En plus de sauver d’innombrables vies, les vaccins contre la COVID-19 ont donné un coup de fouet à l’investissement « valeur », qui se concentre sur les actions dont la valorisation est faible par rapport à celle du marché en général. Dans l’hypothèse d’une reprise économique continue, les perspectives de l’investissement de style valeur restent favorables, selon des stratèges des fonds négociés en Bourse (FNB).
Parmi les plus optimistes, on retrouve Antonio Picca, responsable des stratégies basées sur les facteurs chez Vanguard Group, la société mère de Vanguard Investments Canada.
« Il y a une très bonne opportunité avec le style valeur, car les valorisations restent à des niveaux historiquement bas », commente celui-ci.
« Je reste optimiste quant à la valeur », ajoute-t-il, même si le Vanguard Global Value Factor ETF, d’une valeur de 204 millions de dollars (M$) a déjà été un grand gagnant récemment. Il a enregistré un rendement de 47,3% au cours de la période de 12 mois terminée le 31 août.
Le FNB de Vanguard, coté à la Bourse de Toronto, est un produit simple qui mise sur le style valeur avec trois facteurs : le ratio cours/valeur comptable, le ratio cours/bénéfice et le ratio cours/flux de trésorerie. « Nous voulons vraiment refléter ce que nous croyons être le consensus de la communauté des praticiens universitaires sur ce qu’est la valeur », rapporte Antonio Picca.
La logique qui sous-tend l’adoption d’une approche mondiale du style valeur est que, de même que les marchés d’actions régionaux se comportent bien à des moments différents, il en va de même pour les stratégies de valeur. « La prime de valeur peut se manifester dans différents pays à différents moments », affirme Antonio Picca. Il ajoute que le FNB de valeur mondiale Vanguard « vous permet d’avoir cet élément supplémentaire de diversification de la prime de valeur ».
Au cours des dix dernières années, la prime de valeur a été pratiquement inexistante. Jusqu’au 31 août, le rendement annualisé de 9,9 % de l’indice MSCI World Value, mesuré en dollars américains, a été bien inférieur au rendement de 12,8 % de l’indice MSCI World. Au cours de toutes les années civiles de la dernière décennie, à l’exception de trois d’entre elles, l’indice valeur MSCI a été à la traîne de l’indice général MSCI de 23 pays développés.
Le redressement de la valeur à l’échelle mondiale a commencé à la fin de l’année dernière avec les percées du vaccin contre la COVID-19. Cela a entraîné un regain d’optimisme quant à la reprise économique, rapporte Nirujan Kanagasingam, vice-président de la stratégie des FNB chez CI Investments.
Pour la période de 12 mois se terminant le 31 août, le FNB indiciel de valeur CI Morningstar Canada a enregistré un rendement de 39,9 %, le FNB indiciel de valeur CI Morningstar US (couvert en dollars canadiens) est en hausse de 35 %, et le FNB indiciel de valeur CI Morningstar International (couvert en dollars canadiens) a enregistré un rendement de 33,4 %. Ces FNB sont principalement fondés sur des ratios inférieurs au marché, notamment le ratio cours/bénéfice, le ratio cours/flux de trésorerie, le ratio cours/valeur comptable et le ratio cours/ventes. Or, la méthodologie de CI fait que ses FNB ne sont pas filtrés de manière purement quantitative. Le processus de sélection tient également compte des révisions à la hausse des bénéfices, ce qui n’est pas un critère de valeur.
Nirujan Kanagasingam a déclaré que le rebond des titres de valeur a été largement alimenté par les secteurs cycliques tels que les services financiers et l’énergie. « Ces secteurs ont tendance à être plus sensibles au cycle économique et se portent bien lorsque la croissance économique se renforce, ce que nous avons vu lorsque l’économie a commencé à se rouvrir. »
L’orientation des pays du G7 vers un taux d’imposition mondial minimal d’au moins 15 % est également de bon augure pour les titres de valeur, selon un commentaire sur le marché publié en juin par Brompton Funds. En effet, les secteurs de valeur « ont tendance à avoir des taux d’imposition plus élevés et moins d’actifs incorporels que les secteurs de croissance ».
