La tendance envers les placements intégrant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernances (ESG) est bien en place. Bien que ces pratiques soient présentes dans le domaine de l’investissement depuis plusieurs décennies, le public commence à peine à y être exposé. Et pourtant, la proportion de lancement de fonds négociés en Bourses (FNB) ESG s’est fortement accentuée depuis quelques années au sein du marché canadien. Certes, l’industrie ESG est en effervescence, mais plusieurs questions restent en suspens lorsque vient le moment de choisir le produit approprié au sein du portefeuille des clients.
L’émergence récente des FNB utilisant les critères ESG comme pierre angulaire du processus d’investissement est indéniable. En effet, les FNB de type ESG ont connu des créations nettes de 2,9 milliards de dollars (G$) et de 4,7 G$ respectivement au Canada et aux États-Unis[1],[2] durant l’année 2022. De plus, les FNB ESG canadiens poursuivent sur leur lancée en ce début d’année attirant près de 300 millions de dollars (M$)[3] de créations nettes.
Ces montants comprennent également les dotations institutionnelles. Cette popularité amène son lot d’interrogations dont le processus de vérification qui est unique à l’univers ESG. Comme tout type de FNB, les bases de vérifications diligentes doivent être respectées. À cet effet, je vous invite à consulter l’article de mon collègue Laurent Boukobza chez Placements Mackenzie[4].
Comprendre les filtres méthodologiques
En premier lieu, il est important de bien comprendre la ou les approche(s) méthodologique(s) auxquels le FNB s’associe. Dans la littérature financière, il existe plusieurs façons de catégoriser l’investissement ESG. La méthode soutenue par de nombreux acteurs financiers auprès des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) inclut [5]:
- l’exclusion négative, soit d’exclure certaines entreprises ou secteurs controversés;
- l’’intégration systématique de critères ESG pertinents dans les décisions d’investissement, parallèlement aux facteurs financiers traditionnels, tels que la réduction de l’empreinte carbone d’une compagnie pétrolière au fil du temps.
- l’inclusion normative ou positive, soit un filtrage positif d’actions ou d’obligations de sociétés présentant des caractéristiques ESG positives ou des score élevés;
- la poursuite de thèmes précis environnementaux, sociaux ou de gouvernance, comme les énergies propres ou les entreprises gérées et détenues par des femmes;
- l’investissement à impact, soit le fait d’investir dans des entreprises qui visent régler un problème précis, comme offrir des infrastructures pour l’accès à l’eau potable ou décarboniser la production d’un bien ou service;
Historiquement, le filtrage négatif était considéré comme la principale manière d’exprimer ces valeurs en tant qu’investisseur responsable. Au fil du temps, plusieurs études ont démontré que l’exclusion d’entreprises pouvait s’avérer nuisible aux rendements des investisseurs. Le domaine ESG a évolué et l’approche s’est raffinée. Aujourd’hui, les critères ESG sont devenus un élément clé dans la gestion des risques et un outil permettant d’identifier les entreprises de qualité.
Par exemple, lorsque nous incluons une entreprise leader d’un point de vue ESG, nous privilégions la surpondération de ces entreprises par rapport à leurs concurrents dans les mêmes secteurs économiques. Les objectifs ultimes sont alors de diminuer le risque, d’explorer les opportunités, d’améliorer le profil risque/rendements et surtout d’éviter les répercussions négatives d’un impact financier non voulu.
Évaluer le coût des FNB ESG
Le coût peut être un des aspects décisifs lorsque vient le temps de choisir le FNB approprié. Et celui-ci devrait être comparé avec l’option de base, soit d’investir dans un FNB traditionnel à faibles frais qui suit l’indice de référence du FNB ESG.
Dans le cas des FNB ESG, certains aspects supplémentaires sont à considérer. La prolifération du nombre de données ESG disponibles sur le marché ainsi que l’établissement d’équipes de soutien dédiées à son offre de service amène un coût additionnel aux gestionnaires d’actifs. Ces coûts peuvent être significatifs chez les gestionnaires d’actifs de petite taille, mais restent relativement faibles pour ceux qui possèdent d’importants actifs sous gestion (ASG).
En général, les experts s’entendent pour dire que la démocratisation de l’investissement ESG à moyen/long-terme apportera plus de bénéfices et que les coûts diminueront au fil du temps. Nous observons déjà ce phénomène en Europe, un marché ESG mature, où de récentes recherches suggère qu’il n’existe pas de primes de frais associées avec les FNB ESG [6] passifs ou actifs.
Composition typique d’un FNB d’actions ESG
Les différentes catégories énumérées précédemment nous mènent à la discussion de la répartition géographique et sectorielle. L’enseigne de la durabilité s’établit principalement sous deux angles : le comportement des entreprises envers la gestion des risques ESG et la durabilité des produits et services offertes par ces mêmes entreprises.
Dans le premier cas, l’emphase est mise sur les entreprises qui font preuve d’un haut niveau de responsabilité sociale. Entre autres, on parle d’établissement de politiques établies en matière de réduction de gaz à effet de serre, de politiques visant à augmenter la diversité/l’inclusion du corps professionnel et de politique de gouvernance saine. Certains secteurs tels que celui de la technologie, des soins de santé et des services financiers sont généralement bien représentés. Ces entreprises se situent aussi la plupart du temps dans des pays développés où le système politique est généralement considéré comme étant stable tel que les États-Unis, le Canada et l’Union européenne.
En ce qui concerne la durabilité des produits et des services, les entreprises sont évaluées en fonction des principaux problèmes mondiaux auxquels leurs produits tentent de répondre. Pour ce faire, elles peuvent aligner leurs revenus sur l’un des 17 objectifs de développement durable (ODD) [7]des Nations unies ou utiliser une taxonomie verte établie. Par exemple, l’ODD 13 met l’accent sur la lutte contre le changement climatique. Une stratégie environnementale tente de trouver des solutions à ces problèmes. Ce type d’entreprise se situe principalement dans des secteurs de l’économie tels que les services publics, les matériaux de base et le secteur industriel.
Le momentum vers les solutions utilisant des critères ESG, en particulier les FNB, continue de s’accélérer. Lors de la sélection d’un produit, nous devons nous assurer de comprendre dans quelle catégorie d’investissement durable nous investissons, d’évaluer les coûts et de comprendre le type d’exposition que l’investissement crée. Enfin, quel type d’approche voulons-nous adopter en tant qu’investisseur ? Pour un investisseur novice en matière d’investissement ESG, il peut être intéressant de combiner la responsabilité sociale et la viabilité à long terme des produits et services d’une entreprise.
Par Patrick Doré, Directeur solutions durables, équipe de développement durable, Placements Mackenzie
[1] https://cetfa.ca/wp-content/uploads/2023/01/December-Year-End-Canadian-ETF-Report.pdf
[2] Year-End-Report.pdf (cetfa.ca)
[4] Les bases d’une vérification diligente | Finance et Investissement (finance-investissement.com)
[5] CSA Staff Notice 81-334 – ESG-Related Investment Fund Disclosure (osc.ca)
[6] European ESG funds found not to charge higher fees | Financial Times (ft.com)