L’essor des fonds négociés en Bourse (FNB) ces dernières années reflète une modification des comportements dans le marché de l’investissement de détail au Canada.
Les investisseurs de détail qui ont adopté les FNB ont tendance à être moins fidèles à leurs conseillers et à les remettre davantage en question que les détenteurs de fonds communs de placement. Ils ont tendance à être mieux informés. Ils sont plus conscients de l’impact des frais et plus sensibles aux prix. Par ailleurs, ils sont plus à l’aise avec l’investissement autonome en ligne.
Pollara Strategic Insights, de Toronto, a effectué un sondage d’opinion, parrainé par l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) et publié en septembre 2019, dont les résultats documentent ces tendances. Pour la première fois depuis la création en 2006 de ce sondage annuel, Pollara a interrogé des investisseurs en FNB tout comme des détenteurs de fonds communs de placement. Au total, 500 investisseurs en FNB et 1024 investisseurs en fonds communs de placement ont participé aux entretiens téléphoniques menés de la fin mai à la mi-juin.
Pollara a constaté que les investisseurs en FNB ont des préférences plus larges quant aux types de fonds d’investissement qu’ils détiennent. Parmi les investisseurs en FNB sondés, 66 % détenaient également des fonds communs. Par contre, seulement 19 % des répondants détenant des fonds communs possédaient aussi des FNB. Le sondage a également montré qu’il existe de grandes possibilités de croissance des ventes pour les manufacturiers de FNB. Un quart des investisseurs en fonds communs sondés prévoient augmenter leurs participations en FNB. Il faut noter également un écart entre les sexes : les hommes ont en général davantage confiance dans les FNB que les femmes.
Toutefois, les conseillers ne devraient pas supposer que les plus jeunes investisseurs, qui sont en général plus à l’aise avec la technologie et dont les manières d’investir sont moins ancrées, sont plus réceptifs aux FNB que les baby-boomers. Il est faux de croire que ce sont seulement les plus jeunes qui vont sur Internet et qui préfèrent les FNB, dit Lesli Martin, vice-présidente, relations publiques chez Pollara. Alors que 22 % des investisseurs en FNB sondés avaient moins de 35 ans, c’était le cas de 20 % des investisseurs en fonds communs. Vers l’extrémité la plus âgée du spectre démographique, 43 % des investisseurs en FNB avaient 55 ans ou plus, alors que 49 % des investisseurs en fonds communs se situaient dans cette tranche d’âge.
« La différence n’est pas énorme », remarque Lesli Martin.
Parmi les investisseurs qui ont un conseiller, on constate des niveaux de satisfaction plus ou moins semblables chez les détenteurs des deux types de structures de fonds. Ainsi, de ceux qui se sont dits satisfaits ou totalement satisfaits de leur conseiller, 81 % étaient des investisseurs en fonds communs, et – pourcentage plus fort –, 91 % détenaient des FNB. « Les investisseurs en fonds communs et les investisseurs en FNB démontrent des degrés de confiance très élevés dans le conseil qu’ils reçoivent, dit Ian Bragg, directeur, Recherche et statistiques, à l’IFIC. De plus, les investisseurs en FNB et les investisseurs en fonds communs attribuent une valeur quasi aussi importante à leur conseiller. »
Toutefois, les investisseurs en FNB étaient beaucoup plus susceptibles d’être des investisseurs autonomes que les investisseurs en fonds communs, et moins susceptibles de reconnaître la valeur de leur conseiller. « La façon dont ils font l’acquisition de leurs produits est une des principales différences [entre ces deux types d’investisseurs] », dit Ian Bragg. L’un des résultats du sondage qu’il a noté montre que 80 % des plus récents achats de fonds communs étaient faits par l’intermédiaire de conseillers, alors que seulement 46 % des achats de FNB étaient faits par l’intermédiaire de conseillers. Le groupe des investisseurs autonomes a également tendance à posséder plus de connaissances en investissement et à faire davantage confiance à l’utilisation du courtage en ligne.
Bien que les méthodes de livraison électronique soient de plus en plus acceptées, le sondage a indiqué que les conseillers en placement en ligne, également connus sous l’appellation robots-conseillers, ne sont pas largement acceptés. Seulement 18 % des investisseurs en FNB et 16 % des investisseurs en fonds communs ont dit à Pollara qu’ils étaient susceptibles ou très susceptibles d’utiliser un robot-conseiller.
