{"id":91366,"date":"2023-01-25T07:35:45","date_gmt":"2023-01-25T12:35:45","guid":{"rendered":"https:\/\/www.finance-investissement.com\/?p=91366"},"modified":"2023-01-25T07:35:45","modified_gmt":"2023-01-25T12:35:45","slug":"vers-une-regle-generale-anti-evitement-encore-plus-stricte","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.finance-investissement.com\/zone-experts_\/apff\/vers-une-regle-generale-anti-evitement-encore-plus-stricte\/","title":{"rendered":"Vers une r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale anti-\u00e9vitement encore plus stricte?"},"content":{"rendered":"
Pour faire suite \u00e0 son engagement des derni\u00e8res ann\u00e9es contre les planifications fiscales abusives et l\u2019\u00e9rosion de la base fiscale, le minist\u00e8re des Finances du Canada a lanc\u00e9 des consultations publiques le 9 ao\u00fbt 2022 afin de solliciter l\u2019avis des Canadiens sur diverses propositions visant \u00e0 moderniser et \u00e0 renforcer la r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale anti-\u00e9vitement (\u00ab\u00a0RGA\u00c9\u00a0\u00bb) pr\u00e9vue \u00e0 l\u2019article 245 de la Loi de l\u2019imp\u00f4t sur le revenu <\/em>(\u00ab\u00a0L.I.R.\u00a0\u00bb).<\/p>\n Le document de consultation a cibl\u00e9 plusieurs enjeux li\u00e9s au cadre actuel de la RGA\u00c9, lesquels ont \u00e9t\u00e9 identifi\u00e9s en passant notamment en revue les 24\u00a0d\u00e9cisions rendues depuis 2005 et pour lesquelles la RGA\u00c9 n\u2019a pas pu trouver application. Parmi les approches possibles pour mettre \u00e0 jour la RGA\u00c9, il est entre autres propos\u00e9 d\u2019imposer une p\u00e9nalit\u00e9, d\u2019\u00e9largir la notion d\u2019\u00ab op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement \u00bb et de renverser le fardeau de la preuve pour qu\u2019il incombe maintenant au contribuable de d\u00e9montrer qu\u2019il n\u2019y a pas eu d\u2019\u00e9vitement fiscal abusif.<\/p>\n Le document consultatif a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 \u00e0 la suite des efforts d\u00e9ploy\u00e9s par le ministre du Revenu national du Canada (\u00ab\u00a0Ministre\u00a0\u00bb) pour am\u00e9liorer l\u2019int\u00e9grit\u00e9 du r\u00e9gime fiscal canadien, mais aussi \u2013 peut-\u00eatre par co\u00efncidence \u2013 peu apr\u00e8s la d\u00e9cision rendue par la Cour supr\u00eame du Canada, laquelle avait donn\u00e9 gain de cause au contribuable dans l\u2019arr\u00eat Canada<\/em> c. Alta Energy Luxembourg S.A.R.L.<\/em>, 2021 CSC 49 (\u00ab\u00a0Alta Energy<\/em>\u00a0\u00bb). Le grand public avait jusqu\u2019au 30\u00a0septembre 2022 afin de fournir leur r\u00e9troaction et, \u00e0 ce jour, plusieurs groupes d\u2019intervenants ont indiqu\u00e9 avoir soumis des repr\u00e9sentations.<\/p>\n Historique<\/strong><\/p>\n C\u2019est en 1988 que la RGA\u00c9 a vu le jour au sein de notre l\u00e9gislation f\u00e9d\u00e9rale. Depuis, celle-ci s\u2019est av\u00e9r\u00e9e \u00eatre un outil raisonnablement efficace afin de pr\u00e9venir les op\u00e9rations abusives d\u2019\u00e9vitement fiscal. D\u2019ailleurs, parmi les cinq affaires traitant de la RGA\u00c9 qui ont \u00e9t\u00e9 entendues par la Cour supr\u00eame du Canada, la plus haute Cour du pays a seulement rejet\u00e9 les appels des contribuables et conclu seulement \u00e0 deux reprises que la RGA\u00c9 ne trouvait pas application. En effet, la Cour supr\u00eame du Canada avait tranch\u00e9 sa premi\u00e8re affaire en la mati\u00e8re en 2005 dans l\u2019arr\u00eat Hypoth\u00e8ques Trustco Canada<\/em>\u00a0c. Canada<\/em>, 2005 CSC 54 (\u00ab\u00a0Hypoth\u00e8ques Trustco<\/em>\u00a0\u00bb), dans le cadre duquel l\u2019analyse juridique applicable a \u00e9t\u00e9 \u00e9tablie.