La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a suspendu l’inscription d’Emerge Canada Inc. pour insuffisance de capital, une situation qui constitue une violation de la loi sur les valeurs mobilières.

« Il n’y a aucun échéancier ni de certitude quant au moment où Emerge Canada se conformera aux obligations en matière de fonds de roulement », a déclaré la CVMO dans une décision rendue jeudi.

L’inscription d’Emerge a été suspendue dans les catégories de gestionnaire de fonds d’investissement, de gestionnaire de portefeuille et de courtier sur le marché dispensé.

La CVMO avait placé les 11 fonds négociés en Bourse (FNB) de la société sous une ordonnance d’interdiction d’opérations sur valeurs (IOV) le 6 avril dernier pour avoir omis de déposer ses états financiers.

Comme l’a signalé Advisor.ca le mois dernier, la série de six FNB ARK d’Emerge devait recevoir plus de 2,5 millions de dollars (M$) de créances de la part d’Emerge au 30 juin 2022 – un montant qui avait plus que quintuplé en deux ans et demi.

La décision rendue par la CVMO indique que les créances s’élèvent maintenant à environ 5,5 M$, ce qui représente environ 5 % de l’actif détenu dans les six FNB ARK en date du 10 mai.

La décision montre également que la société affiliée Emerge US doit la somme de 4,5 M$ au 30 septembre 2022 à Emerge Canada, et environ 3,4 M$ en date du 10 avril.

La CVMO a conclu que la créance américaine n’était « pas facilement convertible en espèces », affirmant qu’Emerge, en conséquence, ne pouvait pas inclure ces créances dans son calcul du fonds de roulement excédentaire ou en tant qu’actif circulant dans son bilan. Les gestionnaires de fonds d’investissement doivent disposer d’un fonds de roulement minimum de 100 000 $.

La décision indique que Lisa Langley, chef de la direction et chef de la conformité d’Emerge Canada, et présidente d’Emerge US, a effectué « des tentatives multiples pour recueillir des fonds, mais qu’à ce jour, aucune transaction n’a été conclue pour permettre de combler entièrement la créance entre les firmes apparentées ».

La CVMO a également déclaré qu’Emerge Canada devait exclure la valeur des jetons cryptographiques qui avait été déclarés dans le cadre de son bilan en matière de besoin de fonds de roulement.

Au 31 mars, Emerge Canada a fait valoir qu’elle avait un déficit de fonds de roulement de 1,5 M$, avant d’exclure les créances américaines et les jetons cryptographiques.

La décision indique qu’Emerge Canada « savait ou aurait dû savoir que son fonds de roulement était déficitaire en septembre 2022 et qu’il était probablement déficitaire à un moment donné avant le 30 septembre 2022 ».

En plus de suspendre Emerge Canada, la CVMO a permis à Emerge de procéder à une liquidation ordonnée de ses activités courantes, ce qui pourrait inclure la liquidation des 11 FNB qui se trouvent sous le coup d’une ordonnance d’IVO.

La CVMO permet également à Emerge de prendre des dispositions pour qu’une autre société assume la responsabilité des 11 FNB.

BMO Gestion mondiale d’actifs a commencé à offrir des versions de trois fonds ARK en novembre.

Dans son mémoire à la CVMO, la société a soutenu qu’une liquidation des FNB Emerge serait trop pénalisante parce qu’Emerge Canada n’est pas en mesure de payer les 5,5 M$ qu’elle doit aux FNB Emerge ARK tant qu’Emerge US n’aura pas remboursé ses créances en totalité. En outre, Emerge a déclaré que « forcer une vente des actifs des fonds peut faire en sorte qu’elle se produise à des valeurs de liquidation ».

Emerge a également souligné son statut de joueur relativement nouveau occupant « un créneau unique sur le marché des FNB [comme étant] la première équipe d’investissement entièrement féminine en Amérique du Nord ». La firme a ajouté que sa suspension pourrait nuire à la réputation des petits fournisseurs de FNB et de FNB en général.

