Longtemps attendu, le projet de loi visant la légalisation du cannabis à usage récréatif vient finalement d’être déposé par le gouvernement fédéral. Et ce, quelques jours après l’entrée à la Bourse de croissance TSX de l’entreprise de Gatineau Hydropothicaire, le seul producteur québécois autorisé par Santé Canada à cultiver du cannabis à des fins thérapeutiques. Le producteur ontarien MedReleaf vient pour sa part de remplir un prospectus préliminaire pour un premier appel public à l’épargne.
L’industrie de la marijuana a donc le vent dans les voiles. Le marché nord-américain de la marijuana médicale aurait d’ailleurs affiché des revenus de 6,7 milliards US $ en 2016, soit une hausse de 30 % comparativement à l’année précédente. Les prévisions de ventes sont de plus de 21 G$US en 2021.
Cet engouement a même poussé la société Horizons, le quatrième plus grand fournisseur de fonds négociés en Bourse (FNB) au Canada, à mettre en marché un tel véhicule de placement axé sur la marijuana. Lancé au début avril, le FNB Horizons Marijuana médical sciences de la vie (HMMJ) cherche à reproduire le rendement de l’indice Solactive nord-américain de la marijuana médicale. Son panier de titres regroupe 18 sociétés nord-américaines, dont 5 Canadiennes, qui exercent principalement leurs activités en biopharmaceutique et en distribution médicale ou qui portent le sceau de producteurs.
Or, son succès est tel que ce FNB a déjà dépassé les 100 M$ d’actifs. « C’est assez surprenant d’avoir réussi à amasser autant d’argent, en si peu de temps, pour un FNB qui comprend des titres à petite ou à microcapitalisation », constate Daniel Straus, analyste au Groupe de recherche et stratégie sur les FNB de la Financière Banque Nationale.
Yves Rebetez, directeur principal de la société indépendante ETF insight, fait écho à ses propos. Il doute par ailleurs que les FNB en lien avec cette industrie se multiplient. « C’est un produit très niché. Pour un autre fournisseur, qui arrive en deuxième, c’est difficile de se lancer dans ce même créneau », précise-t-il.
Aux États-Unis, en avril également, le groupe ETF Managers Group a été le premier à lancer un FNB, le fonds Emerging AgroSphere, qui piste aussi un indice nord-américain de la marijuana médicale, autre que Solactive et créé par BE Asset Management. Un premier fonds commun de placement dédié également au secteur de la marijuana, American Growth Fund Series Two (AMREX), a été lancé en août 2016.
Des hauts et des bas
À ce jour, une trentaine d’États américains ont légalisé la marijuana pour usage thérapeutique ou récréatif. Or, « depuis que le Colorado et Washington ont en premier légalisé le cannabis à des fins récréatives en 2012, le nombre d’entreprises connexes a augmenté et, du même coup, l’intérêt des investisseurs à l’égard de cette industrie », note Daniel Straus.
Certains producteurs canadiens cotés en Bourse, comme Canopy Growth Corp dont le sigle boursier WEED est évocateur, Aurora ou Aphria qui sont inclus dans l’indice, ont d’ailleurs vu leurs actions s’envoler depuis un an, affichant des gains variant de 200 % à 1000 %, avant de retomber ces derniers temps.
Car, il ne faut pas oublier que « ça demeure des titres très spéculatifs », rappelle Pierre Lesage, conseiller en placement à la succursale de Laval de la Financière Banque Nationale, qui ne manque pas de le souligner aux rares clients qui s’informent des occasions d’investissement. « Il n’y a pas eu un si grand engouement depuis la décision d’Ottawa de légaliser le pot », constate-t-il.
L’indice Solactive est pour sa part voué à une grande volatilité, étant composé de « petites entreprises ou encore à un premier stade de développement », fait valoir Daniel Straus, en précisant qu’il s’agit d’une industrie à haut risque qui connaîtra des périodes de turbulence.
Dans la foulée du projet de loi visant la légalisation du cannabis à usage récréatif déposé en avril par Ottawa, « les perspectives de croissance des compagnies liées à la marijuana sont attrayantes, mais il y aussi un facteur de risque important », note pour sa part Yves Rebetez.
La Banque Nationale a récemment emboîté le pas à d’autres institutions financières canadiennes en annonçant son intention de ne pas soutenir financièrement le développement de cette industrie. Elle affirme même avoir refusé d’agir comme émetteur d’actions pour un producteur de marijuana médicale présent au Canada et aux États-Unis.
Cette prudence n’étonne pas Yves Rebetez. « Les banques n’ont pas intérêt, pour l’instant du moins, à se lancer dans des activités qui présentent encore des risques légaux », précise-t-il.