<\/p>\n Au cours des ann\u00e9es qui ont suivi l\u2019av\u00e8nement de la RGA\u00c9, la jurisprudence s\u2019est \u00e9toff\u00e9e et le Ministre a reconnu que la RGA\u00c9 a \u00e9t\u00e9 appliqu\u00e9e avec succ\u00e8s dans une proportion importante des cas. N\u00e9anmoins, le Ministre a r\u00e9cemment identifi\u00e9 ce qu\u2019il qualifie de probl\u00e8me d\u2019application et pr\u00e9sent\u00e9 diff\u00e9rentes strat\u00e9gies envisageables pour lesquelles il sollicite des commentaires afin de pr\u00e9venir davantage les planifications fiscales jug\u00e9es abusives.<\/p>\n Enjeux identifi\u00e9s<\/strong><\/p>\n Le Ministre a identifi\u00e9 cinq probl\u00e8mes pour lesquels il a pos\u00e9 quinze questions de consultation pr\u00e9cises, lesquelles sont d\u00e9crites en d\u00e9tail \u00e0 l\u2019Annexe C du document consultatif. Ces enjeux de r\u00e9forme peuvent \u00eatre divis\u00e9s en cinq cat\u00e9gories et r\u00e9sum\u00e9s comme suit :<\/p>\n Changements propos\u00e9s<\/strong><\/p>\n Avantage fiscal <\/em><\/p>\n Bien que le Ministre ne sugg\u00e8re aucun changement particulier \u00e0 l\u2019\u00e9l\u00e9ment de l\u2019\u00ab\u00a0avantage fiscal\u00a0\u00bb de la RGA\u00c9 dans son document consultatif, il a n\u00e9anmoins exprim\u00e9 sa pr\u00e9occupation \u00e0 l\u2019\u00e9gard de l\u2019interpr\u00e9tation trop \u00e9troite de ce concept et sollicitait des commentaires quant \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019une modification de ces termes afin d\u2019assurer que ceux-ci s\u2019appliquent de fa\u00e7on appropri\u00e9e.<\/p>\n Le Budget f\u00e9d\u00e9ral de 2022 a toutefois d\u00e9j\u00e0 \u00e9largi la d\u00e9finition d\u2019\u00ab\u00a0avantage fiscal\u00a0\u00bb pour inclure les attributs fiscaux qui pourraient \u00eatre utilis\u00e9s ult\u00e9rieurement (plut\u00f4t que de n\u00e9cessiter une r\u00e9duction r\u00e9elle de l\u2019imp\u00f4t et une nouvelle cotisation). Cette modification a \u00e9t\u00e9 motiv\u00e9e par des situations de fait telles que celle dans l\u2019arr\u00eat Wild <\/em>v. Canada (Attorney General)<\/em>, 2018 FCA 114, o\u00f9 la Cour d\u2019appel f\u00e9d\u00e9rale a d\u00e9termin\u00e9 qu\u2019il \u00e9tait pr\u00e9matur\u00e9 de soulever une analyse en vertu de la RGA\u00c9 lorsque des attributs fiscaux avaient \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9s ou pr\u00e9serv\u00e9s mais non utilis\u00e9s.<\/p>\n Il convient de noter que les changements apport\u00e9s dans le Budget f\u00e9d\u00e9ral de 2022 semblent donc r\u00e9pondre \u00e0 la difficult\u00e9 pratique pos\u00e9e par le Ministre. Ainsi, il sera int\u00e9ressant de constater si de plus amples modifications seront propos\u00e9es \u00e0 la suite de la conclusion du processus consultatif concernant la RGA\u00c9 particuli\u00e8rement.