Toutefois, Debra Foubert, directrice de la Direction de la conformité et de la réglementation des personnes inscrites de la CVMO, a déclaré que les personnes inscrites « qui n’ont pas un fonds de roulement suffisant ne peuvent pas être autorisées à poursuivre leurs activités pendant de longues périodes, en raison des risques que cela pose aux investisseurs et de la baisse de confiance du public dans les marchés financiers de l’Ontario qui pourrait en découler ».

Debra Foubert a également reconnu les efforts d’innovation d’Emerge dans sa décision.

« Bien que j’applaudisse le fait qu’Emerge soit la première équipe d’investissement entièrement féminine en Amérique du Nord à gérer des stratégies d’investissement novatrices et socialement responsables, cela n’a pas été pris en compte dans ma décision, car les exigences réglementaires s’appliquent également à toutes les personnes inscrites, en l’absence d’exemptions spécifiques », a-t-elle écrit.

Dans un communiqué, Emerge Canada a déclaré qu’elle allait analyser ses actions à venir à la lumière de la décision d’aujourd’hui.

Ce que la suspension signifie pour les clients

Les clients qui détiennent les FNB d’Emerge n’ont pas pu les négocier depuis le 6 avril, ce qui en amène beaucoup à se demander à quel moment leur argent sera accessible. La suspension d’Emerge raccourcit au moins cette attente, a déclaré Yves Rebetez, associé chez Credo Consulting Inc. à Oakville, en Ontario.

« Les délais ont été considérablement réduits », a déclaré Yves Rebetez. « Le risque de devoir attendre pour une période indéterminée que leur argent leur soit remis a été levé. Je m’attends à ce que tout cela soit résolu dans un délai relativement court. »

La décision de la CVMO exige qu’Emerge « agisse rapidement » pour liquider ses fonds ou demander à une autre entreprise d’en assumer la gestion.

Les clients qui veulent toujours une exposition aux stratégies ARK pourraient envisager les trois FNB offerts par BMO ou les FNB négociés aux États-Unis offerts par ARK Investment Management LLC, a suggéré Yves Rebetez.

RBC Services aux investisseurs, le dépositaire des 11 FNB d’Emerge, a déclaré une valeur liquidative (VNI) quotidienne pour chacun des fonds tout au long de l’ordonnance d’IVO. Leur performance au cours du dernier mois a été médiocre, mais la performance des FNB ARK a connu un rebond depuis le début de l’année.

Yves Rebetez a signalé que la liquidation des fonds pourrait toutefois se traduire par le fait que des investisseurs reçoivent un montant inférieur à leur valeur liquidative, car « un élément qualifié d’actif dans le calcul de la valeur nette d’inventaire de ces FNB et fonds communs de placement s’avère ne pas être un actif réalisable ».

En ce qui concerne les implications plus larges de la suspension d’Emerge, « je m’attends à ce que les auditeurs accordent plus d’attention » aux états financiers des fonds d’investissement, a déclaré Yves Rebetez. « De toute évidence, les investisseurs vont y prêter plus d’attention. »

BDO Canada S.E.N.C.R.L./s.r.l., qui a démissionné de son poste d’auditeur d’Emerge en novembre, n’a pas répondu à une demande de commentaires.

Yves Rebetez a également déploré l’effet que cette situation pourrait avoir sur le marché pour les petits joueurs au Canada, en particulier dans un environnement où les grands joueurs sont déjà hésitant à faire une place sur leurs tablettes à de nouveaux produits.

« Personne ne sera licencié pour avoir acheté [une action de premier ordre comme] IBM », a-t-il déclaré. « Toutefois, le jour où quelque chose ne va pas avec le joueur de niveau 2 ou 3, le conseiller ou l’entreprise s,expose à faire l’objet de critiques. »

Il a ajouté que les petits acteurs auront du mal à atteindre une taille suffisante pour amener les grandes entreprises à se sentir en confiance de les ajouter à leurs étagères si la distribution initiale s’avère difficile.