Les investisseurs pourront bientôt acheter une nouvelle obligation d’État destinée à financer des projets verts, a affirmé le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault. Ces projets seront sélectionnés selon des directives qui, d’après des experts, pourraient refroidir les ardeurs de certains investisseurs.

Les libéraux veulent émettre pour 5 milliards de dollars d’obligations vertes et dépenser le produit dans les deux exercices suivant l’arrivée de l’argent.

Le ministre Guilbeault a affirmé que le gouvernement vise une émission inaugurale dans les prochaines semaines.

Dans un discours au Canadian Club Toronto mercredi, Steven Guilbeault a qualifié les obligations d’élément crucial de la stratégie du gouvernement pour mobiliser les investissements nécessaires à la création d’une économie durable.

Cependant, des experts disent que le gouvernement devra appliquer un ensemble de normes élevées sur la destination de l’argent pour éviter que les investisseurs ne remettent en question la crédibilité de l’étiquette écologique sur l’obligation.

À l’échelle mondiale, le marché des obligations vertes s’est développé dans le cadre des pourparlers sur le financement de la transition écologique. Selon un récent rapport de la Banque Royale, environ 2000 milliards de dollars pourraient être nécessaires au niveau national pour ramener l’économie à zéro émission nette d’ici 30 ans.

« Les investisseurs à la recherche d’obligations vertes doivent savoir que leur argent va à des initiatives qui correspondent à leur compréhension de ce que signifie le qualificatif « vert » », a fait valoir Christie Stephenson, directrice exécutive du Peter P. Dhillon Centre for Business Ethics de l’Université de la Colombie-Britannique.

« Il y a une certaine prudence bien placée autour des obligations vertes en général, mais je pense aussi qu’elles offrent beaucoup d’opportunités », a-t-elle déclaré.

« Ce qui n’est pas utile pour les entreprises, c’est de faire ce qu’elles ont toujours fait et de les reclasser en obligations vertes. Je pense que les investisseurs espèrent que l’émission d’obligations vertes stimule vraiment le virage écologique des entreprises, qu’elle finance vraiment des projets qui, sinon, ne seraient pas financés. »

Elle a soutenu que les émetteurs doivent être clairs sur la manière dont les produits sont utilisés afin que les investisseurs sachent ce qu’ils obtiennent et puissent prendre une décision éclairée.

Des directives récemment publiées par le ministère des Finances indiquaient que les fonds pourraient être utilisés pour de nouveaux projets ou pour ceux recevant une aide fédérale au cours des deux exercices précédant l’émission.

Parmi les projets ou les programmes pouvant bénéficier des fonds d’obligations vertes, les lignes directrices énuméraient de nouvelles bornes de recharge pour véhicules électriques, l’engagement fédéral de planter deux milliards d’arbres ou des crédits d’impôt pour la rénovation résidentielle.

La fondatrice d’Academic Collaboration Consulting, Sherena Hussain, a indiqué que certains projets peuvent montrer un lien plus direct avec les résultats environnementaux, comme ceux réduisant les émissions.

Les projets ont leur propre vie et il pourrait s’avérer difficile pour le gouvernement de montrer de façon constante qu’ils atteignent les objectifs et les jalons des dépenses, selon elle.

« Se basant uniquement sur la nature de ces projets, il est très difficile de cocher la case de la même façon chaque trimestre ou chaque année, a fait valoir Mme Hussain. Ces projets sont organiques et ont leur propre ensemble de risques et de profils d’émissions qui, dans l’ensemble, en théorie, pourraient cocher la case, mais en pratique, cela peut être un peu plus compliqué à faire. »

Alex Speers-Roesch, un militant de Greenpeace Canada qui a suivi de près les efforts de financement vert du ministère des Finances et de la Banque du Canada, a mentionné que les libéraux devaient financer des projets verts « irréprochables » dans la première émission d’obligations vertes pour rassurer les investisseurs.

Alex Speers-Roesch, qui dirige la campagne pétrolière de l’organisation, a également déclaré que les directives suggérant que l’argent pourrait être affecté à des systèmes de capture et de stockage du carbone pourraient décourager les investisseurs si l’argent est utilisé par le secteur pétrolier et gazier pour réduire les émissions.

Les lignes directrices fédérales pour l’obligation interdisent le financement de programmes ou de projets liés aux pipelines, à l’exploration et à la production de pétrole et de gaz, ainsi qu’aux projets d’énergie nucléaire.

Un examen des directives, mené par la firme Sustainalytics, a donné un coup de pouce global au plan pour répondre aux besoins du marché et envoyer de l’argent à des initiatives ayant un impact sur l’environnement.

L’entreprise a aussi noté que certains projets admissibles pourraient avoir des « résultats environnementaux et sociaux négatifs » que le gouvernement devrait gérer et atténuer, y compris toute violation des droits des Autochtones ou des écosystèmes locaux par des projets hydroélectriques.