Néanmoins, ce faible niveau d’acceptation laisse entendre que la part de marché des robots-conseillers poursuivra sa croissance. À la mi-2019, les actifs sous gestion du robot-conseil au Canada totalisaient 5,9 G$, soit une hausse de 88 % par rapport à l’année précédente, selon le rapport « Fintech Advisory Service » publié par Investor Economics.
La popularité croissante des FNB a mené la plupart des principales sociétés de fonds, et de nombreuses sociétés de fonds moins importantes, à offrir des choix entre les deux structures. Manufacturiers de FNB et manufacturiers de fonds communs, c’est de plus en plus du pareil au même. Ainsi, en décembre 2019, selon l’IFIC, 28 manufacturiers de fonds communs offraient également des FNB.
Placements iA Clarington, de Toronto, est l’une des sociétés de fonds qui a récemment développé son offre de FNB. Elle a créé des séries en FNB à partir de trois de ses fonds communs – les séries en FNB ayant le même actif sous-jacent que les autres séries de fonds communs – en octobre 2018, et en a ajouté trois de plus en novembre 2019.
« Si elle ne l’a pas encore fait, presque chaque société de fonds importante va dire : “Pourquoi voudrait-on fermer la porte à l’investisseur en FNB ?”, dit Adam Elliott, vice-président principal et directeur national des ventes chez Placements iA Clarington. Ce n’est pas un choix à faire entre deux possibilités qui s’excluent. Ceci peut nous rendre accessibles aux deux types de clients. »
L’opinion du client prend davantage d’importance ces dernières années, dit Adam Elliott, ce qui concorde avec les résultats du sondage de Pollara. « Nous avions l’habitude d’entendre les conseillers dire souvent : “Mon client se tourne vers moi pour que je lui fasse des recommandations en matière de placement, alors c’est moi qui tiens le volant”, dit-il. Mais nous entendons de plus en plus souvent, particulièrement de la part des investisseurs en FNB, qu’une grande partie de l’activité est axée sur le client et que celui-ci dit : “Je veux des FNB” et tout aussi souvent : “Je ne veux pas de fonds communs”. »
Le rapport sur les ventes de fonds d’investissement de l’IFIC 2019, confirme que les ventes nettes de FNB ont dépassé les ventes nettes de fonds communs pour la deuxième année de suite, et ce, avec une marge considérable. En effet, selon ce rapport, les ventes nettes de fonds communs de placement ont atteint 16,9 G$ en 2019, et les ventes nettes de FNB ont atteint 27,9 G$. Après 2008, 2009 et 2018, l’année 2019 a été la quatrième année civile où les ventes nettes de FNB ont dépassé celles de fonds communs de placement.
Un des défis pour les conseillers vient du fait que les périodes de détention des FNB peuvent être plus courtes que celles des fonds communs, puisqu’il n’existe aucun effet dissuasif significatif aux transactions fréquentes. À la différence des fonds communs, il n’y a pas de frais pour les opérations à court terme avec les FNB. « Si nos activités en FNB continuent à s’effectuer principalement par l’intermédiaire des conseillers, espérons que les conseillers insisteront sur le fait que négocier fréquemment des titres, des FNB ou des actions n’est généralement pas judicieux », dit Adam Elliott.
L’augmentation du choix de structures de produits dans le secteur des fonds de détail ne se limite pas exclusivement à la création de FNB. Evolve Funds Group, de Toronto, qui a fait son entrée dans le marché des FNB en septembre 2017, a lancé la première série de fonds communs de ses fonds en avril 2019.
« Personnellement, je crois que l’avenir appartient aux FNB, dit Raj Lala, président et chef de la direction d’Evolve Funds Group. Mais nous avons créé une catégorie de fonds communs, parce que nous voulons permettre aux gens d’accéder à la structure avec laquelle ils sont beaucoup plus à l’aise. » Tout en remarquant que la plupart des courtiers en fonds communs de placement ne peuvent pas vendre des FNB, Raj Lala affirme que certains courtiers en valeurs mobilières préfèrent utiliser les fonds communs parce qu’ils n’aiment pas composer avec les écarts entre le cours acheteur et le cours vendeur et que leurs clients n’ont pas besoin de liquidité d’échange intrajournalière.
En offrant le choix entre les structures de fonds, dit Raj Lala, les sociétés doivent assurer que les frais de gestion des parts de fonds communs à honoraires ne sont pas plus élevés que ceux des parts de FNB. « La plupart des courtiers n’approuveraient même pas les fonds communs s’il existait une catégorie de FNB qui facturait des frais plus bas que les fonds communs [de catégorie F]. »