Le portefeuille équilibré, composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations, qui est une valeur sûre pour les investisseurs à long terme, fait l’objet de critiques dans certains milieux, en raison des pertes enregistrées depuis le début de l’année et des sombres perspectives des marchés à revenu fixe.
Dans le secteur des fonds négociés en Bourse (FNB), les critiques les plus virulentes viennent des fournisseurs d’investissements alternatifs, notamment de Julian Klymochko, PDG et directeur des investissements d’Accelerate Financial Technologies Inc.
Le portefeuille 60-40, selon Julian Klymochko, a massivement bénéficié d’un marché haussier de 40 ans pour les obligations, la baisse des taux d’intérêt ayant poussé les prix des obligations à la hausse. Maintenant que cette tendance s’est inversée, ajoute-t-il, « une proportion de 40 % de titres à revenu fixe dans un contexte de hausse des taux est très dangereuse. »
En outre, le gestionnaire de fonds spéculatifs basé à Calgary estime que les obligations ne parviennent pas à fournir une diversification adéquate, notant que les marchés boursiers et obligataires sont en baisse pour les quatre premiers mois de l’année. « Les gens pensaient que les obligations diversifieraient leurs actions, mais cela a une limite, assure-t-il. En fait, les actions et les obligations sont maintenant positivement corrélées ».
La solution, comme le vantent Julian Klymochko et de nombreux autres promoteurs de fonds, repose sur des investissements dont les facteurs de rendement sont différents de ceux des classes d’actifs de base. C’est le cas des stratégies alternatives telles que les actions long-short (long terme, court terme) et l’arbitrage, des actifs tels que les métaux précieux, les matières premières et les cryptomonnaies, ainsi que le capital-investissement (private equity) et la dette privée.
Julian Klymochko propose de rogner les deux côtés du portefeuille 60-40 en faveur des placements alternatifs, de manière à viser éventuellement un ratio 50-30-20 ou 40-30-30. « Tant que la partie alternative demeure autour de 20 %, déclare-t-il, elle peut apporter plus de diversification dans le but d’améliorer les résultats des clients, et augmenter les rendements tout en réduisant les risques. »
Selon les préférences du client, le principe de diversification peut également s’appliquer à la partie alternative du portefeuille. Par exemple, le Accelerate OneChoice Alternative Portfolio ETF offre une exposition à dix types d’investissements alternatifs : long-short, arbitrage, bitcoin, or, immobilier, infrastructure, hypothèques, prêts à effet de levier, actions améliorées et parité des risques.
Pour les investisseurs axés sur le revenu, une des frustrations actuelles tient au fait que les rendements des titres à revenu fixe sont bien inférieurs à l’inflation, qui a augmenté de 6,7 % au cours de la période de 12 mois qui s’est terminée en mars.
Les perspectives pour les titres à revenu fixe devraient s’améliorer sur un horizon de dix ans, selon les lignes directrices sur les hypothèses de projection nouvellement mises à jour par FP Canada à l’intention des planificateurs financiers, en vigueur depuis le 30 avril. Selon ces directives, les plans financiers doivent prévoir des rendements de 2,8 % pour les titres à revenu fixe et un taux d’inflation de 2,1 %, ce qui est bien inférieur au niveau actuel. Ces directives ne tiennent pas compte des frais et des dépenses, de sorte que les rendements prévus pour les investisseurs sont encore plus faibles.
En raison des perspectives persistantes de faibles rendements des titres à revenu fixe, les investisseurs et leurs conseillers devraient repenser la combinaison 60-40, suggère également Paul MacDonald, directeur des placements et gestionnaire de portefeuille chez Harvest Portfolios Group à Oakville, en Ontario. Depuis le début de l’année, « il n’y a pas un seul FNB obligataire qui soit en territoire positif à un moment où vous voulez vraiment que cette partie de votre portefeuille fonctionne ».