<\/p>\n Op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement<\/em><\/p>\n Concernant le deuxi\u00e8me enjeu soulev\u00e9, lequel \u00e9tait li\u00e9 \u00e0 la d\u00e9finition d\u2019\u00ab\u00a0op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement\u00a0\u00bb au paragraphe 245(3) L.I.R., le Ministre souhaitait recevoir des repr\u00e9sentations concernant ce qui devrait \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme un \u00ab\u00a0objet v\u00e9ritable\u00a0\u00bb. En effet, en appliquant la RGA\u00c9 pr\u00e9vue \u00e0 l\u2019article 245 L.I.R., le Ministre peut refuser un avantage fiscal obtenu \u00e0 la suite d\u2019une op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement (ce qui comprend aussi une op\u00e9ration effectu\u00e9e dans le cadre d\u2019une s\u00e9rie d\u2019op\u00e9rations) dont il est raisonnable de consid\u00e9rer qu\u2019elle a entra\u00een\u00e9, directement ou indirectement, un abus dans l\u2019application des dispositions de la Loi de l\u2019imp\u00f4t sur le revenu<\/em> ou un abus dans l\u2019application de ces dispositions lues dans leur ensemble.<\/p>\n Toutefois, aux termes du paragraphe 245(3) L.I.R., une op\u00e9ration ne constituera pas une op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement s\u2019il est raisonnable de consid\u00e9rer que l\u2019op\u00e9ration est principalement effectu\u00e9e pour des objets v\u00e9ritables – l\u2019obtention de l\u2019avantage fiscal n\u2019\u00e9tant pas consid\u00e9r\u00e9e comme un objet v\u00e9ritable. De fa\u00e7on g\u00e9n\u00e9rale, le crit\u00e8re de l\u2019op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement a \u00e9t\u00e9 con\u00e7u afin que la RGA\u00c9 ne s\u2019applique pas s\u2019il est raisonnable de consid\u00e9rer que l\u2019op\u00e9ration est principalement effectu\u00e9e pour des objets v\u00e9ritables, m\u00eame si celle-ci donnait lieu \u00e0 un avantage fiscal. Les propositions du document de consultation, en revanche, semblent vouloir r\u00e9duire la d\u00e9termination de cet \u00e9l\u00e9ment \u00e0 une simple formalit\u00e9. Effectivement, la port\u00e9e de la d\u00e9finition est notamment remise en question : est-ce que le seuil voulant que l\u2019op\u00e9ration soit \u00ab principalement \u00bb effectu\u00e9e pour des objets v\u00e9ritables est appropri\u00e9?<\/p>\n Un objet \u00ab\u00a0v\u00e9ritable\u00a0\u00bb<\/u><\/em><\/p>\n \u00c0 la suite d\u2019un examen approfondi de la jurisprudence depuis 2005, le Ministre a constat\u00e9 qu\u2019il avait \u00e9chou\u00e9 \u00e0 appliquer la RGA\u00c9 dans environ 29 % des cas parce que les tribunaux avaient conclu qu\u2019il n\u2019y avait pas eu d\u2019op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement. Le Ministre a donc propos\u00e9, aux fins de consultation, des modifications \u00e0 l\u2019\u00e9nonc\u00e9 du paragraphe 245(3) L.I.R., notamment en pr\u00e9cisant des exclusions explicites \u00e0 ce qui ne devrait pas \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme un objet v\u00e9ritable.<\/p>\n En particulier, le gouvernement propose que la minimisation des imp\u00f4ts \u00e9trangers ne constitue pas un objectif de bonne foi. Le document de consultation aborde les concepts de \u00ab\u00a0l\u2019\u00e9vitement de l\u2019imp\u00f4t \u00e9tranger\u00a0\u00bb et de \u00ab\u00a0l\u2019\u00e9conomie d\u2019imp\u00f4t \u00e9tranger\u00a0\u00bb. Il s\u2019agit de deux concepts diff\u00e9rents posant tous deux des enjeux importants et distincts. Modifier la RGA\u00c9 afin d\u2019exclure l\u2019\u00ab\u00a0\u00e9vitement de l\u2019imp\u00f4t\u00a0\u00bb \u00e9tranger de la d\u00e9finition d\u2019un but v\u00e9ritable placerait les tribunaux canadiens dans la position d\u00e9licate d\u2019avoir \u00e0 d\u00e9terminer si un contribuable s\u2019est livr\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9vitement fiscal en vertu de lois fiscales \u00e9trang\u00e8res ou non. Par ailleurs, il est int\u00e9ressant de noter que le document de consultation ne traite pas de l\u2019application de la RGA\u00c9 aux conventions fiscales.