Faites une recherche en ligne avec l’acronyme « ESG » et vous obtiendrez des résultats d’une richesse embarrassante. Des résultats étonnants sur le plan du volume et en constante augmentation, car l’appétit des investisseurs pour ce sujet ne cesse de croître.
La variété des résultats obtenus témoigne de la complexité du sujet et de la mobilisation passionnée d’une foule de participants sectoriels, des agences de notation aux cabinets d’avocats en passant par les firmes d’experts-conseils. Il peut s’agir de documents d’introduction, d’une couverture médiatique d’un secteur professionnel ou encore de « documents de réflexion » complexes sur une politique.
Outre qu’ils sont compliqués et nuancés, les schémas et critères d’évaluation, la terminologie ainsi que les paramètres et les attributs qui définissent ce qui constitue ou non un véritable placement lié aux enjeux ESG font l’objet de débats. Certains font valoir que cette abondance et cette diversité sont souhaitables parce qu’elles permettent de recenser une gamme d’attributs propres aux enjeux ESG. D’autres critiquent la multitude des normes qui, selon eux, sont contradictoires, diluent les perceptions de la crédibilité des enjeux ESG et sèment la confusion dans la prise de décisions : lesquelles font vraiment autorité?
Des critères d’exclusion (négatifs) et d’inclusion (fondés sur des normes/positifs) sont notamment utilisés pour déterminer ce qui constitue un placement axé sur les enjeux ESG. La façon dont les caractéristiques environnementales (E), sociales (S) et de gouvernance (G) d’une entreprise ou d’un placement sont soupesées, intégrées dans un système de notation et présentées (notation, nombre, etc.) varie également d’une organisation de notation à l’autre. Selon la source, les placements socialement responsables, les placements thématiques et les placements à impact (qui représentent des objectifs qui dépassent la préoccupation première des enjeux ESG liés à l’évaluation de la valeur, et non des valeurs) peuvent être amalgamés, ce qui vient brouiller les cartes.
Du point de vue de l’Association canadienne des fonds négociés en Bourse (ACFNB), ce qui manque ce sont une reddition de comptes et une divulgation ESG harmonisées à l’échelle mondiale – cohérentes et valables à tous les égards principaux – auxquels les conseillers peuvent faire confiance pour guider leurs clients en matière de placements ESG. Le besoin est criant.
KPMG peut recenser une trentaine de fournisseurs importants de données sur les enjeux ESG dans le monde, mais « comme il n’existe aucune méthode unique et acceptée pour établir les notes ESG, il est fréquent que les agences de notation évaluent de façon très différente une même entreprise… ». Selon un article paru dans la publication Economist Intelligence Unit (EIU) en juin dernier, environ 600 entreprises s’estiment en mesure de dire ce qui est « vert ». En l’absence d’une « taxonomie globale » permettant de circonscrire ce terme, cependant, l’article de l’EIU souligne que les enjeux ESG favorisent « l’écoblanchiment » et que la multiplication des données n’arrange pas les choses.
En juillet dernier, dans son rapport de recherche thématique sur les FNB, la Banque Nationale du Canada a indiqué que 50 FNB canadiens axés sur les ESG se partageaient un actif géré de plus de deux milliards de dollars et que les apports de capital de ces fonds n’avaient cessé d’augmenter au cours des dernières années. En raison des différentes méthodologies préconisées, « la note relative aux enjeux ESG accordée à une entreprise donnée peut varier considérablement d’une agence à l’autre ». En outre, fait important pour les investisseurs en FNB, « les disparités au chapitre de la notation relative aux enjeux ESG accordée par les différentes agences donnent lieu à différentes compositions d’actif des portefeuilles ».
Quelle est la position des conseillers à l’égard des placements ESG?
Les recherches réalisées pour l’ACFNB par Credo Consulting au printemps de 2020 donnent à penser que les conseillers en placements n’ont encore qu’une connaissance limitée des enjeux ESG et qu’ils affectent une attitude attentiste face aux produits. Selon les données de Credo, 10 % des investisseurs conseillés détiennent des FNB axés sur les enjeux ESG. Rien n’indique encore que les conseillers se soient engagés de façon générale à l’égard de cette catégorie ou qu’ils en fassent la promotion. Par contre, ils sont attentifs.
Les comptes rendus exhaustifs des conseillers indiquent que la sensibilisation aux enjeux ESG est une tendance à surveiller, mais ils traduisent également un certain scepticisme lié à l’« écoblanchiment » qui « donne bonne conscience, mais qui n’a en fin de compte que peu d’incidence ».
Si on veut inciter un plus grand nombre de conseillers à adopter les placements sympathiques aux enjeux ESG, il faudra mettre davantage l’accent sur la formation et le perfectionnement professionnel. L’ACFNB appuie ce processus. D’autres organismes, comme la CFA Society Toronto, offrent des programmes de formation ou d’attestation destinés à l’avaliser. Par conséquent, si « l’intégration de rapports cohérents et financiers sur les enjeux ESG demeure un chantier en constante évolution », comme l’a observé l’OCDE dans le cadre d’un important examen réalisé l’année dernière, les travaux sur ce sujet s’intensifient.
En fait, la production de données harmonisées et uniformes sur les enjeux ESG pourrait se trouver actuellement à un point de bascule. Le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) continue de fournir son apport important. Entre-temps, des dirigeants du secteur, dont l’Investment Company Institute (ICI) et l’Institute for International Finance, présentent des demandes en ce sens. Selon le Globe and Mail, en novembre, les dirigeants des huit plus grandes caisses de retraite canadiennes ont lancé un appel conjoint pour que les sociétés améliorent leurs divulgations « en présentant des données normalisées ».
Au printemps de 2021, la CFA Institute publiera les résultats d’une consultation qui « permettra d’établir pour la première fois un cadre provisoire régissant le recours à des normes de déclaration ESG claires spécifiquement applicables aux produits de placement, pour que les investisseurs puissent se faire une idée exacte de ce qu’ils obtiennent », a déclaré Sue Lemon, chef de la direction de la CFA Society Toronto.
« Les normes de divulgation que l’Institut élabore à l’égard des placements ESG, à partir de la terminologie existante du PRI des Nations Unies et du Global Risk Institute, permettront d’offrir un soutien aux investisseurs dans les FNB et à leurs conseillers. Nous nous attendons à ce que leur élaboration soit achevée d’ici l’automne 2021. »
Les défis à relever pour parvenir à un consensus sont réels et ne seront pas facilement surmontés malgré la volonté croissante de s’y attaquer. Cependant, une démarche concertée visant à concevoir et à adopter une reddition de compte et une divulgation harmonisées et acceptées à l’échelle mondiale reste utile et l’ACFNB peut envisager des progrès en ce sens. Les conseillers et leurs clients ne peuvent que bénéficier de ces efforts et de leurs résultats.
* texte rédigé par Patricia Dunwoody, directrice générale de l’ACFNB