Et même si les rendements obligataires augmentent, ils ne suivent pas l’inflation, ce qui entraîne des rendements réels négatifs. « Chaque personne a une réalité différente, commente Paul MacDonald. Mais je dirais que chacune compte sur son portefeuille pour obtenir un revenu et qu’il doit vraiment réfléchir à la façon dont elle va maintenir son pouvoir d’achat et être en mesure de générer un revenu à partir de ses investissements. »
La suggestion de Harvest consiste à se diversifier dans des FNB d’actions qui utilisent des options d’achat couvertes, ce qui représente la principale ligne de produits de sa famille de FNB, dont l’actif atteint 2,2 milliards de dollars (G$). En émettant des options d’achat couvertes sur certaines de leurs positions en actions, ces fonds génèrent des flux de trésorerie supérieurs à la moyenne tout en limitant les gains potentiels en cas de hausse des marchés boursiers.
Le Harvest Diversified Monthly Income ETF, lancé en février, est un nouveau FNB à appels couverts diversifié par secteur. Il détient des pondérations égales de cinq FNB Harvest à option d’achat couverte (cover call) qui fournissent une exposition à la technologie, aux soins de santé, aux banques américaines, aux services publics et aux « leaders de marque mondiaux ».
Parmi les autres fournisseurs de FNB qui offrent des options d’achat couvertes, citons BMO Investissements, CI Global Asset Management et Hamilton Capital Partners. Selon Paul MacDonald, ces types de stratégies « sont très intéressantes pour ceux qui n’ont pas peur de renoncer à une partie de la hausse pour obtenir un flux de trésorerie qui leur convient, et qui considèrent qu’un tient vaut mieux que deux tu l’auras ».
En raison des évaluations élevées des actions et de l’environnement actuel des obligations, les rendements annuels moyens d’environ 9 % d’un portefeuille 60-40 au cours de la dernière décennie ne pourront probablement pas être maintenus au cours des dix prochaines années, prédit Tim Huver, chef de la distribution chez Vanguard Investments Canada.
Le portefeuille équilibré de FNB Vanguard, dont l’actif est de 2,2 G$, avec sa combinaison 60-40 de FNB indiciels dans sept catégories d’actifs de base, a enregistré des rendements à deux chiffres pendant trois années civiles consécutives jusqu’en 2021. Mais au 30 avril, il avait perdu 9,3 % en 2022.
Les investisseurs doivent « réinitialiser » leurs attentes en fonction de ce que Vanguard perçoit comme des rendements plus modérés pour l’avenir, prévient Tim Huver. « Cependant, ces avantages clés du 60-40, la diversification, l’absorption du choc des obligations au sein de ce portefeuille par les actions, nous pensons qu’ils seront préservés sur le long terme. »
Tim Huver souligne la très large diversification du FNB Vanguard, qui a une exposition à plus de 25 000 titres, et des rendements corrigés du risque historiquement forts au fil du temps découlant d’une stratégie de base 60-40. « Si vous examinez certaines des classes d’actifs supplémentaires qui pourraient potentiellement être ajoutées, vous augmentez la complexité potentielle, la volatilité et potentiellement le coût. »
Tout en reconnaissant l’effet négatif de la hausse des taux d’intérêt sur les obligations, Tim Huver note qu’au fil du temps, la stratégie équilibrée de Vanguard détiendra des obligations qui paient des taux d’intérêt plus élevés, « ce qui, à long terme, devrait profiter aux investisseurs ».
La détention d’un portefeuille de base dans un produit 60-40 n’empêche pas non plus les investisseurs d’ajouter des classes d’actifs complémentaires à leur portefeuille, ajoute Tim Huver. « Pour les investisseurs qui ont un niveau de sophistication plus élevé ou qui sont plus à l’aise pour ajouter des pondérations tactiques supplémentaires à leur portefeuille, ils peuvent également le faire en dehors de ce produit particulier. »