulier et sa disponibilité en tant que FNB permettent à la gamme de produits indiciels de se développer », déclare Craig Lazzara.
Pourtant, le choix s’accompagne de complications. L’abondance d’indices profite aux fournisseurs de FNB et aux investisseurs, parce que les préférences de placement personnalisées peuvent tenir compte de priorités et d’intérêts particuliers. Cependant, l’application du jugement aux critères d’indexation peut entraîner des désignations incohérentes. S&P DJI a jugé que la Corée du Sud était une « économie développée » en 2001 et le FTSE Russell, en 2009. Toutefois, en juin 2023, l’indice MSCI la classe toujours dans la catégorie des « économies émergentes ». Cela touche tous les FNB fondés sur l’indice MSCI qui détiennent des sociétés sud-coréennes. De toute évidence, le choix de l’indice est important.
Les indices évoluent en permanence en fonction de la demande du marché, des événements externes et de l’innovation.
Comment un fournisseur de FNB détermine-t-il le fournisseur d’indice et l’indice qu’il choisit pour un produit particulier? « Vous devez choisir délibérément l’indice que vous utilisez et la stratégie que vous adoptez », explique Steve Leong.
« Ce que nous recherchons, ce sont des antécédents et une maintenance quotidienne du produit. Certaines mesures doivent être prises pour appliquer les règles d’un indice afin de garantir le respect de sa gouvernance, et la rapidité de cette maintenance est cruciale. » Un fournisseur d’indices doit également avoir « une expertise approfondie; la qualité globale et la connaissance de la catégorie d’actif qu’il suit sont des considérations clés ».
Pour le fournisseur d’indices, un indice donné doit livrer ce pour quoi il est conçu, déclare Craig Lazzara : « Il faut être honnête à ce sujet ». Par exemple, un indice de faible volatilité vise à protéger contre la chute des marchés et à offrir des gains potentiels dans les marchés en hausse. Se comporte-t-il comme il le devrait? C’est pourquoi chaque nouvel indice envisagé, qu’il soit « très banal ou qu’il reflète une vision très détaillée des marchés par un client », fait l’objet d’un processus de gouvernance élaboré et est soigneusement examiné sous plusieurs angles avant d’être publié, note Craig Lazzara.
Une fois qu’un indice est disponible, la réaction du marché est surveillée. C’est rare, mais (par exemple) un indice peut devenir si populaire que les fournisseurs de FNB peuvent demander des changements pour le rendre plus facile à gérer du point de vue de la liquidité, mentionne Craig Lazzara. L’abandon d’un indice est également exceptionnel, mais « les choses peuvent changer dans le monde réel, et les fournisseurs de FNB doivent tenir compte de ce qui peut se produire », juge Steve Leong. Par conséquent, un manufacturier de FNB devrait surveiller les indices qu’il utilise en ce qui concerne les sociétés et pas seulement le Canada.
L’exemple le plus notable de changements majeurs récents de l’indexation s’est produit en mars 2022. Plusieurs indices (par exemple FTSE Russell, MSCI, JP Morgan et S&P DJI) ont supprimé les actions russes pour se conformer aux sanctions qui les rendaient « non investissables ». Avec la Russie, « on est passé du jour au lendemain d’une situation ouverte et investissable à une situation fermée ». Ainsi, il est très important de bien comprendre un indice en détail, son écart de suivi ainsi que les actions et les titres à revenu fixe qu’il détient », dit Steve Leong.
Il est impossible d’aborder correctement ce sujet sans au moins parler de deux thèmes liés à l’investissement : facteurs ESG et intelligence artificielle (IA).
Quelques fournisseurs d’indices proposent une vaste gamme d’indices ESG qui reflètent « l’étendue du concept ESG ». Toutefois, de façon générale, les indices ESG dans l’ensemble ont mis l’accent sur le « E » (environnement), en accordant une importance relativement limitée aux deux autres facteurs (sociaux et de gouvernance). Cela reflète la demande des investisseurs et la disponibilité immédiate des données pour soutenir la sélection, a-t-il dit, en ajoutant qu’il prévoit que d’autres indices liés aux facteurs ESG deviendront disponibles. L’utilisation de l’IA dans l’indexation est encore émergente, et Craig Lazzara n’est pas convaincu qu’elle aura bientôt un effet convaincant. Par exemple, S&P DJI offre le S&P Kensho New Economies Index, qui intègre l’IA (traitement du langage naturel) dans son processus de sélection, mais l’application largement influente de l’IA à l’indexation n’est pas encore évidente sur le marché.
Peu importe l’introduction future de nouvelles stratégies ou technologies d’indexation, les conseillers devront toujours choisir délibérément la bonne combinaison produit-indice. « Les fournisseurs d’indices doivent avoir une expertise dans la partie du marché dans laquelle vous voulez investir, a souligné Steve Leong. Nous voyons clairement la qualité du fournisseur briller lorsqu’un indice convient. Les conseillers doivent donc réfléchir à la méthodologie de l’indice qui sous-tend un investissement. »