Les clients qui détiennent des fonds négociés en Bourse (FNB) cotés au Canada devraient s’attendre à recevoir davantage de distribution de gain en capital pour l’année d’imposition 2022 par rapport aux années antérieures.
C’est ce que révèle une analyse de Valeurs mobilières TD, qui évalue les différents effets du nouveau régime fiscal qui touche les FNB cotés au Canada et de certaines tendances de marché qui ont marqué l’année.
Rappelons que les distributions de gain en capital ne se font pas en espèce, mais bien sous forme de gains en capital réinvestis. On les appelle les distributions fantômes, car les investisseurs doivent payer une réelle facture fiscale, sans avoir reçu d’argent pour la payer. À la fois l’effet des marchés et l’ajout d’une nouvelle règle fiscale touchant les gains en capital pourrait engendrer un risque accru pour les clients de recevoir ce type de distribution.
Changements fiscaux
Ainsi, au début de 2022, le ministère des Finances du Canada a proposé différentes mesures fiscales qui visent les FNB et s’appliquent aux années d’imposition qui commencent après le 15 décembre 2021. Parmi celles-ci, le gouvernement fédéral a imposé une nouvelle formule de codification de la méthode d’« attribution aux bénéficiaires lors du rachat » (ABR) pouvant être utilisée par les fiducies de fonds communs de placement (FFCP) qui sont des FNB. Cette formule est le fruit de négociations avec le secteur des FNB depuis 2019, moment où il a annoncé son intention de modifier l’imposition des FNB.
La nouvelle méthodologie attribue un plafond en pourcentage pour chaque FNB pour les gains en capital attribués aux racheteurs de parts sur la base d’une formule, expliquent, dans la note, une équipe chez Valeurs mobilières TD, dont Andres Rincon, directeur et chef des stratégies et ventes de FNB ainsi que Mary Jane Young, directrice, et chef des négociations de FNB.
En substance, la nouvelle méthodologie garantit plus d’impôts pour le gouvernement, selon Valeurs mobilières TD. « Tout gain en capital excédentaire réalisée par le FNB au cours de l’année civile et supérieure à celle autorisée par l’ABR sera attribuée aux autres détenteurs de parts du FNB », peut-on lire dans leur analyse.
« La nouvelle méthodologie devrait avoir un impact sur les factures fiscales des investisseurs en FNB à partir de cette année fiscale. Les émetteurs de FNB et les courtiers devront appliquer les nouvelles règles lors de la préparation des feuillets d’impôt au début de l’année prochaine, et les émetteurs devront aligner les distributions de fin d’année sur les nouvelles règles », ajoutent les auteurs de la note.
L’ancienne règle offrait plus de souplesse, ce qui, dans certaines circonstances, permettait aux FNB d’attribuer intégralement les gains en capital à un racheteur de parts, selon Valeurs mobilières TD. La nouvelle méthode impose un plafond à l’allocation des gains en capital pour chaque FNB, et ce plafond varie d’un FNB à l’autre en fonction des résultats du calcul. PwC en détaille la méthode précisément.
Valeurs mobilières TD cible quelques conséquences potentielles de la nouvelle méthode, dont le fait que certains clients seront plus susceptibles de recevoir une facture d’impôt sur les gains en capital en l’absence de réception d’une distribution en espèces comparable. « Certains investisseurs peuvent recevoir une facture d’impôt sur les gains en capital même lorsque leurs avoirs en FNB subissent une perte », observent les auteurs de la note.
« Dans l’ensemble, la mise en œuvre d’une telle législation devrait augmenter les gains en capital versés aujourd’hui par les FNB, ce qui entraînera finalement une facture d’impôt pour les investisseurs canadiens. De quel montant ? Cela dépendra de chaque FNB », indiquent les analystes de Valeurs mobilières TD.
Effets des marchés
Dans une autre note, Valeurs mobilières TD a calculé, en date du 5 décembre, la valeur estimée des distributions réinvesties de bon nombre de FNB canadiens, à partir des estimations fournies par les émetteurs de fonds. Ces distributions représentaient entre 0,7 % et 32 % de la valeur liquidative du fonds, même si, pour la majorité des fonds, cette proportion était inférieure à 5 %.
Ces valeurs estimées ne concernent que les distributions réinvesties, lesquelles ne seront pas payées en espèces, mais seront réinvesties et les parts résultantes seront immédiatement consolidées de sorte que le nombre de parts détenues par chaque investisseur ne changera pas. « Les investisseurs détenant des parts en dehors des régimes enregistrés auront des montants imposables à déclarer et verront le prix de base rajusté de leur investissement augmenter », précisent Valeurs mobilières TD.
Les auteurs de la note ont découvert que « de nombreuses stratégies de FNB affichent des rendements négatifs depuis le début de l’année, et quelques-uns de ces FNB effectuent également d’importantes distributions de gains en capital en fin d’année ».
Voici quelques raisons qui l’expliquent, selon Valeurs mobilières TD :
- Les stratégies internationales couvertes contre le risque de change ont enregistré des distributions de gains en capital parmi les plus élevées, car la couverture contre le risque de change et le roulement des contrats à terme ont permis de réaliser des gains en capital importants cette année. Certains de ces produits enregistrent des distributions de gains en capital de 10 % ou plus de la valeur liquidative.
- Les stratégies de dividendes canadiens se sont bien comportées cette année et distribuent une partie de ces gains en capital.
- Les fonds qui ont fait l’objet d’un grand nombre de rééquilibrages et de rachats ou qui ont connu une rotation élevée des gestionnaires de portefeuille sont plus susceptibles d’enregistrer des distributions de gains en capital plus élevées.
Retour sur les changements fiscaux
Revenons aux changements de nature fiscale. Valeurs mobilières TD qualifie ainsi la dernière mouture de la méthode. « Il s’agit globalement d’une approche légèrement plus équilibrée entre le traitement actuel des gains en capital des FNB et la proposition initiale de 2019 », lit-on dans le texte.
L’un des enjeux avec la méthode proposée en 2019 était l’écosystème du secteur des FNB, qui comprend un émetteur de fonds, un mainteneur de marché et un investisseur. « Les mainteneurs de marché des FNB servent de fournisseurs de liquidités directement aux investisseurs, ce qui signifie que les émetteurs de FNB n’ont souvent pas d’interaction avec leur investisseur final. Ainsi, les émetteurs de FNB ne peuvent souvent pas identifier leur client final ou la base de coûts de ce client. Sans cette information, l’émetteur de FNB ne peut pas attribuer de façon réaliste un certain montant de gain en capital à un seul racheteur. La méthodologie ABR proposée à l’époque avait clairement besoin d’être modifiée pour mieux convenir au secteur des FNB », indique Valeurs mobilières TD dans sa note.
Bien que le secteur des FNB continue de réclamer une amélioration de la méthodologie ABR, la nouvelle méthodologie apporte une certaine clarté pour les émetteurs de FNB jusqu’en 2023, selon Valeurs mobilières TD. « Le nouveau traitement des gains en capital pour les FNB entraînera probablement des distributions de gains en capital plus élevées, des factures d’impôt plus élevées pour les investisseurs et la recherche par les émetteurs de moyens d’améliorer l’efficacité de leurs distributions de gains en capital. Toutefois, l’impact sur les investisseurs sera plus difficile à quantifier », lit-on dans l’analyse.