Le contexte actuel des bas taux d’intérêt et de l’intervention des banques centrales favorise de sortir des sentiers battus au chapitre du revenu fixe si l’on veut obtenir un certain rendement. Plus que jamais, il sera important de bien évaluer les risques et se positionner adéquatement pour la pondération en titres à revenu fixe dans le portefeuille des clients.
C’est l’un des constats qui se dégage d’un panel sur les perspectives du marché de ces titres présenté lors du Virtual ETF economic forum, organisé par BMO Gestion mondiale d’actifs, mercredi.
L’année 2020 a fait vivre au marché du revenu fixe de vraies montagnes russes, celui-ci passant de l’aversion pour le risque lors de la première moitié de l’année, à l’appétit pour le risque dans la seconde moitié. À titre d’exemple, les obligations fédérales à durations moyenne et longue ont généré les meilleurs rendements parmi les titres à revenu fixe durant la première moitié de 2020, mais les pires durant la seconde, selon des données de FTSE.
Au chapitre des obligations d’entreprises, les écarts de crédit ont bondi dans la première moitié de l’année. Toutefois, les achats de titres à revenu fixe par la Banque du Canada ont redonné confiance à ce marché faisant diminuer les rendements des obligations de société.
Rappelons que le prix des obligations et leur rendement évoluent en sens inverse. Lorsque les rendements augmentent et les écarts de crédit se creusent, les prix des obligations baissent et vice-versa.
Les écarts de crédit actuels sont très faibles et même, pour les sociétés du secteur financier, à des niveaux inférieurs à ceux d’avant la crise de la COVID-19, d’après les données de FTSE Russell/Refinitiv, présentées lors du forum virtuel. Or, la proportion des titres de sociétés notés BBB ou moins est à son plus haut niveau depuis décembre 2006, entre autres parce que les entreprises du secteur de l’énergie sont majoritairement notées de la sorte.
« Le vrai risque est que les écarts de crédit actuels sont près d’une valorisation parfaite. Si la COVID fait émerger une nouvelle normale avec une contraction structurelle de certains secteurs et des changements pour de bons dans les façons de travailler, de se déplacer, de faire des congrès, ce risque devra être géré par les investisseurs à l’avenir », a indiqué Marina Mets, chef des Amériques, Gestion de titres à revenu fixe et de produits multi actifs chez FTSE Russell.
Le fait que les obligations soient chères rend ainsi la quête de rendement difficile dans ce secteur. Or, les panélistes ont identifié quelques occasions malgré tout. En voici un résumé.
Dans de nombreux secteurs, les écarts de taux sont revenus à leurs niveaux antérieurs à la COVID-19. Les obligations à rendement élevé et les obligations provinciales sont déjà près de leurs écarts antérieurs les plus étroits ou sont passées sous ce seuil, selon Alfred Lee, directeur général, directeur de portefeuille et stratège – Fonds négociés en Bourse, BMO Gestion d’actifs.
Les écarts de taux des marchés émergents de l’indice CDX s’établissent actuellement à 170 points de base (pb), mais ils ont atteint 110 pb dans le passé, ce qui signale de meilleures occasions dans les obligations des marchés émergents, selon lui.
Il ajoute que « de nombreux pays émergents ont été plus circonspects dans l’expansion de leur bilan et disposent donc d’une plus grande marge de manœuvre pour stimuler la croissance », lit-on dans un résumé de ses propos. Il invite les conseillers à jeter un œil du côté du FINB BMO obligations de marchés émergents (ZEF).
De plus, les conseillers qui souhaitent profiter de la corrélation inverse entre les actions sur S&P 500 et les obligations à long terme du gouvernement américain peuvent s’intéresser au FINB BMO obligations du Trésor américain à long terme (ZTL), d’après Alfred Lee.
« Les obligations à long terme du Trésor américain peuvent contribuer à atténuer la volatilité globale du portefeuille. Nous nous attendons aussi à ce que la Réserve fédérale américaine mette en œuvre une « opération Twist » qui finira éventuellement par aplatir la courbe des taux », lit-on dans un document qui résume ses propos.
L’économie pourrait connaître un rebond important à la suite d’un assouplissement des restrictions, notamment parce que les consommateurs sont prêts à dépenser dans le secteur des services, d’après Elmer Atagu, directeur en chef de la négociation de FNB à Marchés des capitaux CIBC.
