Femme fatiguée devant son ordinateur
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Ex-vice président exécutif d’AXA Canada devenu consultant, ce connaisseur de l’industrie exprime sa « très grande surprise » à l’égard du Règlement publié mercredi dernier.

« Les demandes du régulateur à l’égard des responsables de sites transactionnels sont très exigeantes. C’en est presque incroyable ! », s’exclame Robert Landry.

Lourde responsabilité

Au départ, explique-t-il, l’internaute devra être au courant de tout ce qu’un site transactionnel pourrait théoriquement lui offrir (articles 6 et 7), et ce jusqu’aux avenants pertinents à sa situation particulière (article 9).

De plus, les assureurs et les cabinets responsables des sites transactionnels devront garder la trace du cheminement, presque clic par clic, de chaque consommateur (articles 17 et 24).

« Les assureurs et les cabinets deviennent totalement responsables des choix des consommateurs », martèle Robert Landry.

Deux conséquences en découlent.

Premièrement, les transactions se concluront au terme d’un parcours jonché de multiples questions.

« Qui aura le courage et la patience de passer des heures sur un site web afin de compléter une transaction ? Selon moi, cette exigence de responsabilité limite énormément le potentiel de vente de produits d’assurance de personnes sur Internet », affirme le consultant.

Deuxièmement, les consommateurs qui concluront des transactions pourraient éventuellement les contester sur la base de leur complexité.

« Les tribunaux pourraient, au bout de quelques plaintes, signaler que certaines transactions étaient trop complexes pour être bien comprises. Si le consommateur agit seul sur un site Internet, il y aura inévitablement des cas de sous-assurance, de mal-assurance, et ainsi de suite. Les assureurs et les cabinets en paieraient probablement le gros prix », dit Robert Landry.

À l’heure actuelle, lorsqu’une cause oppose un cabinet à un consommateur, c’est une parole (le cabinet) contre une autre (le consommateur). Il y a place au doute.

Or, avec le Règlement, les assureurs et cabinets auront la lourde tâche de prouver que leurs sites étaient suffisamment clairs et que le processus de navigation était complet. « Par exemple, un tribunal pourrait dire que tel ou tel aspect d’un site manquait de clarté, comme le fait d’avoir mal présenté tous les avenants possibles à une situation donnée. Ou que la preuve n’a pas été faite que le processus de navigation a été conforme », signale le consultant.

« Oui et non »

D’après Robert Landry, le régulateur a voulu « à la fois dire oui et non » à la vente sur Internet.

« Les risques liés à la responsabilité des assureurs et cabinets pourraient limiter l’offre de produits. Par exemple, un site aurait beau n’offrir que des T 10, qui dit qu’un jour, cette offre limitée ne serait pas contestée, devant les tribunaux, par des consommateurs qui affirmeraient avoir été sous-assurés ? ».

De plus, qui voudra passer des heures à faire l’achat de produits d’assurance sur des sites qui auront à multiplier les questions et les étapes afin de blinder leur responsabilité ?

En conséquence, les conseillers ont encore de beaux jours devant eux.

« Même les jeunes qui veulent tout faire avec leurs téléphones intelligents pourraient bien en arriver à faire appel à des conseillers ! Sur Internet, les produits doivent être simples. Or, l’assurance de personnes est complexe car les besoins et les situations personnelles le sont. À mon avis, le Règlement pourrait rassurer le milieu des conseillers », dit Robert Landry.

À quelles conditions la vente en ligne pourrait-elle éventuellement se faire ?

« Le jour où les consommateurs pourront parler à des conseillers robots pilotés par des formes évoluées d’intelligence artificielle. Mais nous en sommes bien loin…! », rétorque ce perspicace observateur de l’industrie.