La popularité grandissante des fonds négociés en Bourse (FNB) dérange quelque peu le statu quo et ne fait pas l’affaire de tous. Au fil des années, en effet, les FNB se sont attiré des critiques parfois virulentes et rarement justifiées par différents acteurs de l’industrie. Nous avons dit à plusieurs reprises que les FNB indiciels ne représentent pas moins qu’un changement de paradigme dans l’industrie. Ce changement ne fait pas l’affaire de tout le monde.
Les manufacturiers de fonds communs de placement, par exemple, ont été les premiers à s’en prendre aux FNB. Or, voilà qu’après avoir essayé pendant 10 ans de les discréditer avec des histoires d’horreur, ces émetteurs de fonds se bousculent pour offrir leurs propres FNB.
Ces critiques ne datent pas d’hier, et tous ont été efficacement déboulonnées il y a plusieurs années déjà. Cependant, pour des raisons qui laissent perplexe, ces scénarios farfelus refont surface de temps à autre. Certains gestionnaires américains de grande renommée ont même comparé l’utilisation des FNB indiciels au communisme!
D’autres gestionnaires de portefeuille prétendent que s’ils sont incapables de battre la bourse, c’est parce que la popularité de la gestion indicielle détraque les marchés. Ils ne mentionnent évidemment pas qu’ils n’ont jamais réussi à battre la bourse de manière fiable et constante, même bien avant l’apparition du premier FNB… C’est d’ailleurs ce manque de fiabilité qui a motivé la création des fonds indiciels!
Un des scénarios non fondés qui circule depuis longtemps est que les FNB indiciels achètent tous les mêmes titres boursiers, et que leur popularité risquerait éventuellement de créer une bulle spéculative. Certains de ces mêmes détracteurs prétendent que les FNB indiciels seront la cause de la prochaine correction des marchés.
Les FNB peuvent-ils créer une bulle qui risque d’éclater un jour? La réponse, sans équivoque, est non.
Voici les raisons pour lesquelles un tel scénario ne pourrait se produire.
Les FNB sont très loin d’avoir le poids nécessaire pour influencer les marchés
Les FNB ne représentent que 1,9 % et 6,1 % des capitalisations boursières canadienne et américaine respectivement. Si l’on ajoute à ceci les fonds communs indiciels ainsi que la proportion des capitaux institutionnels gérés de manière indicielle, la proportion totale que représente la gestion indicielle est de 8,3 % au Canada, et de 23,6 % aux États-Unis. (Blackrock, juin 2017)
En date du mois d’août 2019, il y a 2 270 milliards de dollars américains (G$US) d’investis en FNB d’actions américaines tandis que la valeur en dollars de la bourse américaine est de 30 000 G$. L’actif en FNB ne représente donc que 7,5 % du marché.
Avec une si petite proportion du marché comparativement à la gestion active, les FNB ne peuvent simplement pas avoir l’impact mis de l’avant par certains détracteurs.
Pour une analyse détaillée sur le poids réel des FNB dans les marchés boursiers, l’article intitulé « Debunking the Silly “Passive is a Bubble” Myth » de Ben Carlson est excellent.
Les FNB indiciels donnent accès à une grande variété d’indices boursiers, d’obligations, et autres catégories d’actifs
Certains articles qui mettent en garde contre une bulle causée par les FNB font complètement abstraction de tous ces FNB offerts qui ne suivent aucunement un indice boursier à grande capitalisation.
Du côté des FNB boursiers, il y a une énorme variété de FNB qui suivent la progression de secteurs spécifiques, d’actions à dividendes, d’actions avec des caractéristiques recherchées par les investisseurs de type valeur (value investors), de petites et moyennes capitalisations, d’entreprises ayant une bonne gouvernance, etc.
De plus, il y a tous ces FNB qui permettent de participer aux différents types d’obligations : des obligations de sociétés aux obligations gouvernementales en passant par les titres à revenu fixe de courte à longue échéance. Il y a aussi des FNB qui suivent les sociétés immobilières, l’or et d’autres actifs encore.
Ne pas oublier qu’il y a aussi des vendeurs de FNB
La thèse de la bulle nous dit que les FNB indiciels créent des bulles dans certains titres, car étant donné que la composition de l’indice est fixe, le « gestionnaire » n’a pas le choix de les acheter. On insinue par cette logique que personne n’a maintenant le droit de vendre ces titres, et qu’une spirale d’achats incessante ferait monter leurs prix dans la stratosphère.
Bizarrement, cette thèse fait complètement abstraction du fait que les FNB se négocient quotidiennement sur la Bourse. Évidemment pour négocier, il faut plus que des acheteurs… il faut aussi des vendeurs!
