La montée de l’investissement indiciel vient accroître le pouvoir qu’a un manufacturier de fonds négocié en Bourse (FNB) lorsqu’il est question de voter par procuration au nom des détenteurs de parts.
En effet, ces manufacturiers, en tant qu’actionnaires d’un grand nombre d’entreprises, doivent voter par procuration à une série de propositions faites aux actionnaires, et ce, dans l’intérêt supérieur des détenteurs de parts, expliquait Mark Yamada, président et chef de la direction de PUR investing, dans un récent article.
On y trouvait également un graphique qui illustre le pourcentage de votes contre la direction et d’abstentions des manufacturiers canadiens de FNB ayant une part de marché supérieure à 1 %.
« Les votes contre la direction se sont élevés en moyenne à environ 8 % pour l’ensemble des fournisseurs. Le bilan de la BMO Gestion mondiale d’actifs se démarque, avec 28 % des votes contre la direction (abstentions comprises), ce qui résulte principalement de l’affirmation d’une participation indépendante du conseil d’administration aux principaux comités », peut-on y lire.
Finance et Investissement a voulu comprendre pourquoi certains manufacturiers de FNB, dont BMO, se démarquent aux yeux de Mark Yamada et selon sa compilation. Selon lui, cela s’explique par la compréhension de BMO d’enjeux de gouvernance des sociétés publiques qui seraient typiquement canadiens.
« Le Canada est un marché isolé pour lequel encore trop d’hommes blancs d’un certain âge siègent sur les conseils d’administration », note-t-il dans un échange avec Finance et Investissement.
« BMO s’est distinguée par sa gouvernance en identifiant les membres des conseils d’administration qui, soit siégeaient au conseil depuis si longtemps que leur indépendance était remise en question, soit siégeaient à un trop grand nombre de conseils pour être efficaces », ajoute-t-il.
Selon lui, voter contre une proposition aux actionnaires formulée par la direction est important lorsqu’il est question de la rémunération des dirigeants, de l’approbation des vérificateurs ou des propositions des actionnaires, mais surtout pour ce qui concerne la composition des membres du conseil d’administration.
« La gouvernance des conseils d’administration est importante. Les conseils d’administration sont responsables de l’orientation stratégique d’une entreprise (et non pas le chef de la direction). Trop de chefs de la direction demandent à leurs amis d’être administrateurs pour soutenir leurs idées. Le soutien est important, mais les actionnaires ont besoin d’une surveillance critique. Les conseils d’administration existent pour protéger les actionnaires », commente Mark Yamada.
À son avis, BMO est plus vigilante dans sa recherche sur les membres individuels de conseils d’administration, ce qui expliquerait pourquoi elle compte davantage de votes contre la direction.
Mark Yamada donne l’exemple d’un vote par procuration « retenu » (withholding) par la BMO par rapport à la nomination d’une personne sur le comité du conseil de Power Corp.
BMO a alors présenté l’argument suivant : « Les administrateurs ayant eu un long mandat au sein du conseil d’administration ne devraient pas siéger dans des comités qui exigent une indépendance absolue. (…) La présence de cet administrateur pourrait nuire à l’impartialité et l’efficacité du comité. En outre, cet administrateur n’est pas suffisamment indépendant pour servir comme principal administrateur indépendant ».
Selon Mark Yamada, d’autres manufacturiers de FNB, qu’il dit avoir approchés pour les sensibiliser à ces enjeux de gouvernance, pourraient ne pas comprendre ces enjeux avec la même finesse.
Il note que les manufacturiers de FNB vont, en médiane, voter contre la direction dans 8 % des cas. « Je soupçonne qu’ils le font parce que les sociétés de conseil en matière de vote par procuration leur recommandent d’agir ainsi. Les conseillers doivent savoir que certains promoteurs de FNB semblent prendre le vote par procuration au sérieux (tous ceux qui sont à plus de 8 % contre la direction) ; certains pas très sérieusement, 8 % de votes contre la direction ; et certains pas assez sérieusement, < 8 % », indique Mark Yamada.
Il ajoute que les conseillers doivent également comprendre que les clients milléniaux et les membres de la génération Y prennent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) très au sérieux. « En tout, 84 % des milléniaux pensent que l’investissement ESG réduit le risque. La gouvernance est un sujet important pour eux », dit Mark Yamada.
Pour choisir un FNB qui mise sur les critères ESG, ce dernier recommande de consulter entre autres le tableau de cet article.
Il prévient toutefois que les clients peuvent avoir une préférence dans la manière dont leurs investissements sont orientés vers l’ESG. « Les conseillers doivent être prudents, car [les produits peuvent avoir] des critères et des systèmes de pondération très subjectifs », note Mark Yamada.
BMO, qui a lancé des FNB de type ESG en janvier 2020, se base sur les cadres de notation de la firme MSCI, ainsi que sur les indices ESG qui en découlent, afin de concevoir ces produits.
Dans un document promotionnel dans lequel BMO reproduit le tableau de Mark Yamada sur les votes par procuration des manufacturiers, BMO se dit « engagée envers l’investissement responsable – pas « d’écoblanchiment » ».
« L’écoblanchiment désigne plutôt les produits commerciaux qui surestiment leur respect de l’environnement. Je pense que la BMO utilise ce terme à mauvais escient. Toutefois, mon opinion est que l’équipe d’analyse de votes par procuration de la BMO fait le meilleur travail parmi les principaux manufacturiers de FNB », commente Mark Yamada.
« Il n’y a pas de lien de cause à effet » entre l’écoblanchiment et l’historique de vote par procuration de BMO, admet Alain Desbiens, directeur, FNB, BMO Gestion mondiale d’actifs.
Dans ce document, « notre objectif est d’indiquer qu’on a une approche sérieuse. Dans les facteurs de la gouvernance, on a un bon track record au niveau de nos votes. C’était ce qu’on voulait démontrer par cette affirmation ».
Selon lui, de 2 % à 3 % des gestionnaires de portefeuilles font une analyse diligente poussée pour chacun des facteurs ESG, dont la gouvernance. Pour les aider, la BMO rend public ses votes par procuration ainsi que divers éléments de sa méthodologie sur son site.
Mark Yamada recommande aussi le site des Principes pour l’investissement responsable.
BMO Gestion mondiale d’actifs est un signataire des Principes pour l’investissement responsable de l’ONU depuis 2006. Les Principes pour l’investissement responsable ont accordé à BMO Gestion mondiale d’actifs une note de A+ pour sa propriété active en ce qui concerne les actions cotées, ainsi que pour sa stratégie et sa gouvernance.