Une nouvelle étape vient d’être franchie afin d’améliorer l’exactitude des relevés de comptes pour les clients qui détiennent des fonds négociés en Bourse (FNB) peu liquides et peu négociés.
En juillet, la Bourse de Toronto (TSX) a intégré à sa manière une proposition mise de l’avant en janvier par l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCVM). Cette proposition permet de s’attaquer à un problème particulier du secteur des FNB.
Revenons sur cet enjeu technique qui touche une part des FNB canadiens. Comme l’évoquait en 2020 Finance et Investissement, sur les relevés de comptes, on présente souvent la valeur d’un titre en se basant sur le dernier cours négocié. Cette méthode fonctionne bien pour les FNB qui se négocient souvent, mais devient problématique pour ceux qui ne le sont pas ou peu. Le dernier cours peut présenter une valeur périmée d’un fonds, très différente de la valeur de ses actifs sous-jacents, parce que ce cours date de plusieurs heures ou parfois de plusieurs jours.
Par exemple, un client a acheté 10 $ un FNB dont le sous-jacent a une valeur liquidative de 12 $. Si ce FNB n’a pas été négocié récemment, son dernier cours de clôture peut par exemple être de 15 $, la valeur de ses actifs sous-jacents ayant baissé depuis la dernière transaction. Si on donne une information incorrecte au client, celui-ci pourrait vendre son FNB en croyant à tort qu’il vaut 15 $, alors qu’en fait, ce FNB a une valeur près de sa valeur liquidative.
Dans le secteur en croissance des FNB cotés au Canada, de plus en plus de FNB ne se négocient que quelques fois par jour ou, dans certains cas, pas du tout. « Quelque 68 % des FNB n’ont généralement pas de transaction dans la dernière demi-heure de la journée, et 8 % des FNB se négocient en moyenne moins d’une fois par jour », lit-on dans une note de Banque Nationale Marchés financiers de février dernier.
« L’utilisation du dernier prix de vente pose problème pour de nombreux FNB qui disposent d’une liquidité réelle et importante, même lorsqu’ils ne sont pas activement négociés. Il est important de noter que cette grande liquidité disponible est évaluée en fonction des titres sous-jacents du FNB » et non en fonction du dernier prix payé pour un FNB.
« Les effets des prix périmés des FNB sont très répandus, car les prix de clôture officiels sont utilisés pour tout, des taux de marge aux rapports de performance des clients », lit-on dans une note la Banque Nationale Marchés financiers intitulée Market Microstructure Update de juillet 2021.
Par le passé, différentes solutions ont été proposées, notamment par la Bourse de Toronto et par la NEO Bourse. Chaque solution a ses forces et ses faiblesses, mentionnaient les auteurs de la note. En janvier, l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCVM) mettait de l’avant une solution qui semblait plaire à une part importante de l’industrie, notaient à la fois Banque Nationale Marchés financiers et Valeurs mobilières TD, en juillet.
En juillet, la TSX a commencé à publier des données en intégrant la méthode mise de l’avant par l’ACCVM.
Or, « pour l’instant, le prix de clôture officiel utilisé dans tous les calculs officiels reste le dernier prix de vente, même s’il est périmé », souligne la Banque Nationale.
L’ajout d’un cours de clôture afin d’alimenter les données du marché n’est que la première étape d’un long processus de mise en œuvre complète de la proposition de l’ACCVM. « L’utilisation du cours de clôture réformé de la TSX pour certains processus, comme le calcul des marges, nécessitera probablement des modifications importantes aux Règles des courtiers membres, aux Règles universelles d’intégrité du marché et à divers instruments nationaux. En outre, d’innombrables pipelines de données devront être mis à jour pour gérer une nouvelle source officielle de cours de clôture », écrivent les auteurs de la Banque Nationale.
« Il existe un large consensus en faveur de la proposition de l’ACCVM pour les FNB, et nous sommes heureux de voir la TSX faire le premier pas pour fournir ces prix à la communauté. Toutefois, nous mettons en garde contre le fait qu’il ne s’agit que de la première étape d’un processus qui sera probablement très, très long », ajoutent-ils.
Chez Valeurs mobilières TD, on salue également les changements proposés par la TSX afin d’améliorer l’expérience des investisseurs en FNB, mais on reste prudent par rapport à leur portée réelle.
« Comment les Bourses et plateformes de négociation intégreront-elles la nouvelle méthode d’évaluation « indicative » de manière à ce qu’elle ait un impact réel? Si les changements ne doivent pas être « utilisés pour la mise sur le marché ou l’analyse des risques », il sera difficile de déterminer comment les différentes parties prenantes vont intégrer sélectivement ces nouvelles définitions et les utiliser. Il faudra exercer une pression claire pour que l’utilisation des définitions ne se limite pas à l’utilisation du dernier prix », écrivent les auteurs de la note de la TD, lesquels sont menés par Andres Rincon, directeur et chef des ventes et stratégies de FNB chez Valeurs mobilières TD.
Autrement, certaines parties de l’industrie refléteront le dernier cours et d’autres le cours de clôture de la TSX. « Il ne sert à rien d’installer un moteur hybride sur une voiture pour son apparence si, en pratique, la voiture n’utilise que le moteur à essence. Nous dirions la même chose pour ces nouveaux changements proposés par la TSX », lit-on dans la note de la TD.
Banque Nationale Marchés financiers juge par ailleurs qu’on devrait peut-être élargir la réflexion à l’ensemble des marchés boursiers.
« La liquidité des marchés canadiens est très variable : environ la moitié de l’univers des actions canadiennes n’est pas négocié durant un jour donné. Les cours de clôture périmés sont parfois reconduits pendant plusieurs jours durant les périodes où les transactions sont particulièrement sporadiques. Par conséquent, la valeur de certaines positions en actions peut être déconnectée de leurs prix cotés », écrivent les auteurs de la note de la Banque Nationale.
Étendre les améliorations proposées pour les FNB illiquides aux actions illiquides devrait faire l’objet d’une étude plus approfondie, selon Banque Nationale marchés financiers.