Le 3 novembre dernier, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il cessait d’émettre des obligations à rendement réel (ORR). Ces titres de dettes dont le principal et les coupons sont indexés à l’indice des prix à la consommation constituaient une charge quasi illimitée pour le gouvernement. Dans une note à des clients, Valeurs mobilières TD explique les implications de cette décision sur les fonds qui détiennent ces titres, dont deux fonds négociés en Bourse (FNB).
Qu’est-ce qu’une ORR?
Les ORR sont des obligations canadiennes qui protègent les investisseurs contre l’inflation. Contrairement aux obligations américaines Treasury Inflation Protected Securities (TIPS), dont le taux d’intérêt nominal s’ajuste à l’inflation, le taux d’intérêt nominal des ORR reste fixe tandis que la valeur nominale des ORR s’ajuste à l’IPC. Cela donne lieu à un paiement du principal et du coupon ajusté à l’inflation.
« Les ORR se sont avérées populaires à la fin de l’année dernière et au début de cette année, lorsque les taux d’inflation ont grimpé en flèche au Canada, offrant une couverture par rapport aux obligations nominales. En dehors des fonds qui suivent spécifiquement le marché des ORR, ces obligations sont utilisées par les grands régimes de retraite nationaux qui apprécient la nature à long terme de la catégorie d’actifs et bénéficient d’une couverture explicite de leurs obligations face à l’appréciation liées à l’inflation », écrivent les auteurs de Valeurs mobilières TD, dont Andres Rincon, directeur et chef des stratégies et ventes de FNB ainsi que Mary Jane Young, directrice, et chef des négociations de FNB.
Or, le marché canadien des ORR est petit par rapport au reste du marché total des obligations fédérales (environ 5 % de l’encours total de la dette). Valeurs mobilières TD l’estime à environ 67,4 milliards de dollars (G$) ajustés à l’inflation après l’émission. En raison de la petite taille de l’actif, la grande majorité des liquidités ont été observées lors des adjudications trimestrielles, ce qui obligerait généralement les gestionnaires de fonds à ajuster leurs pondérations pour intégrer les nouvelles émissions, selon Valeurs mobilières TD.
Pourquoi cesser d’en émettre?
Ces titres représentent une obligation illimitée pour le gouvernement, proportionnelle à la trajectoire de l’inflation pendant la durée de vie d’une obligation. « Avec la hausse de l’inflation, le coût de l’augmentation du principal et des coupons a également augmenté et a entraîné des coûts supplémentaires pour le gouvernement », écrivent les auteurs de la note.
En déterminant la composition de l’émission de la dette, le ministère des Finances et la Banque du Canada ont pour seul objectif de minimiser le coût et la volatilité. C’est pourquoi ils ont abandonné l’émission d’ORR.
Quels sont les effets de cet abandon?
À court terme, un assèchement de la liquidité dans ce marché, laquelle survenait souvent au moment des émissions. Comme il n’y a plus d’émission à l’horizon, les écarts pour les ORR sont susceptibles de s’élargir et, en fin de compte, d’entraîner des escomptes plus importants sur les ORR.
« Après l’annonce, TD a remarqué des achats d’ORR, car les investisseurs qui attendaient l’adjudication pour allouer des ORR se tournent maintenant vers les émissions existantes pour s’exposer », a observé Valeurs mobilières TD.
Par ailleurs, en raison de la baisse de la liquidité, les flux de fonds entrant et sortant des produits qui détiennent des ORR auront un impact important sur le rendement, selon qu’il s’agisse d’un apport de capitaux ou un rachat, selon la note.
« De plus, les échéances des émissions existantes auront un impact sur la performance, car les gestionnaires d’obligations vendront les émissions arrivant à échéance pour les réallouer aux émissions existantes. Bien que ce ne soit pas un facteur pour l’instant, la prochaine échéance étant en 2026, cela aura un impact sur la viabilité à long terme des FNB axés sur les ORR », jugent les auteurs de la note.
Ceux-ci observent qu’il y a deux FNB cotés au Canada qui suivent le marché des ORR. Le plus important est le FNB iShares Canadian Real Return Bond Index (XRB CN), avec 469 M$, et le FNB BMO Real Return Bond Index (ZRR CN), avec 109 M$.
Par ailleurs, « la prochaine grande reconstitution de l’indice obligataire à rendement réel, au moment où l’émission de 2026 arrivera à échéance, sera difficile, car les fonds qui suivent cet indice devront vendre l’émission 2026 et acheter les émissions existantes (2031 à 2054) en proportion de leurs capitalisations boursières respectives. Cela pourrait entraîner une surenchère des prix des émissions existantes et sera difficile à répartir pour les gestionnaires de fonds », écrivent les auteurs de Valeurs mobilières TD.
En outre, les émetteurs de FNB devront examiner leurs produits pour voir si des changements potentiels peuvent être apportés à leurs stratégies. À l’heure actuelle, les prospectus de ces FNB indiquent que la stratégie ne peut investir que dans des obligations à rendement réel. Or, ces fonds pourraient modifier leur prospectus afin d’élargir le mandat pour inclure d’autres titres protégés contre l’inflation, comme les TIPS. « Nous pensons qu’il s’agit d’un bon changement, car il élargit la diversité des produits, tout en gardant intact l’objectif de protection contre l’inflation », écrivent les auteurs de la note.