Ce texte est tiré d’un bloque de Diane Bérard, pour en lire la version complète, cliquez ici.
Au total, 25M$ seront recueillis, pour couvrir 40% des frais du nouvel édifice. Le reste provient du gouvernement du Québec et du Canada.
Diane Bérard (DB): Les obligations émises cette semaine par Concordia sont vertes et durables. Qu’est-ce qu’une obligation durable?
Denis Cossette, chef de la direction financière de l’université Concordia (DC) : Nos obligations sont vertes parce qu’elles financent un édifice certifié LEED, 35% plus efficient au plan énergétique que les édifices précédents. Elles sont durables parce que les activités menées à l’intérieur de cet édifice contribueront à l’atteinte de 3/17 des objectifs de développement durable (ODD) établies par les Nations-Unies en septembre 2015.
Le savoir de nos chercheurs contribue :
-À développer des formes d’énergie propres à un coût abordable (#7);
-À bâtir une infrastructure résiliente et à promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourage l’innovation (#9);
-À la lutte aux changements climatiques (#13).
DB: Qui peut acheter ces obligations?
DC: Elles se destinent aux fonds d’investissement et aux compagnies d’assurance.
DB: Concordia est la première université canadienne à se financer par l’entremise d’obligations durables, pourquoi avoir choisi ce véhicule?
DC: D’abord, nous saisissons une occasion de financement émergente. On a parlé des occasions d’affaires des ODD pour les entreprises. Les produits et les services développés par le marché peuvent contribuer à l’atteinte des ODD. Le résultat des recherches universitaires aussi. Il nous apparaît naturel de lier la mission des universités et l’atteinte des ODD.
De plus, c’est une question de cohérence entre nos différentes actions. Concordia est un des signataires des Principes d’investissement responsable (PRI) des Nations-Unies. Et, depuis 2018, notre politique d’investissement responsable inclut un volet investissement social. Une portion de notre portefeuille est donc dédiée à des investissements à vocation sociale.
DB: Certains investisseurs pourraient trouver ce type d’obligation moins fiable que des obligations traditionnelles…
DC: Avant d’être émise, une obligation durable doit être certifiée par un tiers. C’est l’équivalent des cotes des crédit accordées par les Moody’s de ce monde.
Dans notre cas, ce fut l’agence de notation sociale et environnementale internationale Vigeo Eiris qui a certifié le caractère responsable de notre obligation durable. Vigeo Eiris a publié son avis le 17 octobre 2018. En voici un extrait: « Nous formulons une assurance raisonnable sur la capacité existante de l’Émetteur à intégrer les facteurs ESG pertinents dans sa stratégie et à en rendre compte. (…) Les indicateurs de reporting sélectionnés pour rendre compte de l’allocation des fonds et les bénéfices environnementaux et sociaux du Projet sont pertinents. » Notre obligation durable a reçu le plus haut niveau d’assurance accordé par Vigeo Eiris.
Chaque année, nous devrons communiquer nos indicateurs de performance à l’agence de notation. Celle-ci pourra, à tout moment, suspendre la certification, si elle ne juge plus notre projet conforme à nos engagements de durabilité.
DB: Une obligation durable implique des rendements extrafinanciers. On imagine mal le département des finances rendre compte de ces rendements…
DC : Vous avez raison, ni moi ni les collègues de mon département n’avons établi les indicateurs de performance de cette obligation. C’est un nouveau produit de financement qui exige une expertise pointue et de nouvelles façons de faire. Nous avons donc travaillé avec les experts, soit nos collègues des facultés de génie, des arts et des sciences et des études supérieures. Ce sont eux qui travailleront dans le futur pavillon des sciences appliquées. C’est à eux de nous expliquer en quoi leurs travaux contribuent à l’atteinte des ODD 7, 9 et 13 pour qu’on puisse ensemble déterminer des indicateurs de performance.
DB: S’il n’y avait pas eu de nouvel édifice, Concordia aurait-elle pu émettre des obligations durables simplement pour financer les travaux de recherche liés aux ODD?
DC: En principe, oui. Rien ne lie les obligations durables à des travaux d’infrastructures. En pratique, non. Les universités ne peuvent solliciter du financement à long terme (nos obligations sont assorties d’un terme de 20 ans) que pour des travaux d’infrastructure.
DB: Les investisseurs semblent confortables avec les obligations vertes. Le concept d’obligation durable paraît plus abstrait. Comment évaluez-vous ses chances de succès?
DC: Il y a cinq ans, le concept d’obligation verte était abstrait. C’est une question d’éducation. Si je vous parle de financer le développement de nouveaux matériaux et de nouvelles méthodes de fabrication plus rentables et moins polluants, la durabilité devient un concept, et un investissement concret. Je suis conscient que nous sommes au début d’une tendance. Et il m’apparaît opportun qu’une université se situe à l’avant-scène des tendances.