La pandémie, la volatilité et les interventions des banques centrales ont marqué l’année, tout comme les créations nettes records de fonds négociés en Bourse (FNB) canadiens et l’émergence des FNB établis en fonction de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Voici un résumé de certaines tendances qui ont été soulevées par différents panélistes à l’occasion de la conférence virtuelle Inside ETFs Canada, en novembre.
Créations nettes record de FNB
Pour les 11 premiers mois de 2020, les créations nettes des FNB canadiens se sont établies à 33,05 milliards de dollars (G$), selon l’Association canadienne des FNB (ACFNB), dépassant ainsi le record annuel de 30,0 G$ établi en 2019. En comparaison, les ventes nettes de fonds communs de placement (FCP) s’élevaient à 23,62 G$ en 2020 et à 14,04 G$ en 2019, selon l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC).
« Les FNB canadiens continuent de capter la part du lion dans tout l’argent qui arrive dans le secteur des fonds d’investissement provenant des investisseurs de détail. Les ventes de FNB ont déclassé celles de FCP en 2018 et en 2019 et nous sommes sur le point de connaître une autre année dans ce genre. Sur ce plan, la tendance canadienne se rapproche désormais de celle américaine », a indiqué Steven Hawkins, président du conseil de l’ACFNB et chef de la direction de Horizons ETFs Management (Canada), lors d’Inside ETFs Canada.
L’année 2020 a donc été marquée par une croissance du secteur des FNB canadien, dont l’actif sous gestion total est passé de 204,8 G$ au 31 décembre 2019 à 249,7 G$ à 30 novembre. « Le nombre de manufacturiers de FNB a continué de croître, mais le rythme de croissance a ralenti substantiellement dans les deux dernières années. En 2020, il y a eu trois manufacturiers de plus et en 2019, deux de plus. Toutes les principales banques et les manufacturiers de fonds sont dans le secteur des FNB et prennent au sérieux ce secteur sur le plan de la croissance. »
En 2020, les FNB d’actions ont été les meilleurs vendeurs, bien que les marchés financiers aient connu de fortes fluctuations et de la volatilité, notamment en raison de la COVID-19.
FNB résilients durant la tempête
D’ailleurs 2020 a été une année de montagnes russes sur les marchés financiers, ce qui a mis à l’épreuve les FNB. Certains membres de l’industrie financière avaient encore des doutes quant à ces produits, mais les FNB ont prouvé leur résilience en 2020, selon Vivian Hsu, directrice FNB, chez Fidelity.
« Depuis que les FNB existent, certains craignaient qu’ils ne soient pas assez liquides ou qu’ils causent des krachs boursiers. Or, ils ont réussi un test important durant la crise de 2008. Puis, en 2020, bien que la liquidité se soit détériorée durant le marché baissier, plus spécifiquement dans le secteur des titres à revenu fixe, les FNB, à titre d’outils de négociation, ont continué de s’échanger de manière efficiente. Ils ont fourni de la liquidité pour les conseillers et les investisseurs et ont servi de mécanisme de détermination de prix des actifs sous-jacents », a-t-elle expliqué.
Dans un rapport sur le comportement des FNB durant cette crise de liquidité dans le marché des titres à revenu fixe, Banque Nationale Marchés financiers notait que les FNB obligataires étaient devenus à un moment l’une des seules sources de liquidité.
On connaît la suite des choses. Les banquiers centraux, y compris la Banque du Canada, sont intervenus en mars afin d’acheter des titres à revenu fixe dans le but de rétablir la confiance dans ce marché et d’injecter de la liquidité dans le système.
D’ailleurs, le fait que la Réserve fédérale américaine (Fed) ait acquis des FNB d’obligations a été remarqué en 2020, selon Dina Ting, vice-présidente principale et chef de la gestion de portefeuille indicielle mondiale chez Franklin Templeton.
« C’est un geste sans précédent, mais c’était la meilleure manière d’avoir accès à un segment particulier du marché. La Fed a beaucoup d’influence, mais est limitée dans ce qu’elle peut faire lorsqu’elle intervient directement sur les marchés. Le fait qu’elle ait agi dans ce segment de marché et qu’elle l’ait fait aussi rapidement par rapport aux attentes des gens explique pourquoi le marché s’est comporté comme il l’a fait [en 2020] », a-t-elle souligné.
Dans un récent article, Michael Cooke, vice-président principal et responsable des FNB chez Placements Mackenzie, expliquait d’ailleurs pourquoi l’utilisation des FNB par les fonds de pension, les gestionnaires d’actifs, les banques centrales, les conseillers et les investisseurs privés a historiquement augmenté pendant les périodes de volatilité.
La distribution de FNB change
Le secteur de la distribution des FNB pour les investisseurs de détail connaît quelques changements quant au profil des acteurs qui se concurrencent. En effet, les courtiers de plein exercice représentaient collectivement 55 % de la détention de FNB de détail en juin 2020, selon des données d’Investors Economics citées par Steven Hawkins. En décembre 2016, cette part représentait 60 %.
Malgré cette baisse de part de marché, les conseillers en placement continuent de dominer dans le secteur des FNB. « Nous allons continuer de servir les conseillers en placement comme nos meilleurs clients », a affirmé Steven Hawkins.
De décembre 2016 à juin 2020, les gains de parts de marché les plus spectaculaires reviennent aux robots-conseillers dont la part est passée de 0,8 % à 6,0 %, selon les mêmes données d’Investors Economics.
