Qu'est-ce qui alimente la hausse du lingot?
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Une convergence de facteurs au cours de l’année écoulée a poussé le lingot d’or à passer de 1 100 $ à 1 330 $US l’once, et donné au passage un bon coup de fouet aux actions aurifères. Robert Cohen, un expert de longue date du secteur aurifère et vice-président de la firme torontoise Gestion d’actifs 1832, hésite à prédire quel sera le prix de l’or dans un an, mais il maintient que les conditions sont réunies pour propulser encore davantage le métal jaune.

« Nous avons observé un ensemble de facteurs qui augurent bien pour l’or, comme les craintes d’une dévaluation de la devise, la forte augmentation de la liquidité dans le monde, les politiques conciliantes des banques centrales et les taux d’intérêt négatifs dans de nombreux pays », dit M. Cohen, qui supervise le Fonds de métaux précieux Dynamique et la Catégorie aurifère stratégique Dynamique.

Durant la période de 12 mois terminée le 15 juillet, le premier fonds a affiché un rendement de 117,9 %, contre 32 % pour l’Indice aurifère mondial S&P/TSX. L’autre fonds, qui investit environ 30 % dans le lingot d’or, a enregistré une hausse de 65,6 % pendant la même période. M. Cohen gère le Fonds de métaux précieux Dynamique depuis janvier 2000, et la Catégorie aurifère stratégique Dynamique depuis son lancement en août 2009.

La hausse des cours aurifères tient aussi et surtout au fait que les investisseurs qui ont vendu 900 tonnes d’or par l’entremise de fonds négociés en bourse en 2013, année pendant laquelle le dollar américain s’est apprécié par rapport à de nombreuses devises, sont revenus en force.

Ce mouvement a été motivé en partie par les rendements réels négatifs des obligations souveraines dans des juridictions comme l’Allemagne, la Suisse et le Japon, qui font qu’il est plus attrayant de détenir de l’or. Même les États-Unis ont vu les rendements de l’indice des obligations de 10 ans chuter à 1,5 %, soit légèrement au-dessus de l’inflation.

« On a assisté à une réaction opposée de même ampleur en 2013. C’est un retournement complet dans la façon de penser », dit M. Cohen, un ingénieur des processus miniers et minéraux qui s’est joint en 1998 à Goodman & Cie Conseil en placement, firme qui est devenue 1832. « Pendant ce temps, l’Europe est ébranlée à cause du référendum sur le Brexit. Et les Européens et les Américains interviennent pour protéger le pouvoir d’achat de leurs devises ».

Un autre indicateur clé est le ratio or/argent, qui se maintient à un niveau stable. Avec l’argent à 20 $ l’once, le ratio est d’environ 66,25. « Il s’est situé entre 70 et 80, et il était probablement à 75 l’année dernière. Donc il redescend, mais toujours de l’autre côté de la moyenne », dit M. Cohen, ajoutant que la moyenne des 35 dernières années est de 55.

Pour ce qui est du choix des actions, M. Cohen s’est concentré sur les actions de moyenne capitalisation et les petites sociétés minières, et s’est détourné des géants comme la Société aurifère Barrick qui n’a pas le même mordant que des sociétés plus petites et plus souples. La forte reprise de certaines actions a fait que M. Cohen a dû augmenter sa participation au lingot dans la Catégorie aurifère stratégique Dynamique pour la maintenir à environ 30 %.

« Les actions progressaient plus vite que le prix du lingot, ce qui a changé la proportion de l’or. Si je laissais faire, elle s’approcherait de 20 %, dit M. Cohen, ajoutant que le fonds détient surtout des producteurs principaux et secondaires et moins de firmes de prospection que le Fonds de métaux précieux Dynamique.

L’un des avoirs représentatifs des deux fonds est Detour Gold Corp., dont le prix s’est décuplé depuis son achat. Detour exploite une mine à ciel ouvert dans le Nord de l’Ontario et produit environ 580 000 onces par an. « Au début, lorsque les cours aurifères étaient plus faibles, le marché craignait qu’elle ait des problèmes », dit M. Cohen. « Elle a connu de petits déboires au début mais s’en est sortie. Elle a aussi renégocié les termes de sa dette et des paiements de ses baux. »

Les parts de Detour Gold sont parties de près de 3 $ en novembre 2013 pour exploser jusqu’à 31,50 $. « Quand les choses vont mal dans les marchés aurifères, dit M. Cohen, on suppose que certaines des bonnes sociétés ne vont pas s’en sortir. » Au moment de l’effondrement des cours aurifères en 2013, « les gens pensaient que c’était la fin ». Mais Detour a l’avantage de détenir une mine susceptible de devenir très rentable. « C’est une situation où l’on avait une société de qualité et une bonne mine. »

Un autre des avoir préférés des deux fonds est Semafo Inc., qui produit environ 225 000 onces d’or au Burkina Faso en Afrique de l’Ouest. La production devrait passer à 400 000 onces d’ici 2019 avec la mise en service de nouvelles mines. Depuis la fin de 2013, le prix de l’action a augmenté de près de 300 %.

Semafo est sous-évaluée par rapport à ses pairs, dit M. Cohen, précisant que l’action se négociait à 94 % de sa valeur d’actifs net, comparativement à son groupe de pairs qui se négocie à un multiple de 120 %. « Une cible acceptable serait une prime de 10 à 20 % comparativement à la valeur d’actif net. Il y a encore de quoi en profiter. » En 2007, ajoute M. Cohen, le ratio cours/valeur nette de l’actif pour son groupe de pairs est allé jusqu’à 180 %.

Est-ce que l’histoire va se répéter? « Lorsque le vent tourne, il peut tourner très vite, réplique M. Cohen. N’essayez pas de synchroniser le marché. Vous devriez détenir de l’or à tout moment, au cas où il y aurait de la volatilité. L’or est la catégorie d’actifs la moins corrélée. » M. Cohen signale que le prix de l’or s’est apprécié considérablement au premier trimestre de 2009, les banques centrales ayant évité la crise financière. « À l’heure actuelle, l’augmentation de la liquidité à l’échelle mondiale et le Brexit, entre autres, génèreront un afflux de capitaux. Ce n’est pas une mauvaise chose pour l’ensemble du marché, et c’est une bonne chose pour l’or. »