Attendre à la dernière minute pour cotiser
L’erreur la plus fréquente est de cotiser ou de souscrire à un REER la veille de la date limite permise, fixée cette année au 29 février. « De cette manière, le client n’a pas le temps de s’informer ni d’analyser sa situation de manière à prendre les décisions les plus avantageuses pour lui », souligne Hélène Marquis, directrice régionale, Planification fiscale et successorale chez Gestion privée de patrimoine CIBC.
Ne pas considérer toutes ses options avant de cotiser
Un autre faux pas est de cotiser machinalement à un REER sans considérer les différentes solutions de placement. « Pourtant, un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) conviendrait peut-être mieux à leur situation, fait remarquer Daniel Laverdière, directeur principal, Planification financière et service-conseil chez Banque Nationale Gestion privée 1859. Quelqu’un qui a des jeunes enfants devrait aussi penser à profiter du régime enregistré d’épargne-études (REEE), poursuit-il. Et parfois il y a une quatrième option, celle de rembourser une dette importante aux intérêts élevés. » Sans oublier la possibilité d’une combinaison des différents régimes.
Ne pas étaler ses déductions dans le temps
Déduire annuellement de ses impôts le montant total permis par sa cotisation REER est une autre maladresse fréquente. « Il n’y a rien qui nous oblige à tout déduire la même année », rappelle Guylaine Dufresne, directrice principale, Investissement et Planification financière à la Banque Laurentienne et planificatrice financière.
« Si des gens ont des revenus plus bas pour une période temporaire – parce qu’ils sont sur le chômage ou qu’ils reçoivent des prestations d’invalidité -, ils peuvent quand même cotiser à leur REER et utiliser leurs déductions plus tard, quand leur revenu sera plus élevé, explique-t-elle. Leur taux d’imposition le sera aussi, donc l’économie d’impôts sera meilleure. » Les déductions sont reportables à vie.
Utiliser son REER comme compte d’épargne ou fonds d’urgence
Certains sont tentés de prélever des sommes de leur REER pour d’autres fins que leurs vieux jours, souvent sans réfléchir aux conséquences. « Beaucoup de gens qui voient l’âge de leur retraite repoussé vont faire des retraits parce qu’ils veulent profiter de la vie maintenant, explique Guylaine Dufresne. Sauf qu’en retirant de l’argent pour faire un voyage ou s’acheter une voiture, ils paient de l’impôt sur ces sommes et gaspillent des droits de cotisations qu’ils ne pourront pas récupérer. »
« C’est important de regarder l’impact fiscal d’un retrait, mais si c’est une année où le client a perdu son travail et n’a pas beaucoup de revenus, peut-être que cela ne fera pas trop mal, nuance Daniel Laverdière. Le REER est un montant accessible, mais ce n’est pas toujours pertinent de le retirer. Le CELI est un bien meilleur outil pour gérer les imprévus, parce que la somme prélevée redevient une cotisation permise l’année suivante. »
Ne pas utiliser le RAP ou le REEP
À l’inverse, certains clients admissibles ne tirent pas avantage du régime d’accession à la propriété (RAP) ou du régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP), les seuls programmes qui permettent de prélever de l’argent d’un REER et de le rembourser par la suite.
« C’est une question de calcul, affirme Hélène Marquis. Surtout dans le contexte actuel, avec des taux d’intérêt qui frisent le 0 %, peut-être est-il plus intéressant d’utiliser son REER pour faire une mise de fonds sur sa première résidence, parce que de toute façon, la perte de rendement dans le REER ne sera pas si astronomique que ça. »
« Il faut utiliser ces deux régimes-là de façon réfléchie, ajoute Guylaine Dufresne. Dans le cas du REEP, il faut se demander si le fait de retourner aux études va améliorer son revenu futur. Si ce n’est pas le cas, celles-ci vont me coûter beaucoup de rendement pendant dix ou douze ans et ne m’apporteront rien ; mais si c’est pour obtenir une promotion ou changer de domaine pour un qui sera plus payant, il se peut que ça vaille la peine. »
Ne pas cotiser chaque année
Après une année de grosses dépenses ou une perte d’emploi, il peut être tentant de « passer son tour » et de ne pas ajouter d’argent neuf dans son REER. « Même si on est obligé de diminuer le montant, il faut quand même cotiser, car c’est le temps et la discipline qui vont faire la différence, déclare Guylaine Dufresne. Passer une année sous prétexte qu’on a acheté une maison, changé de voiture ou fait creuser une piscine aura un impact majeur au bout de quinze ou vingt ans, parce que ce sont des sommes qui n’auront pas « travaillé ». »
Si aucun fonds n’est disponible au moment voulu, la planificatrice estime qu’il serait avantageux de contracter un prêt REER ou une marge de crédit REER. Les deux autres experts sont d’accord avec cette stratégie, mais à certaines conditions. « Il ne faut pas oublier que lorsqu’on emprunte pour cotiser dans un REER, nos frais d’intérêt ne sont pas déductibles d’impôts, tout comme les pertes réalisées dans son REER au cours d’une mauvaise année », note Hélène Marquis.
« Pour qu’un prêt REER ait un peu de sens, il ne faudraipas que son remboursement s’étire sur une longue période, poursuit Daniel Laverdière. Et ce type de prêt ne nous fait avancer que dans la mesure où le REER génère plus que le taux d’emprunt. »
Ne pas pratiquer l’épargne systématique
Si un client en est à envisager un prêt REER, son conseiller devrait avant tout discuter de son budget avec lui, souligne M. Laverdière. « S’il n’a pas été capable d’épargner pour un REER, c’est que son budget est pas mal serré. S’il fait un emprunt REER, il devra le rembourser l’an prochain, et pour y arriver, il faudrait que quelque chose change. »
Guylaine Dufresne insiste sur l’importance de créer une habitude d’épargne systématique le plus rapidement possible. « Il faut faire l’éducation de nos clients et leur expliquer que se payer une retraite, c’est comme se payer une maison, illustre-t-elle. Nous n’attendons pas au mois de janvier pour faire les paiements d’hypothèque de l’année précédente. Si un client veut se payer une retraite, il devra cotiser à son REER chaque mois ou chaque semaine, puis arriver en janvier-février avec seulement quelques petits ajustements. »
Ne pas revoir sa planification REER chaque année
Finalement, la planification élaborée avec soin l’an dernier n’est plus forcément la plus avantageuse aujourd’hui. « Le REER est une création de la fiscalité, qui est fréquemment modifiée, rappelle Hélène Marquis. Donc il faut revoir ses choix de produits enregistrés chaque année, mais pas nécessairement en janvier ou en février. Il est aussi important de s’adapter aux différentes étapes de la vie : payer ses dettes d’études, acheter une maison, avoir des enfants, payer leurs études, puis finalement planifier sa retraite. Chacune de ces étapes fait évoluer la manière de faire ses placements. »
En définitive, les REER sont « une super belle invention pour la majorité des gens », résume Guylaine Dufresne . « Ça ne demande pas tant d’efforts que ça si on commence tôt. Les clients qui ont été très disciplinés ont des REER qui valent maintenant plus d’un million de dollars, donc ça leur fait des revenus intéressants pour la retraite. »