« Pour moi, c’est du déjà vu. La transaction de la maison-mère d’Édimbourg de Standard Life répond aux mêmes motifs que celle qu’avait faite la maison-mère de Paris d’AXA Canada en 2012 », dit Robert Landry, qui a été vice-président exécutif chez AXA Canada pendant plus de dix ans.
« Dans un cas comme dans l’autre, il est clair que les assureurs européens ne veulent pas dépendre de produits dont le succès est lié aux taux d’intérêt. De plus, ils ne veulent pas dépendre d’un marché canadien mature, avec peu de perspectives de croissance », explique Robert Landry.
Comme nous le rapportions dans La Tournée des assureurs 2014, le «taux de rendement interne» des activités canadiennes de Standard Life a atteint 7 % en 2013, comparativement à 13 % dans les marchés asiatiques et émergents, et à 17 % dans les marchés britannique et européen. Dans son rapport annuel, la direction d’Édimbourg explique le 7 % canadien par la persistance des bas taux d’intérêt.
Rappelons que AXA s’était départi de son secteur d’assurance individuelle au profit de SSQ Groupe financier en 2012.
Redéploiement en Asie
« Les grands assureurs européens redéploient leur capital en Asie. En Chine et en Inde, les marchés d’assurance individuelle progressent de plus de 15 % par année », dit Robert Landry.
En outre, ajoute-t-il, les prix en Asie sont beaucoup plus élastiques qu’ici. « Par conséquent, leur rentabilité est beaucoup plus forte », signale cet attentif observateur de l’industrie.
Et preuve que les investisseurs comprennent l’équation, l’action de Standard Life (Édimbourg) a grimpé de 9 % après l’annonce de la transaction. « Les investisseurs se disent qu’être sortis du Canada vaut presque 10 %! », dit Robert Landry.
Parallèlement, l’action de Manuvie a cédé près de 2 %.
« Mais attention, cela ne veut pas dire que Manuvie a fait une mauvaise affaire. Les investisseurs devront attendre que les économies d’échelle fassent leur œuvre. Ce qui prendra quelques années », ajoute Robert Landry.
Le jeu de Manuvie
Mais où se situe l’intérêt de Manuvie dans cette transaction?
« Ils veulent renforcer leur poids dans le collectif, un domaine où les marges bénéficiaires sont incroyablement faibles. Manuvie augmentera les économies d’échelle, notamment en centralisant tout ce qui pourra l’être. Manuvie profitera aussi de la transaction d’une autre façon, en diminuant le poids de l’assurance individuelle dans ses propres affaires, un secteur où la rentabilité a énormément écopé des exigences réglementaires et des bas taux d’intérêt », dit-il.
Et pourquoi Manuvie a-t-elle pu acheter les affaires canadiennes de Standard Life, et non pas un autre assureur à la recherche de croissance, tel un Desjardins?
« Manuvie avait déjà développé des relations d’affaires avec Standard Life. Sa filiale américaine John Hancock distribue des produits de Standard Life aux États-Unis. La perspective d’en faire autant au Canada n’a sûrement pas nui à leur offre d’achat! », conclut le vice-président.