Les chiffres au Québec le confirment. Une comparaison faite par Finance et Investissement entre les primes de rentes engrangées par l’industrie de l’assurance en 2021 et 2022 montre une hausse annuelle de 17,7%. Sur les six principales catégories de produits recensées dans le Rapport Annuel 2022 sur les institutions financières et les agents d’évaluation du crédit de l’AMF, les rentes sont la catégorie qui a connu la plus forte croissance.
Les niveaux de revenu varient peu entre assureurs
Les revenus qu’un retraité peut espérer recueillir sont à des niveaux qu’on n’a pas vus depuis longtemps, affirme Spencer Look, directeur au Morningstar Center of retirement and policy studies, à Chicago. Au début de novembre, par exemple, contre un capital de 500 000$, un retraité pouvait recevoir de la part de Sun Life une rente annuelle de 35 496$, soit 2 958$ par mois. Une telle rente s’applique à un homme de 65 ans qui souscrit à une rente garantie de 15 ans, non réversible, à partir d’argent non enregistré. Un client de 75 ans présentant un profil équivalent recevrait 3 497$ par mois.
Ces montants peuvent varier d’un assureur à l’autre, « mais les différences sont minimes; le facteur décisif tient souvent à une préférence pour un assureur ou un autre » soutient Joël Drouin, planificateur financier dont la firme Cabinet-Conseils Drouin & Robert est affiliée à SFL Placements.
Un calcul rapide peut laisser croire que si un capital de 500 000$ livre un revenu de 35 496$, cela correspond à un rendement de 7%. Mais un tel calcul est naïf, car il faut se rappeler un aspect crucial de la rente viagère : le rentier donne son argent à un assureur, qui le dépose dans ses réserves générales. Il ne s’agit pas d’un investissement dans un fonds distinct ou autre dont l’assureur est fiduciaire et qui donne un rendement variable.
Dans cette logique, on parle plutôt d’un rendement de 4,4% jusqu’à la fin de la garantie, précise Jean-François Dufour, planificateur financier chez Sun Life « car on décaisse le capital, donc on réduit le rendement » au fil des ans. Par contre, la longévité d’un retraité peut changer ce rendement. « Si le client de 65 ans survit à la garantie et meurt à 95 ans, son taux de rendement vient de monter à 7% ou 8% », précise Joël Drouin.
Catégories de rentes
Le cas du rentier de 65 ans exposé plus haut englobe plusieurs sous-catégories de rentes dont il faut décrire les différences.
Une rente viagère tient d’office pour la durée de la vie du client. Celui-ci reçoit son revenu jusqu’à ce qu’il décède.
Les garanties. – Une rente peut être garantie ou non, et le terme de cette garantie va varier en général de 10 à 20 ans. Une rente sans garantie est l’exception, fait valoir Jean-François Dufour. « Si le client décède après avoir récolté sa rente pendant seulement deux ans, il en aura reçu seulement une fraction et sa succession perdra tout le capital. Avec une garantie de 15 ans, s’il décède après deux ans, l’assureur est tenu de continuer de verser la rente. Plus souvent, il le fera en émettant un chèque total du solde. »
Réversibilité. – Une rente réversible prévoit le transfert des rentes à un bénéficiaire, plus souvent le conjoint. Non-réversible, une rente cessera avec le décès du titulaire. Évidemment, l’ajout d’un bénéficiaire ajoute un niveau de risque qui abaissera inévitablement le montant de la rente.
Indexation. – Une rente peut être indexée selon un taux d’inflation anticipé. Son coût peut être significatif. En intégrant une indexation annuelle de 2%, la rente mensuelle originale de 2 958$ tombe à 2 416$; à 4%, elle ne donne que 1 928$.
Rente prescrite ou non. – La provenance du capital original fait une grande différence au plan fiscal. Dans l’exemple actuel, où les actifs étaient non-enregistrés, la rente est alors prescrite, de telle sorte que la portion intérêts est répartie également sur toute la durée de la rente à raison de 11 578$, et c’est uniquement sur cette portion que le rentier est imposé. Le reste de son revenu est considéré comme un remboursement de capital.
Si la rente est non-prescrite, le niveau de revenu demeure le même à 35 496$, mais la part d’intérêt s’établit au départ à environ 23 000 et décline progressivement à environ 13 000$ en 2041 avec le capital qui diminue. Prescrite ou non-prescrite, cela correspond à la fable de la cigale et de la fourmi, illustre Joël Drouin. La première donne plus de revenu au début avec lequel on peut « faire la fête », la seconde réserve plus de revenus plus tard à un âge où les besoins en soins de santé, par exemple, peuvent être plus importants.
Rente différée. – Le rentier bloque d’avance le moment où il commencera à recevoir sa rente, confiant d’avance son argent à l’assureur. Le délai est habituellement de deux ans, mais peut s’étendre jusqu’à cinq.
À qui s’adresse la rente viagère?
Les rentes visent un large registre de personnes, cependant « elles sont généralement plus appropriées pour des gens en bonne santé qui peuvent espérer une longévité étendue, précise Spencer Look. La rente réduit le risque de longévité. »
Évidemment, il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Jean-François Dufour propose d’acquérir une rente qui va couvrir en tout ou en partie les dépenses de base récurrentes (loyer, chauffage, impôt et taxes, nourriture, etc.). Puisque la rente prend ainsi en charge le fondamental et contribue à sécuriser le retraité, celui-ci peut allouer ses autres sources de revenu à des dépenses variables de loisir et de voyage.
Selon Spencer Look, une rente peut très bien remplacer une grande part des obligations dans un portefeuille. « On peut ainsi réserver une bonne partie du portefeuille à des investissements plus axés sur la croissance. » Un bon moment pour acquérir une rente est celui où on reçoit une importante entrée d’argent, par exemple quand on vend sa maison principale pour aller vivre en résidence.