Non, car la concentration en soi ne contribue pas à la performance d’un fonds. Il faut plutôt miser sur la concentration dans les « meilleures idées » d’un gestionnaire, montre une récente recherche. Malheureusement, une telle concentration est rare, et toute l’industrie des fonds communs conspire contre ce principe.
Une étude souvent citée de Baird de 2016 concluait que la concentration d’un portefeuille présentait de grands risques. Dans un échantillon de titres à forte performance, un tiers a moins bien fait qu’un portefeuille équilibré classique 60/40 et tous les titres en question affichaient une volatilité trois fois plus élevée que celle du portefeuille équilibré.
Par contre, cette étude avait une perspective très particulière en étudiant essentiellement des portefeuilles de dirigeants d’entreprise ou de familles constitués autour d’un seul titre accumulé au cours de plusieurs années. De façon typique, il s’agissait du seul titre de l’entreprise dont le détenteur était gestionnaire.
La concentration en soi ne fait pas de différence significative
Une étude de 2019 de Morningstar arrivait à une conclusion à peine plus nuancée, affirmant « qu’un portefeuille concentré d’actions ne produit pas nécessairement une performance supérieure à des équivalents diversifiés. » Morningstar a organisé son échantillon de fonds en quartiles selon le pourcentage de leurs actifs détenus dans leurs dix principales positions.
Morningstar montrait que, « bien que le quartile de fonds le plus concentré (Q4) ait généré des rendements bruts annualisés plus élevés que le quartile le moins concentré (Q1) dans sept des neuf catégories d’actions américaines entre janvier 1994 et décembre 2018, ces différences n’étaient pas statistiquement significatives. » De plus, la recherche concluait qu’avec des fonds concentrés, les chances de tomber sur un gestionnaire médiocre augmentaient. Il en est ainsi parce « les portefeuilles concentrés offrent un plus large éventail de rendements potentiels que leurs équivalents plus diversifiés ».
Focaliser sur les « meilleures idées »
Une plus récente étude de 2020 publiée dans le Harvard Business Review jette un éclairage différent sur la question. « Concentration » et « meilleures idées » ne sont pas synonymes démontrent les auteurs. Ils découvrent qu’une très petite poignée de titres qui constituent les meilleures idées des gestionnaires affichent une performance nettement supérieure de 2,8% à 4,5% par année, après frais de gestion et coûts de transaction, comparé au marché en général et aux autres titres détenus en portefeuille par les gestionnaires. Dans les plus petits fonds, les meilleures idées montrent une remarquable surperformance de 15% par année.
Contrairement à Morningstar qui adopte une approche strictement quantitative en retenant les dix positions les plus lourdes d’un fonds, l’étude de HBR a recours à des filtres plus fins pour repérer la qualité informationnelle sur laquelle les gestionnaires s’appuient pour repérer leurs meilleures idées, ce que les auteurs appellent un « ratio d’information ». C’est ainsi qu’ils ne retiennent que de trois à cinq titres par fonds pour constituer le noyau des « meilleures idées ». Ici, la meilleure des « meilleures idées » retient typiquement une part de 10,6% de l’actif du fonds. Les auteurs constatent qu’au-dessus de cinq, la part des meilleures idées est souvent substantiellement moindre.
Cette recherche s’inscrit en continuité avec d’autres dans la même veine produite au début des années 2000. Par exemple, une étude de 2005 montrait que les gestionnaires qui se concentrent sur un champ d’expertise restreint font mieux que le gestionnaire moyen. Une autre étude de 2009 montrait que la part des titres d’un portefeuille qui diffèrent de son indice de référence – la part active – prédit la surperformance du fonds.
L’étude de HBR subdivise les fonds selon trois variables : liquidité, croissance et « momentum ». Elle observe que les meilleures idées à faible liquidité présentent une surperformance de 59 points de base comparé à celles qui sont plus liquides. La surperformance des meilleures idées de type croissance est de 86 points de base, les meilleures idées de type momentum, de 76 points de base.
Pourquoi les fonds ne se concentrent pas sur leurs meilleures idées
Leur recherche, concluent les auteurs, « constitue une forte démonstration que le gestionnaire de fonds typique peut en effet sélectionner de bons titres. (…) Tant la théorie que l’évidence suggèrent que les investisseurs pourraient bénéficier de gestionnaires détenant des portefeuilles plus concentrés ».
Mais alors, pourquoi les fonds communs ne se concentrent-ils pas davantage dans leurs meilleures idées et pourquoi présentent-ils une performance qui ne dépasse pas celle des grands indices de marché?
Plusieurs facteurs exercent une contrainte presque insurmontable. D’abord, certains règlements jouent contre la concentration. « Les gestionnaires considèrent probablement qu’un portefeuille concentré qui aurait une mauvaise performance serait susceptible d’entraîner des poursuites légales contre eux », note l’étude.
Ensuite, une forte concentration dans quelques titres serait susceptible d’affecter les prix de ceux-ci. Aussi, les gestionnaires eux-mêmes ne sont pas insensibles au risque de perdre leur poste dans le cas d’une sous-performance.
De plus, il y a l’irrationalité des investisseurs, tant individuels qu’institutionnels, qui inversent l’ordre des choses et « tendent à juger les investissements individuels selon leur ratio Sharpe plutôt que sur la contribution de ces investissements au ratio Sharpe de leur portefeuille ».
Enfin, s’ajoute l’influence de grands filtres de classement, notamment le système d’étoiles de Morningstar, qui pénalise lourdement tout risque idiosyncrasique.
Conséquence : les gestionnaires étendent leurs portefeuilles et sur-diversifient, diluant ainsi leurs meilleures idées dans une masse d’idées ternes.