<\/p>\n \u00c9tendre la d\u00e9finition de ce que constitue une \u00ab\u00a0transaction\u00a0\u00bb<\/u><\/em><\/p>\n Une autre suggestion propos\u00e9e par le Ministre est d\u2019\u00e9largir la d\u00e9finition du terme \u00ab\u00a0op\u00e9ration\u00a0\u00bb au paragraphe 245(1) L.I.R. pour inclure explicitement les choix faits par un contribuable ou les op\u00e9rations comportant un \u00e9l\u00e9ment de planification fiscale important.<\/p>\n De telles propositions donneraient effectivement plus d\u2019importance au dernier volet du test de la RGA\u00c9, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019abus ou le mauvais usage. Cependant, \u00e9largir la d\u00e9finition de \u00ab\u00a0transaction \u00bb pour y inclure un choix pourrait vider de son sens le test pour le crit\u00e8re de l\u2019op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement. Toutes les d\u00e9cisions d\u2019affaires n\u00e9cessitent une multitude de choix. Traiter un choix comme une transaction exige implicitement de prendre en consid\u00e9ration un autre choix hypoth\u00e9tique et de d\u00e9terminer si cet autre choix aurait parall\u00e8lement entra\u00een\u00e9 une augmentation de l\u2019imp\u00f4t d\u00fb est paradoxal compte tenu du principe de l\u2019arr\u00eat Duke of Westminster<\/em>, que le Ministre continue de reconna\u00eetre.<\/p>\n En pratique, cette approche pourrait inclure le choix d\u2019effectuer une transaction d\u2019une certaine fa\u00e7on, m\u00eame si ces choix sont faits dans le contexte plus large d\u2019une d\u00e9cision commerciale. Bien que le Ministre reconnaisse qu\u2019une telle approche doit \u00eatre \u00e9quilibr\u00e9e avec le principe de longue date selon lequel les contribuables ont le droit de choisir d\u2019organiser leurs affaires de mani\u00e8re \u00e0 minimiser l\u2019imp\u00f4t, le document de consultation souligne que ce principe ne devrait \u00eatre sauvegard\u00e9 que lorsque ces choix n\u2019entra\u00eenent pas un abus ou une mauvaise utilisation de la l\u00e9gislation.<\/p>\n R\u00e9duire le seuil de l\u2019objet<\/u><\/em><\/p>\n L\u2019abaissement du seuil pour la d\u00e9termination de l\u2019objet est \u00e9galement envisag\u00e9 dans le document consultatif. Selon le Ministre, un seuil plus bas permettrait de r\u00e9gler un certain nombre de probl\u00e8mes, notamment la difficult\u00e9 inh\u00e9rente \u00e0 classer ou \u00e0 quantifier les divers objectifs sous-jacents \u00e0 une transaction contest\u00e9e. Il est \u00e9galement envisag\u00e9 de modifier la d\u00e9finition d\u2019\u00ab\u00a0op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement\u00a0\u00bb afin qu\u2019elle s\u2019applique lorsque \u00ab\u00a0l\u2019un des principaux objets de l\u2019op\u00e9ration\u00a0\u00bb ou peut-\u00eatre m\u00eame lorsque \u00ab\u00a0l\u2019un<\/strong> des objets\u00a0\u00bb (par opposition \u00e0 l\u2019\u00ab\u00a0objet principal\u00a0\u00bb) de l\u2019op\u00e9ration ou de la s\u00e9rie d\u2019op\u00e9rations est d\u2019obtenir un avantage fiscal.