« L’accélération de l’économie sera plus prononcée que prévu par les banques centrales, soit une croissance moyenne de 4 % en Amérique du Nord d’ici 2022. L’augmentation surprise de la croissance entraînera une révision à la hausse des prévisions de bénéfices par rapport à ce qui est actuellement pris en compte », lit-on dans un résumé de ses propos. Pour profiter de ce scénario optimiste, il note la présence du FINB BMO obligations de sociétés notées BBB (ZBBB), un secteur du marché du crédit où les écarts de taux sont les plus grands.
Selon Elmer Atagu, différents facteurs pourraient propulser l’inflation : l’emploi dans les secteurs où l’on verse de bons salaires s’est entièrement redressé, une grande partie de la population est en meilleure situation financière qu’avant la récession, la consommation de services différés (soins de santé, voyages, améliorations domiciliaires, etc.) se fera sans doute tout d’un coup.
« Le Canada et les États-Unis devraient se rapprocher du plein emploi avant la fin de 2022, soit un an plus tôt que ce que la Fed pense maintenant », peut-on lire dans un résumé de son avis. Selon lui, le plan de relance des États-Unis comprendra des dépenses d’aide directe et potentiellement une hausse du salaire minimum, ce qui contribuera à l’inflation, d’où l’idée de considérer les fonds suivants FINB BMO TIPS à court terme (ZTIP) et FNB d’obligations TIPS 0-5 ans iShares (STIP).
La normalisation de la courbe des taux obligataire au Canada et aux États-Unis devrait s’opérer à mesure que la croissance s’améliore et que la relance s’installe à coup de déficits massifs, s’attend Jimmy Karam, directeur général, négociation de FNB, chez BMO Marchés des capitaux.
Or, « la possibilité du maintien des politiques budgétaires expansionnistes augmente considérablement les attentes en matière d’offre, ce qui contribue en partie à l’accentuation de la courbe des taux. La courbe des rendements à 2 ans et à 10 ans peut s’accentuer fortement. Les échéances courtes devraient rester assez stables l’année prochaine (au moins) alors que les taux à 10 ans sont à la hausse », lit-on dans un résumé de sa thèse.
En raison de ce risque de perte en capital pour ce segment de titres à revenu fixe, il recommande à des clients de vendre les fonds suivants : FINB BMO obligations fédérales à moyen terme (ZFM), FNB indiciel d’obligations gouvernementales canadiennes (VGV) et FINB iShares obligations canadiennes de haute qualité (XQB). Toutefois, il suggère d’acheter le FINB BMO titres adossés à des créances hypothécaires canadiens (ZMBS). On y retrouve un rendement un peu plus élevé que les obligations traditionnelles du gouvernement du Canada et une possibilité de réduction des écarts de crédit pour ses titres.
Par ailleurs, Jimmy Karam anticipe un changement structurel dans l’offre du marché des actions privilégiées, lequel changement peut créer une pénurie d’actions privilégiées et ainsi une hausse de leur prix.
« Les changements réglementaires ont ouvert la voie à l’émission de titres de créance hybrides au Canada. Les émetteurs sont de plus en plus nombreux à choisir d’émettre des titres de créance hybrides pour remplacer les actions privilégiées, en raison de la structure du capital et du traitement fiscal avantageux. Ce mouvement a accéléré le rachat des actions privilégiées et réduit leur émission. La quête incessante de rendement, conjuguée à la pression exercée par l’insuffisance de l’offre, devrait pousser les prix à la hausse » des actions privilégiées, lit-on dans une note explicative de sa thèse d’investissement. C’est pourquoi il s’intéresse aux fonds suivants.
– FINB BMO échelonné d’actions privilégiées (ZPR)
– FNB iShares S&P/ TSX Actions privilégiées canadiennes (CPD)
– FNB actif d’actions privilégiées (HPR).
Le marché des actions privilégiées, relativement petit au Canada, reste complexe car il existe au moins cinq types différents d’actions privilégies, chacune ayant ses caractéristiques propres. Par ailleurs, ce marché a connu une crise en 2018, en 2015 et en 2008. Les deux dernières corrections importantes sont survenues respectivement en parallèle à la crise financière et au krach boursier chinois.
La perte de confiance dans les émetteurs de ces actions, ce qui a contribué à l’élargissement des écarts de crédit ainsi que la baisse des taux d’intérêt, ont entre autres expliqué la volatilité en 2018. Relativement illiquide, ce marché a une volatilité qui s’apparente de plus en plus à celle du marché des actions.