LIRE AUSSI : Les robots-conseillers prennent de l’ampleur
Cette croissance des robots-conseillers a poussé la plupart des manufacturiers de FNB à lancer leur famille de FNB de répartition d’actif, aussi désigné « one ticket solution », une sorte de FNB de FNB qui vise à offrir un portefeuille contenant plusieurs catégories d’actifs aux détenteurs de parts.
« Les gens cherchent à avoir des solutions tout-en-un. C’est la façon dont l’industrie des FNB concurrence directement les robots-conseillers », a indiqué Steven Hawkins.
D’ailleurs, selon lui, la répartition traditionnelle « 60 % actions – 40 % obligations » ne fonctionnerait plus. Les clients devraient avoir une portion supérieure en actions dans leurs portefeuilles en raison de la hausse de leur espérance de vie, de la faiblesse des taux d’intérêt et du potentiel de croissance limité des titres à revenu fixe s’il y avait une hausse des taux d’intérêt. C’est pourquoi on observe de plus en plus de FNB de répartition d’actif avec une part importante en actions ainsi que des FNB de répartition d’actif qui sont « 100 % actions ».
Par ailleurs, de décembre 2016 à juin 2020, la part de marché des courtiers à escompte en ligne sur le plan de la détention de FNB de détail est passée de 33,2 % à 34,1 %. La pandémie pourrait stimuler l’utilisation de FNB par l’intermédiaire de ce canal de distribution notamment puisque de nombreux nouveaux clients ont ouvert un compte de courtage auprès de ces firmes durant le confinement lié à la pandémie.
« Nous avons vu le plus d’ouverture de compte de courtage à escompte en ligne en avril en raison de la COVID-19, car les gens ont voulu s’approprier leurs propres finances et parce que davantage de gens avaient le temps libre pour le faire », a noté Steven Hawkins.
La technologie peut rendre l’expérience du client plus agréable, plus simple et plus facile. Ce faisant, les robots-conseillers et les courtiers en ligne permettent ainsi de desservir des marchés négligés, comme les jeunes clients et les clientes, a expliqué Kalee Boisvert, conseillère en placement chez Raymond James.
« Et c’est une bonne chose. Ça met de la pression sur les conseillers afin d’intégrer cette simplicité à notre offre. Nous devons être soucieux des coûts, car ces outils mettent une pression sur nos coûts. De plus, ça nous force à réellement montrer notre valeur ajoutée. Nous ne sommes pas seulement des courtiers en valeurs mobilières. Nous effectuons des plans financiers, de la planification successorale, nous implantons des stratégies fiscales. Nous avons une vision holistique de la vie financière des gens et nous devons leur démontrer quels effets cela crée », a noté Kalee Boisvert.
Un conseiller peut aussi offrir un coaching comportemental au client afin d’éviter qu’il ne vende ses placements au mauvais moment. Ces conseils peuvent représenter 150 points de base de rendement additionnel par an, selon une étude de Vanguard citée par Sucheta Rajagopal, conseillère en placement et gestionnaire de portefeuille chez Mackie Research Capital Corp, lors d’un panel.
« Certaines personnes vont négocier elles-mêmes leurs titres, puis se rendre compte au bout d’un moment qu’ils ont peut-être besoin d’un conseiller. De plus, tout un chacun traverse le long périple de l’investissement, mais se situe parfois à différents endroits dans celui-ci. Quelqu’un peut avoir un nouveau bébé à la maison et soudainement considérer que regarder son portefeuille n’est plus une priorité », a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, la détention institutionnelle de FNB est en hausse, comme l’indiquait un récent article de Finance et Investissement.
Les FNB ESG prennent de l’ampleur
Tel que le rapportait récemment Finance et Investissement, l’année 2020 s’annonçait décisive sur le plan de l’intérêt pour les FNB établis en fonction de critères ESG. Celui-ci reste marginal, mais en croissance et des panélistes l’ont évoqué lors de l’événement.
Les démarcheurs de Fidelity (wholesellers) reçoivent beaucoup de question à ce sujet, selon Vivian Hsu, ce qui démontre l’intérêt croissant des conseillers et de leurs clients. En novembre, l’actif sous gestion en FNB de type ESG s’établissait à environ 1,5 G$, avec une quarantaine de produits, dont plusieurs lancés en 2020, a-t-elle noté. Elle a souligné que les fournisseurs de données de marchés diffusaient désormais davantage de données du genre.
« Ça fait désormais partie de nos vies. La question de la définition de l’ESG reste cependant encore en évolution. Au fur et à mesure que la croissance de ce type de produits continuera, les définitions deviendront plus développées et plus claires dans les années à venir », a noté Vivian Hsu.
L’ACFNB a d’ailleurs écrit une chronique intéressante sur les définitions dans le secteur de l’ESG.
Alors que les questions environnementales et de changement climatiques étaient déjà présentes dans les conversations avec les clients en 2019, l’année 2020 a mis l’accent sur l’aspect social de l’ESG, selon Sucheta Rajagopal. En effet, la pandémie a mis en lumière la façon dont les entreprises ont traité leur communauté, leurs employés et leur chaîne d’approvisionnement durant cette période. De plus, le mouvement Black lives matter a accentué l’importance des enjeux raciaux et de l’égalité des chances.
« Alors que plusieurs de ces thèmes étaient basés sur des valeurs et en connaître davantage était quelque chose d’agréable, nous avons assisté en 2020 à un changement important qui fait que ces questions ont des implications financièrement significatives », a dit Sucheta Rajagopal.