<\/p>\n Si le seuil est abaiss\u00e9 de la mani\u00e8re propos\u00e9e, celui-ci risque de devenir un test d\u2019application universel. Comme les consid\u00e9rations fiscales motivent certains aspects des transactions ou la mani\u00e8re qu\u2019une entreprise est g\u00e9r\u00e9e, les changements propos\u00e9s sont garants de pr\u00e9occupations significatives pour les contribuables.<\/p>\n L\u2019abus<\/strong><\/p>\n En ce qui concerne le troisi\u00e8me enjeu, le Ministre envisage diff\u00e9rentes solutions, notamment pour r\u00e9soudre des difficult\u00e9s per\u00e7ues quant \u00e0 la d\u00e9termination de l\u2019abus de la loi et notamment en ce qui concerne la question de savoir \u00e0 quelle partie il incombe de prouver la pr\u00e9sence (ou l\u2019absence) d\u2019\u00e9vitement fiscal abusif. Il convient \u00e9galement de noter que le document souligne la pr\u00e9occupation du Ministre selon laquelle l\u2019approche unique et unifi\u00e9e adopt\u00e9e dans les arr\u00eats Hypoth\u00e8ques Trustco<\/em>, Mathew\u00a0<\/em>c. Canada<\/em>, 2005 CSC 55, et plus r\u00e9cemment dans l\u2019arr\u00eat Alta\u00a0Energy<\/em>, a ind\u00fbment affaibli la pertinence des consid\u00e9rations \u00e0 accorder aux r\u00e9gimes g\u00e9n\u00e9raux de la loi dans l\u2019analyse de la RGA\u00c9.<\/p>\n \u00c0 ce titre, le Ministre envisage de modifier davantage le paragraphe 245(4) L.I.R. afin que les r\u00e9gimes g\u00e9n\u00e9raux de la Loi de l\u2019imp\u00f4t sur le revenu<\/em> se voient accorder le poids appropri\u00e9, m\u00eame si une utilisation abusive de la disposition concern\u00e9e est \u00e9tablie.<\/p>\n Pr\u00e9ambules l\u00e9gislatifs et \u00e9nonc\u00e9s du but<\/em><\/p>\n Le Ministre propose entre autres d\u2019ins\u00e9rer un pr\u00e9ambule et un \u00e9nonc\u00e9 d\u2019objet dans la RGA\u00c9 en s\u2019inspirant de la l\u00e9gislation fiscale du Canada et de pays \u00e9trangers. Pourtant, le Ministre lui-m\u00eame reconna\u00eet qu\u2019il serait particuli\u00e8rement difficile d\u2019\u00e9laborer un pr\u00e9ambule exhaustif pour la Loi de l\u2019imp\u00f4t sur le revenu<\/em> au complet, \u00e9tant donn\u00e9 sa complexit\u00e9 et ses multiples objectifs. Cependant, des \u00e9nonc\u00e9s d\u2019objet pourraient \u00eatre \u00e9tablis au d\u00e9but de certaines dispositions lorsqu\u2019elles font l\u2019objet de modifications substantielles ou un projet pourrait \u00eatre entrepris pour introduire des \u00e9nonc\u00e9s d\u2019objet dans la l\u00e9gislation existante, selon le Ministre.<\/p>\n Le document de consultation exprime une certaine crainte qu\u2019une approche unique et unifi\u00e9e pour analyser l\u2019abus n\u2019ait dilu\u00e9 l\u2019accent mis sur l\u2019abus de la loi lue dans son ensemble. \u00c0 l\u2019appui de cette proposition, on trouve les commentaires dans l\u2019arr\u00eat Alta Energy<\/em>, citant l\u2019arr\u00eat Hypoth\u00e8ques Trustco<\/em>, au paragraphe 49\u00a0:<\/p>\n \u00ab\u00a0Enfin, l\u2019analyse visant \u00e0 d\u00e9terminer s\u2019il y a eu abus ne doit pas servir \u00e0 \u201c[rechercher] une politique pr\u00e9pond\u00e9rante de la\u00a0<\/u>Loi\u00a0qui n\u2019est pas fond\u00e9e sur une interpr\u00e9tation textuelle, contextuelle et t\u00e9l\u00e9ologique unifi\u00e9e des dispositions en cause<\/u>\u201d (Trustco\u00a0Canada<\/em>, par.