Le vendeur peut être un gestionnaire qui veut cristalliser une partie de ses profits en vendant une partie de sa position, comme nous le faisons avec nos opérations de rééquilibrages. Il peut être un investisseur qui a besoin de fonds pour l’achat d’une voiture, pour se payer un voyage, ou tout autre bonne raison qui n’a rien à voir avec la bourse.
C’est à ce niveau que le « price discovery » a lieu. L’investisseur, qui détient un FNB, qui calque l’indice S&P 500 et qui considère que les marchés sont devenus trop chers, peut tout simplement vendre sa position en tout ou en partie. Il peut, avec le produit de la vente, investir en obligations, dans l’or, en immobilier, etc. Chose certaine, il n’est pas pris dans une spirale sans fin hors de son contrôle.
Fonds communs de placement n’égale pas gestion active
Tout cet argent qui fait augmenter sans cesse les actifs sous gestion des FNB ne tombe pas du ciel. Il provient notamment de l’actif en fonds commun que les investisseurs abandonnent de plus en faveur des FNB, attirés par leur faible coût.
L’hypothèse au cœur de l’argument de la création d’une bulle créée par les FNB est celle d’un exode hors des fonds communs gérés très activement par des gestionnaires qui sélectionnent leurs titres sans se préoccuper des indices vers des FNB gérés de manière « passive qui s’en tiennent à calquer exactement la performance des indices ».
Or, voilà que depuis environ dix ans, une multitude de recherches ont établi un fait étonnant pour plusieurs: en réalité, la vaste majorité des fonds communs ne sont pas du tout gérés de manière active comme est leur prétention, mais tentent plutôt de ne pas trop s’éloigner de la performance de leur indice de référence. « Closet indexing » est le terme pour décrire cette pratique qui consiste, pour un portefeuilliste, à avoir une pondération semblable à celle de son indice de référence. Les études démontrent que la plupart des actifs gérés par les fonds communs soi-disant actifs sont en réalité gérés de manière indicielle. Étant donné la grande difficulté de « battre l’indice », et le risque à la réputation que représenterait un écart défavorable important par rapport à la performance de son indice, les émetteurs de fonds communs en sont venus à la conclusion que le « closet indexing » fait beaucoup plus de sens en termes de « business ». Pour lire un excellent article du Globe & Mail à ce sujet, suivre ce lien.
L’exode de l’actif investi en fonds commun vers les FNB ne constitue donc pas un changement de la gestion active pour de la gestion indicielle, mais en réalité d’un changement d’une gestion « quasi indicielle » pour une gestion explicitement indicielle. La composition en titres des fonds communs se rapproche énormément de la composition en titres des FNB. La migration d’actifs des FCP aux FNB ne devrait donc pas avoir d’incidences sur les Bourses.
Doit-on s’attendre à une correction de la bourse?
Une correction boursière est toujours possible, mais bien malin celui ou celle qui saura prédire quand exactement. Les corrections sont des périodes inévitables qui permettent aux marchés financiers de retrouver un niveau d’équilibre.
La théorie de la bulle manque la cible, qui est que la Bourse peut être volatile et imprévisible. Trop d’investisseurs ont la malheureuse tendance de se ruer vers la sortie tous en même temps et au mauvais moment lorsque les émotions prennent le dessus, qu’ils détiennent des FNB, des fonds communs ou des actions chez un courtier à escompte. La seule et meilleure protection contre les aléas de la Bourse est de rester bien diversifié et garder le cap.
Les marchés n’ont jamais eu besoin de FNB pour créer des bulles. Pensons aux corrections de 1987, 2001, 2002 et même 2008. Les FNB ne sont qu’un véhicule permettant aux participants du marché d’investir en se basant sur leurs croyances et leurs convictions.
Qu’en est-il de l’utilisation de produits dérivés et des stratégies à levier?
Nous sommes d’accord que les FNB à double et triple levier représentent un risque réel pour l’investisseur moyen. Leur comportement est très imprévisible étant donné leur rééquilibrage quotidien. Nous n’utilisons pas les FNB à levier ou les FNB basés sur des produits dérivés tels les contrats à terme de type swap et forwards. Notez par contre que les produits à levier ne représentent qu’une très petite proportion du marché de FNB.
Encore là, l’impact des produits à levier sur les marchés est discutable. Ces produits sont utilisés presque exclusivement par des « day traders » qui les achètent et les vendent plusieurs fois durant la journée, mais ne les conservent pas en fin de journée.
Il vaut mieux se fier à Warren Buffett…
En effet, l’Oracle d’Omaha a plus d’une fois recommandé aux investisseurs d’investir dans les FNB plutôt qu’en fonds communs qu’il trouve beaucoup trop dispendieux et dont la performance laisse à désirer. Pour lire un article sur le sujet, suivre ce lien.
En 2010 déjà, la revue Protégez-Vous recommandait à ses lecteurs d’opter pour les FNB plutôt que les fonds communs.
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