Les fonds négociés en Bourse (FNB) thématiques, qui répliquent le comportement des titres d’un segment niché du marché, peuvent parfois briller par leur performance. Ils présentent toutefois des risques importants, notamment en matière de diversification et de volatilité, et les conseillers et leurs clients devraient les considérer. C’est l’un des constats qui se dégageait de la conférence virtuelle Inside ETFs qui s’est tenue en novembre dernier.
En étant très concentrés dans des secteurs précis, les FNB thématiques peuvent connaître des performances impressionnantes lorsqu’il y a un engouement pour les actifs sous-jacents. Par exemple, Morningstar a publié les dix FNB ayant les mieux performés en 2020 et la majorité d’entre eux sont des FNB thématiques.
Les FNB d’Emerge ARK qui misent sur la génomique, les biotechnologies (EAGB), l’intelligence artificielle, les données de masse (big data) (EAAI) ainsi que sur les innovations perturbatrices (EARK) figurent parmi les trois meneurs. Assortis de ratio des frais de gestion de 1,68 % à 1,70 %, ces FNB avaient à la fin de janvier un actif sous gestion qui variait de 37 millions de dollars (M$) à 161 M$.
Le marché américain des FNB thématiques représentait en novembre environ 60 G$ US en actifs répartis dans 135 FNB. Un FNB thématique ne devrait pas chercher à tirer parti de la saveur du mois, mais plutôt d’une tendance sur plusieurs décennies, d’après Jay Jacobs, vice-président principal et chef de la recherche et de la stratégie chez Global X ETFs. « Cela consiste aussi à identifier les entreprises qui vont bénéficier de ces tendances », précise-t-il.
En théorie, le fait d’investir dans un portefeuille de sociétés susceptibles de profiter de ces tendances est moins risqué qu’investir dans une seule entreprise. Ainsi, l’utilisation d’un fonds peut amener une certaine diversification, bien que les FNB thématiques soient très concentrés dans un secteur par rapport à des FNB de marché large. Ces produits peuvent donc être très volatiles.
« Les fonds thématiques ne sont pas nouveaux. Ils tendent à être un phénomène de marché haussier. Prenons par exemple la montée des fonds de l’Internet durant la bulle technologique. Plusieurs d’entre eux ont affiché une performance phénoménale durant une période, puis n’ont pas survécu et n’ont pas livré le rendement qu’ils auraient dû livrer », a expliqué Ben Johnson, directeur de la recherche mondiale sur les FNB chez Morningstar.
Selon lui, les investisseurs doivent être prudents avec les fonds thématiques, car en y investissant, ils parient sur trois éléments. Le premier est que le thème en question est durable et a du mérite. Le deuxième est que les actions dans le portefeuille seront capables d’en profiter. Et le troisième est que le prix de ces dernières ne reflète pas déjà les attentes des investisseurs et l’enthousiasme collectif pour ce thème.
« Si vous ne payez pas un prix attrayant pour une société, vous n’allez pas obtenir de la valeur à long terme. Or, souvent, lorsque ces fonds thématiques arrivent sur le marché, tout le monde [connait ces thèmes]. Ils ont déjà acheté ces titres et la valeur de ces titres fait que les rendements subséquents risquent de manquer de lustre », a déclaré Ben Johnson. Selon lui, les fonds du secteur du cannabis l’ont bien illustré.
D’où l’importance de faire ses recherches et de choisir des thèmes qui ont un ancrage à long terme, selon Jay Jacobs.
« Les joueurs d’un secteur changent, mais le thème ne change pas. Si vous voulez profiter d’une tendance de plusieurs années ou décennies, avoir un FNB qui offre de la diversification, qui a une construction indicielle et qui permet d’amener de nouvelles technologies vous permet de rester investi dans le thème », a dit Mark Noble, vice-président exécutif, stratégies de FNB chez Horizons ETFs Management (Canada).
Regardez sous le capot
Un autre constat qui se dégage de leur conférence est l’importance de regarder sous le capot afin de comprendre les forces et les faiblesses des FNB thématiques. Tous les FNB thématiques qui suivent un secteur ne sont pas identiques.
Par exemple, aux États-Unis, le chevauchement des actifs sous-jacents des cinq FNB qui suivent le secteur de la robotique est d’environ 25 %, selon Jay Jacobs. « Les définitions ont de l’importance. On peut définir la robotique de manière pointue ou de manière très large. Est-ce qu’on inclut les fabricants de robots, les fabricants de semi-conducteurs qui permettent de fabriquer ces robots ? Est-ce qu’on inclut dans un FNB d’intelligence artificielle les utilisateurs finaux de cette technologie, comme Netflix qui va y avoir recours pour choisir ce qu’elle présente à ses clients? »
Cette divergence entre les FNB qui suivent un même thème crée autant d’écarts de performance et de volatilité pour les détenteurs de parts de FNB, a mentionné Ben Johnson : « Si tout ceci sonne comme de la gestion active discrétionnaire, c’est que ça en est. Bien qu’il s’agisse de produits indiciels, il y a un degré élevé de discrétion sur le plan de la méthodologie de cet indice. Quelles actions entrent dans l’indice? Comment cet indice est-il pondéré et rééquilibré? Tout cela sera mis à jour dans le temps. »
En effet, pour les FNB thématiques, leurs manufacturiers doivent souvent développer eux-mêmes l’indice de leur FNB. Cette construction indicielle engendre non seulement des coûts, qui expliquent en partie les ratios des frais de gestion plus élevés de ces fonds, mais est aussi assortie de biais méthodologiques.
« C’est important que les investisseurs fassent leurs devoirs et procèdent à des vérifications diligentes afin de comprendre quelle exposition ils auront », a souligné Ben Johnson.
Les coûts plus élevés des FNB thématiques s’expliquent parfois par la nature même des actifs sous-jacents, selon Mark Noble. « Si vous essayez de négocier des actions qui ne sont pas nord-américaines avec les systèmes de négociations patrimoniaux que l’on a au Canada, comme la société Nestlé SA ou une action japonaise, bonne chance avec l’écart cours acheteur-cours vendeur », a-t-il dit. Les détenteurs de parts de FNB profitent de la force du groupe lors de ces négociations de titres, ce qui revient moins cher à effectuer que des transactions individuellement, a-t-il ajouté.
Autre invitation à la prudence : les FNB thématiques ont un taux de mortalité plus élevé que les autres, a prévenu Ben Johnson. « Les émetteurs de fonds pourraient ne pas avoir la patience ni la capacité de conserver ces produits autant qu’ils le devraient. Plusieurs fonds de point-com auraient probablement bien fait sur une période de deux décennies, mais vous devez survivre cette période au bénéfice des investisseurs. »
D’après Jay Jacobs, un autre enjeu est aussi le comportement des investisseurs qui peuvent investir dans un FNB pour une très courte période et l’abandonner après avoir réalisé un gain.
Il suggère aux investisseurs de créer un portefeuille de FNB thématiques. La combinaison des thèmes leur permet de réduire la volatilité de ce portefeuille et ainsi, leur permettre d’être plus disciplinés.
Par ailleurs, Mark Noble trouve ennuyeux que certains fonds choisissent mal leur indice de référence, il invite donc à la prudence. Par exemple, certains gestionnaires « embrassent les principales composantes de l’indice NASDAQ 100, mais affirment que leur indice de référence est le S&P 500. C’est une stratégie indicielle de placard (closet indexing) et c’est à la limite du criminel. » Il prie l’industrie d’éviter cette pratique et aux investisseurs d’en être conscient dans leur choix de produits.