\u00a041). L\u2019interpr\u00e9tation est ax\u00e9e sur l\u2019objet et l\u2019esprit des\u00a0dispositions en cause<\/em>, et non sur l\u2019objectif politique g\u00e9n\u00e9ral de la\u00a0Loi<\/em>, ou d\u2019un trait\u00e9 fiscal en particulier. Les objectifs politiques \u2014 comme \u201c\u00e9viter la double imposition\u201d et \u201cencourager les \u00e9changes et les investissements\u201d \u2014 qui sont \u00e9nonc\u00e9s dans les trait\u00e9s fiscaux bilat\u00e9raux ne peuvent donc pas \u00eatre invoqu\u00e9s pour passer outre le libell\u00e9 des dispositions en cause.\u00a0\u00bb (Notre soulignement)<\/span><\/p>\n R\u00e8gle d\u2019interpr\u00e9tation pour l\u2019\u00e9valuation de la certitude, de la pr\u00e9visibilit\u00e9 et de l\u2019\u00e9quit\u00e9<\/em><\/p>\n Le document de consultation s\u2019oppose \u00e0 l\u2019accent mis dans l\u2019arr\u00eat Alta Energy<\/em> sur la certitude, la pr\u00e9visibilit\u00e9, l\u2019\u00e9quit\u00e9 et le droit d\u2019un contribuable de structurer ses affaires pour minimiser l\u2019imp\u00f4t. Il y est sugg\u00e9r\u00e9 qu\u2019une r\u00e8gle interpr\u00e9tative pourrait \u00eatre ajout\u00e9e pour encourager les tribunaux \u00e0 tenir compte de l\u2019\u00e9quit\u00e9 envers le syst\u00e8me fiscal dans son ensemble.<\/p>\n Renversement du fardeau<\/em><\/p>\n Comme la m\u00e9thode d\u2019interpr\u00e9tation textuelle, contextuelle et t\u00e9l\u00e9ologique unifi\u00e9e est au c\u0153ur de l\u2019analyse en vertu du paragraphe 245(4) L.I.R., la jurisprudence met en lumi\u00e8re les difficult\u00e9s relatives \u00e0 l\u2019importance devant \u00eatre accord\u00e9e aux aides extrins\u00e8ques et aux inf\u00e9rences fond\u00e9es sur le texte et le contexte l\u00e9gislatifs. Ainsi, le minist\u00e8re des Finances du Canada se penche sur plusieurs solutions \u00e0 cette importante question d\u2019interpr\u00e9tation, notamment en consid\u00e9rant un renversement du fardeau de la preuve, lequel incombe actuellement \u00e0 la Couronne. Le Ministre envisage de modifier le fardeau de preuve pour le crit\u00e8re de l\u2019abus pour diff\u00e9rentes raisons. Il semble \u00eatre d\u2019avis que les contribuables et leurs conseillers respectifs seraient mieux plac\u00e9s pour former et exprimer des opinions relativement \u00e0 l\u2019objet et \u00e0 l\u2019esprit des dispositions utilis\u00e9es dans le contexte d\u2019une transaction. Pourtant, cette position n\u2019est certainement pas appuy\u00e9e par la jurisprudence, notamment par la Cour supr\u00eame du Canada dans l\u2019arr\u00eat Hypoth\u00e8ques Trustco <\/em>: \u00ab\u00a0Le ministre est mieux plac\u00e9 que le contribuable pour pr\u00e9senter des observations sur l\u2019intention du l\u00e9gislateur dans le but d\u2019interpr\u00e9ter les dispositions de fa\u00e7on harmonieuse avec le r\u00e9gime l\u00e9gislatif g\u00e9n\u00e9ral qui s\u2019applique \u00e0 l\u2019op\u00e9ration en cause.\u00a0\u00bb<\/p>\n Cette suggestion ne semble donc pas prendre en compte les enjeux clairs de proportionnalit\u00e9, lesquels pourraient peser lourds pour les contribuables. Rien dans le document consultatif n\u2019est pr\u00e9vu pour faciliter l\u2019accessibilit\u00e9 aux documents gouvernementaux ni pour adresser les enjeux pratiques entourant la port\u00e9e des interrogatoires pr\u00e9alables, par exemple. Force est de constater que ces modifications \u00e9tudi\u00e9es devront \u00eatre davantage analys\u00e9es afin d\u2019assurer une meilleure \u00e9quit\u00e9 et pr\u00e9visibilit\u00e9 \u2013 principes qui sous-tendent notre droit fiscal canadien.