Les fonds négociés en Bourse (FNB) d’énergie propre connaissent des créations nettes tellement élevées qu’elles forcent indirectement un créateur d’indice à l’ajuster à cette demande. Conseillers et clients doivent en tenir compte, tout comme des risques inhérents à ces fonds, soit ceux de concentration et de taux d’intérêt.
C’est ce qui ressort de deux rapports sur ce type de FNB produits récemment par la Banque Nationale Marchés financiers. Cette firme compte, au Canada et aux États-Unis, 52 FNB axés sur les énergies propres et les facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) avec une exposition canadienne qui ont cumulé 23,6 milliards de dollars (G$) canadiens en capital (21,2 G$ pour les FNB cotés aux États-Unis et 2,4 G$ pour les FNB cotés au Canada).
« La croissance enregistrée au cours des 12 derniers mois a été étonnante, avec 7,7 G$ de capitaux d’investisseurs investis dans des FNB cotés aux États-Unis en 2020, soit plus du double de l’apport de fonds combinés entre 2005 et 2019. Ceci dit, 2021 commence à poursuivre cette tendance parabolique, avec pour le seul mois de janvier 2021, 5,24 G$ de capital en plus, soit plus des 2/3 de l’ensemble des apports de 2020 », lit-on dans un rapport de la Banque Nationale publiée à la mi-février.
Cette institution financière soupçonne qu’il existe à la fois des investisseurs institutionnels et des investisseurs individuels qui cherchent à augmenter leur allocation vers les investissements verts.
Cette demande a amené les créateurs d’indices à repenser leur méthodologie de classification afin d’élargir l’univers d’investissement potentiel.
« Cette combinaison d’un nombre limité d’options d’investissement et d’une base de capital en augmentation rapide a entraîné une concentration accrue des participations. En réponse à cela, en plus d’autres facteurs, les créateurs d’indices commencent à envisager des modifications des règles d’inclusion dans les indices afin d’élargir l’univers investissable », apprend-on dans le rapport de Banque Nationale Marchés financiers.
Par exemple, au début de février, S&P Down Jones Indices a fait passer le nombre de titres de 30 à une fourchette variant de 35 à 44 dans son indice S&P Global Clean Energy Index.
Le plafond pour la pondération d’un titre individuel dans l’indice est passé de 4,5 % à 9 %, ce qui a accru le risque potentiel de concentration. De plus, S&P Down Jones Indices a fait passer de deux à quatre le nombre de rééquilibrages annuels des constituants de l’indice. « Nos discussions avec d’autres fournisseurs d’indices et gestionnaires de fonds suggèrent qu’une variante de cette initiative a également eu lieu ailleurs », lit-on dans ce rapport.
D’après Banque Nationale Marchés financiers, cette demande et l’élargissement de la définition de ce qui est classé en tant qu’entreprise d’énergie propre/ESG font en sorte que le marché commence à se concentrer sur les entreprises qui ont une division qui pourrait être considérée comme étant axée sur l’ESG/l’énergie propre, plutôt que sur l’ensemble de l’entreprise.
Cette institution s’attend à ce que des titres comme Northland Power, Cascades Inc. et ECN Capital soient les prochains à être recaractérisés comme des titres d’énergie propre.
Dans un deuxième rapport publié à la fin de novembre, la Banque Nationale soulignait que deux facteurs propulsent ces FNB : l’adoption mondiale de politiques qui visent à favoriser les infrastructures à faibles émissions de carbone et la faiblesse actuelle des taux d’intérêt. En effet, les stimuli fiscaux en faveur de l’énergie verte et la faiblesse des taux obligataires, et ainsi du taux à partir duquel une action est escomptée, font que la valeur des titres d’énergie propre ne serait pas démesurée.
Il y a toutefois des risques à considérer, dont celui du cycle unique de ces entreprises. Un regard dans le rétroviseur peut être opportun.
« À la fin des années 2000, la trajectoire de croissance du secteur s’accélère, sous l’effet des politiques de relance gouvernementales telles celles en Europe. Cependant, en 2008, la diminution des subventions gouvernementales et la crise financière mondiale ont accru les pressions sur le secteur », souligne le rapport de la Banque Nationale.
Les fonds iShares Global Clean Energy ETF (ICLN) et Invesco Solar ETF (TAN) ont chuté de 74 % et 81 % respectivement en 2008, lit-on dans le rapport.
Même si les gouvernements du monde entier ont engagé plus de 200 G$ en faveur des technologies vertes en 2009, les énergies renouvelables pourraient avoir connu une stagnation prolongée par rapport aux actions mondiales et aux autres titres énergétiques traditionnels. « Les cycles économiques sont inévitables et les investisseurs doivent être attentifs aux signaux de surchauffe du marché », mentionne cette note.
Par ailleurs, certains FNB misant sur les énergies propres sont fortement exposés au secteur des services publics, qui est sensible aux taux d’intérêt. Les hausses de taux d’intérêt peuvent avoir un impact négatif sur les actions des services publics.
Toutefois, les FNB d’énergie propre sont assez différents les uns des autres. En comparant neuf fonds cotés aux États-Unis à la fin de novembre, la Banque Nationale observait que, selon le FNB, le nombre de titres par fonds varie de 30 à 90, la concentration dans les titres de services publics, de 0 à 55 %, la pondération en actions nord-américaines, de 31 % à 100 %, et le ratio des frais de gestion (RFG), de 0,45 % à 0,75 %. Parmi ce groupe, six FNB affichaient un rendement annualisé sur 10 ans en novembre, lequel varie de 3,30 % à 12,1 %.
Le FNB américain Vanguard Total Stock Market ETF (VTI) affichait une performance sur 10 ans, au 31 décembre 2020, de 13,8 %.