Chris Heakes, directeur et gestionnaire de portefeuille, FNB, chez BMO Gestion mondiale d’actifs, a établi un parallèle entre la situation actuelle et 2009, l’année qui a suivi le krach et au cours de laquelle la valeur a connu une longue période de surperformance.
Selon Chris Heakes, le krach boursier de 2020 a préparé le terrain pour une rotation vers les actions de valeur et l’abandon de la croissance. « L’un des meilleurs marchés pour la valeur tend à être ce marché de reprise précoce ».
Le FNB BMO MSCI Canada Value Index et le FNB BMO MSCI USA Value Index ont tous deux participé à cette tendance, affichant respectivement un rendement de 36 % et 36,4 % au cours de la période de 12 mois terminée en août. Leurs actifs sont choisis en fonction de ratios cours/bénéfice et cours/valeur comptable qui sont inférieurs à la moyenne, et sur une valeur d’entreprise relativement bon marché par rapport aux flux de trésorerie d’exploitation.
Bien que les inquiétudes concernant le variant Delta, hautement contagieux, entraînent davantage de restrictions, Chris Heakes estime que les actions de valeur restent attrayantes. « Il y a un potentiel pour un peu plus de vie dans ce placement. »
Le solide rebond des actions de valeur survient alors que les actions de société de croissance sont confrontées à des conditions de marché moins favorables. « Les actions de croissance ont dominé les actions de valeur au cours de la dernière décennie, principalement alimentées par la faible inflation et l’environnement de taux d’intérêt bas que nous avons connu au cours de cette période, analyse Nirujan Kanagasingam. Cela a été propice à la croissance, car de nombreuses actions de croissance sont évaluées sur la base de bénéfices potentiels futurs qui ont été actualisés à des taux nettement inférieurs. »
La pandémie n’a fait que renforcer les sociétés à forte composante technologique, car les fermetures et la tendance au travail à domicile ont entraîné une augmentation de la demande d’achats en ligne, de réunions virtuelles et d’autres produits et services technologiques. Toutefois, avec l’arrivée des vaccins, l’économie auparavant en perte de vitesse a connu une forte croissance du PIB, une inflation galopante et une pression à la hausse sur les taux d’intérêt.
Dans ce type d’environnement de marché, rapporte Nirujan Kanagasingam, la valeur a historiquement surperformé la croissance, « car les entreprises et les secteurs qui ont connu des bénéfices déprimés commencent à voir une accélération de la croissance des bénéfices. »
« Nous avons connu une reprise, et la valeur a fait exactement ce qu’elle était censée faire », commente Antonio Picca.
Maintenant que la valeur a battu le marché, quelle est sa place dans les portefeuilles des investisseurs ? Bien que Chris Heakes pense que les conditions de marché continuent d’être favorables à la valeur, il préconise de combiner les styles d’investissement en fonction de la personnalité du client et de sa tolérance au risque.
Pour un investisseur conservateur, dit-il, il est logique de combiner des FNB de style valeur et à faible volatilité. « La valeur est davantage une exposition cyclique et la faible volatilité une exposition défensive, a-t-il déclaré. Les deux facteurs peuvent apporter des avantages à différents moments du cycle du marché. En les associant intelligemment, je pense que vous pouvez obtenir une meilleure diversification. »
À long terme, dit Nirujan Kanagasingam, les facteurs de valeur ont été parmi les plus étudiés et les plus suivis, et ont historiquement généré de solides rendements. Cela fait de la valeur un ajout de base convaincant aux portefeuilles des investisseurs. « Nous recommandons généralement aux investisseurs d’aborder la construction de leur portefeuille avec une lentille multifactorielle afin de maintenir la diversification, avec des opportunités tactiques de surpondérer ou de sous-pondérer certains facteurs en fonction des conditions de marché. »
Tout investisseur devrait avoir une pondération de son portefeuille orientée vers le style valeur, déclare Antonio Picca, qui conseille de ne pas essayer d’anticiper les cycles du marché. « La valeur est une partie importante de votre portefeuille, précise-t-il. Restez-y, car la thèse fondamentale qui sous-tend la valeur est tout aussi pertinente aujourd’hui, sinon plus, qu’elle ne l’a été. »