<\/p>\n Substance \u00e9conomique <\/strong><\/p>\n Qui plus est, le Ministre indique qu\u2019\u00e0 la suite de la d\u00e9cision de la Cour supr\u00eame du Canada dans l\u2019arr\u00eat Hypoth\u00e8ques Trustco<\/em>, les tribunaux ont h\u00e9sit\u00e9 \u00e0 appliquer un crit\u00e8re de substance \u00e9conomique pour d\u00e9terminer si une op\u00e9ration d\u2019\u00e9vitement entra\u00eene un abus des dispositions de la Loi de l\u2019imp\u00f4t sur le revenu<\/em>. Le document de consultation indique que le gouvernement envisage donc d\u2019ajouter une r\u00e8gle explicite \u00e0 la RGA\u00c9 qui int\u00e9grerait un crit\u00e8re de substance \u00e9conomique pour pallier cette probl\u00e9matique per\u00e7ue.<\/p>\n Le crit\u00e8re de substance \u00e9conomique semble pourtant \u00eatre un changement potentiellement fondamental de politique fiscale. La jurisprudence fiscale canadienne a explicitement et continuellement soutenu qu\u2019en l\u2019absence d\u2019une r\u00e8gle sp\u00e9cifique contraire, les contribuables doivent \u00eatre impos\u00e9s en fonction de ce qu\u2019ils ont r\u00e9ellement fait et des relations juridiques et contractuelles r\u00e9ellement \u00e9tablies – et non de ce qu\u2019ils auraient pu faire (Shell Canada lt\u00e9e <\/em>c. Canada<\/em>, [1999] 3 R.C.S. 622).<\/p>\n Cette pr\u00e9occupation particuli\u00e8re concernant l\u2019application de la RGA\u00c9 actuelle fait suite \u00e0 la conclusion de la Cour supr\u00eame du Canada selon laquelle les op\u00e9rations ne peuvent effectivement pas \u00eatre jug\u00e9es abusives uniquement parce qu\u2019elles manquent de substance \u00e9conomique. D\u2019ailleurs, dans l\u2019affaire Canada<\/em> c. AgraCity Ltd. and Saskatchewan Ltd.<\/em>, 2020 TCC 91 (\u00ab\u00a0AgraCity<\/em>\u00a0\u00bb), la Cour canadienne de l\u2019imp\u00f4t a respect\u00e9 les modalit\u00e9s contractuelles convenues entre les parties plut\u00f4t que de s\u2019en remettre \u00e0 l\u2019expert de l\u2019ARC, qui \u00e9tait d\u2019avis qu\u2019une analyse fonctionnelle en vertu des Principes directeurs de l\u2019OCDE ne lui permettait pas d\u2019allouer des profits \u00e0 une entit\u00e9 qui n\u2019ex\u00e9cutait pas directement les fonctions pertinentes. Le crit\u00e8re de substance \u00e9conomique soul\u00e8ve aussi beaucoup de questions en mati\u00e8re de prix de transfert, car la d\u00e9cision AgraCity<\/em> s\u2019inscrit dans une s\u00e9rie de d\u00e9cisions en la mati\u00e8re qui tendent \u00e0 accorder une plus grande importance aux modalit\u00e9s contractuelles des parties qu\u2019\u00e0 la substance \u00e9conomique des transactions entre soci\u00e9t\u00e9s apparent\u00e9es.<\/p>\n Cela est par ailleurs contradictoire avec les lignes directrices en mati\u00e8re de prix de transfert de l\u2019OCDE, puisque celles-ci pr\u00f4nent qu\u2019une analyse de la substance \u00e9conomique est incontournable. Toutes ces pr\u00e9occupations ne sont cependant pas soulign\u00e9es par le Ministre dans son document consultatif. Sans \u00e9gard aux ramifications de ces solutions propos\u00e9es, le Ministre sugg\u00e8re potentiellement d\u2019ajouter une r\u00e8gle explicite de substance \u00e9conomique \u00e0 la RGA\u00c9 soit en l\u2019incorporant au paragraphe 245(3) ou 245(4) L.I.R., soit en introduisant une r\u00e8gle de pr\u00e9somption distincte. Il s\u2019agit l\u00e0 d\u2019un potentiel changement majeur au droit actuel.