Plus de 145 000 personnes atteintes d’une inaptitude pourraient bénéficier du régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) au Québec, mais seulement un peu plus du quart d’entre elles en font la demande, selon une étude commandée par Finautonome, un organisme dédié à l’autonomie financière des personnes vivant avec un handicap.
Il y a du travail pour les conseillers afin de rendre plus accessible aux clients ce régime qui pourrait réunir des actifs de 40 milliards de dollars (G$) en 2050 au Canada, a indiqué Guillaume Parent, fondateur de Finautonome et directeur du centre d’expertise Finances et Handicap, lors du dévoilement des résultats de l’étude, le 14 octobre.
Actuellement, près 27 % des Québécois admissibles détiennent un REEI, par rapport à une proportion de 30 % à 40 % dans les autres provinces. Le Québec a aussi un des taux de cotisation au REEI les plus bas du Canada. La valeur moyenne des actifs dans les REEI y est plus faible. Elle se situe à 17 360 $, comparativement à 22 250 $ au pays.
« On peut conclure qu’outre de desservir moins de Québécois et de couvrir moins de personnes potentiellement admissibles, les détenteurs n’optimisent pas le produit financier et tirent moins de bénéfices qu’au sein des autres provinces du Canada », indique Jean-Philippe Brosseau, expert de la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), qui a réalisé l’étude.
Appétit pour des conseils personnalisés
Les institutions financières ont un rôle important à jouer pour renverser la vapeur. À ce sujet, l’étude révèle que le type d’institution qui émet le REEI influence la qualité des conseils que reçoivent les clients.
Desjardins est le fournisseur et l’émetteur le plus important au Québec, avec près du tiers des détenteurs de REEI sondés par Finautonome, suivi par la RBC (16 %) et BMO (12%). Environ 14 % des bénéficiaires ont déclaré faire affaire avec Mackenzie, 12 % ont retenu les services de cabinets et 7 % détiennent leur régime auprès d’un conseiller indépendant.
Les clients qui font affaire avec une banque ou une caisse populaire se disent ainsi moins satisfaits par rapport à ceux qui transigent avec un cabinet spécialisé ou un conseiller indépendant.
« L’accès au REEI dans les succursales bancaires se fait rare et difficile en raison du manque de connaissance du régime par les conseillers. Plusieurs institutions offrent le régime par téléphone ou en ligne, ce qui représente un enjeu d’accessibilité pour certaines personnes », lit-on dans le rapport.
De plus, « l’accès à quelques produits plus risqués est limité dans certaines institutions, ce qui réduit l’accès à des rendements élevés et la possibilité d’accumuler des actifs plus importants dans le REEI », ajoutent les analystes.
Le manque d’accès à des conseillers compétents pour répondre aux questions et fournir des conseils de placement est la raison principale de l’insatisfaction de nombreux détenteurs de REEI, signale le rapport.
« Je n’arrive pas à joindre un conseiller par téléphone qui peut répondre à mes questions », « Les types de placements ne me conviennent pas. Je dois appeler pour effectuer mes placements, car mon conseiller en succursale ne peut pas le faire », déclare un répondant à propos de son institution financière. « Aucun accompagnement n’est offert. Il n’y a aucune manière de comprendre les meilleures décisions pour bien placer son argent », rapporte un autre.
Malgré l’appétit pour des conseils personnalisés, peu de personnes handicapées détiennent le niveau de littératie financière ou les ressources pour y avoir recours, souligne l’étude.
Des procédures compliquées
Outre l’accès à des conseils pertinents, plusieurs obstacles limitent l’accès au régime. La plupart des quelque 250 personnes sondées (bénéficiaires et famille) ne connaissent pas les avantages du REEI. Certaines n’ont pas assez de fonds pour ouvrir un régime. D’autres sont limitées par leur handicap. Plusieurs craignent que leurs prestations sociales soient coupées lorsqu’elles retireront des fonds du REEI.
L’obligation d’obtenir au préalable le crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) pour ouvrir un REEI représente une autre barrière à l’entrée, selon les analystes de RCGT. Les procédures compliquées ainsi que la difficulté à trouver des professionnels accrédités pour délivrer l’attestation nécessaire à l’obtention du CIPH sont citées comme les principaux freins par les bénéficiaires.
Ces obstacles s’ajoutent aux démarches, déjà complexes, pour souscrire à un REEI. Résultat : Il peut s’écouler près de six mois entre le moment où une personne entend parler du régime et son ouverture, indique l’étude, un délai supérieur à celui généralement nécessaire pour ouvrir un régime enregistré d’épargne étude (REEE) ou un compte enregistré libre d’impôt (CELI), par exemple.
Simplifier les mécanismes de retrait
L’étude conclut que des simplifications au régime pourraient permettre à davantage de clients admissibles d’y accéder. Elle suggère notamment d’envisager d’autres portes d’accès au REEI que le CIPH, d’inciter les institutions financières à promouvoir davantage le régime et de prévoir des efforts de sensibilisation pour chaque étape du processus.
On gagnerait également à simplifier les mécanismes de retraits, à réduire les pénalités pour des retraits anticipés, et à s’inspirer du REEE pour les formules de montants de subvention et les retraits.
Le rapport recommande par ailleurs d’augmenter voire d’éliminer les plafonds de retraits annuels des paiements d’aide à l’invalidité (PAI) et des paiements viagers pour l’invalidité (PVI), afin d’éviter notamment que les fonds accumulés dans le régime soient frappés par un taux d’imposition élevé au moment de la succession.
L’enjeu est important, alors que le nombre de personnes inaptes est appelé à augmenter de manière considérable au cours des prochaines années au Québec en raison du vieillissement de la population. Un accès facilité au REEI pourrait permettre à un nombre plus important d’aînés de bénéficier de sources de revenus supplémentaires pour assurer leurs vieux jours.
223 M$
En 2017, les Canadiens avaient versé 223 millions de dollars (M$) dans leurs REEI, pour un montant total de 1,2 milliard de dollars (G$) accumulé dans le régime.
Source : Emploi et Développement social Canada, analyse RCGT