<\/p>\n Imposition d\u2019une p\u00e9nalit\u00e9<\/strong><\/p>\n Enfin, la derni\u00e8re question soulev\u00e9e \u00e0 m\u00eame le document consultatif du minist\u00e8re des Finances concerne l\u2019efficacit\u00e9 ou l\u2019absence per\u00e7ue d\u2019efficacit\u00e9 de la RGA\u00c9 pour pr\u00e9venir l\u2019\u00e9vitement fiscal abusif. Parmi d\u2019autres solutions plus g\u00e9n\u00e9rales, le Ministre a propos\u00e9 d\u2019instaurer une p\u00e9nalit\u00e9 fond\u00e9e sur un pourcentage de l\u2019avantage fiscal lorsque la RGA\u00c9 sera appliqu\u00e9e. Le document de consultation pr\u00e9sente \u00e9galement diverses options, comme des p\u00e9nalit\u00e9s automatiques ou circonstancielles. M\u00eame s\u2019il reconna\u00eet que chaque type de p\u00e9nalit\u00e9 pr\u00e9sente des d\u00e9fis, par exemple dans des situations qui comportent des attributs fiscaux inutilis\u00e9s, le Minist\u00e8re n\u2019envisage pas de mettre en place une p\u00e9nalit\u00e9 purement discr\u00e9tionnaire.<\/p>\n Toutefois, la mise en place d\u2019un m\u00e9canisme qui pourrait fournir aux contribuables un moyen de se prot\u00e9ger contre l\u2019application d\u2019une p\u00e9nalit\u00e9 semblable \u00e0 l\u2019approche adopt\u00e9e au Qu\u00e9bec est envisag\u00e9e. Un m\u00e9canisme par lequel les contribuables divulgueraient de fa\u00e7on proactive \u00e0 l\u2019ARC des renseignements suffisants sur leurs transactions est une option soulev\u00e9e par le Ministre pour atteindre un \u00e9quilibre entre la dissuasion de la planification fiscale abusive et l\u2019imposition de p\u00e9nalit\u00e9s excessives.<\/p>\n \u00c0 cet \u00e9gard, le Ministre souligne que les r\u00e8gles f\u00e9d\u00e9rales de divulgation obligatoire r\u00e9cemment propos\u00e9es et annonc\u00e9es dans le Budget f\u00e9d\u00e9ral de 2021 sont \u00e9troitement li\u00e9es \u00e0 cette consultation. Toutefois, le document de consultation ne reconna\u00eet pas l\u2019effet dissuasif important que les r\u00e8gles de divulgation obligatoire par elles-m\u00eames peuvent avoir sur la planification fiscale abusive.<\/p>\n Notons \u00e9galement que le Ministre envisage dans son document consultatif la prolongation de la p\u00e9riode normale de cotisation pour les cotisations li\u00e9es \u00e0 la RGA\u00c9.<\/p>\n Conclusion<\/strong><\/p>\n La consultation s\u2019est d\u00e9roul\u00e9e du 9 ao\u00fbt au 30 septembre 2022 et elle est officiellement ferm\u00e9e. En revanche, les Canadiens sont toujours invit\u00e9s \u00e0 faire part de leurs commentaires au minist\u00e8re des Finances. Les changements envisag\u00e9s sont majeurs et s\u2019ils sont mis de l\u2019avant, ceux-ci influenceront significativement l\u2019\u00e9tat de droit tel que nous le connaissons. Le Ministre veut, sans \u00e9quivoque avec les modifications propos\u00e9es \u00e0 la RGA\u00c9, s\u2019attaquer plus ard\u00fbment aux planifications fiscales abusives et \u00e0 l\u2019\u00e9rosion de l\u2019assiette fiscale. Les nouvelles propositions de la RGA\u00c9 s\u2019inscrivent dans une s\u00e9rie de mesures plus puissantes tout comme les r\u00e8gles de divulgation obligatoire qui outilleront davantage le Ministre. Est-ce le d\u00e9but de la fin pour la RGA\u00c9 comme nous la connaissons? Bien que le r\u00e9sultat de cette consultation demeure incertain, il est clair que des changements substantiels sont \u00e0 pr\u00e9voir tant pour les contribuables que pour les fiscalistes.<\/p>\n Par Marie-Claude Marcil<\/strong>, B.C.L.\/LL. B., DESS fisc., Associ\u00e9e, EY Cabinet d\u2019avocats s.r.l.\/s.e.n.c.r.l., marie-claude.marcil@ca.ey.com<\/a><\/span><\/p>\n\n