Aucune catégorie d’actifs en 2022 n’a été plus mise en doute, rejetée ou critiquée que les titres à revenu fixe avant que ceux-ci n’enregistrent une augmentation remarquable à la fin de l’année.
Le revirement spectaculaire a entraîné des rentrées de 2,3 milliards de dollars (G$) en novembre dans le segment des fonds négociés en Bourse (FNB) de titres à revenu fixe (selon les plus récentes données disponibles), ce qui a fait de l’année dernière la première depuis 2019 où les FNB à revenu fixe ont surpassé les actions quant aux créations nettes, comme l’a annoncé Banque Nationale Marchés financiers au début de décembre. Cette volte-face s’est toutefois produite après une longue période de déceptions et de questions persistantes sur ce que la catégorie d’actifs pouvait offrir à l’approche de 2023.
Si les titres à revenu fixe étaient censés être une source fiable de sécurité financière à la retraite ou de revenu mensuel, ils n’ont pas produit les résultats attendus pendant plusieurs années consécutives (voir l’article « An inhospitable environment for bond ETFs »). Le rendement décevant des titres à revenu fixe a rendu difficile la compensation des risques liés aux actions, d’autant plus que les deux composantes de base des portefeuilles ont baissé en tandem. Il s’agit d’un résultat inattendu compte tenu de leur relation habituellement inverse au chapitre du rendement.
Par conséquent, le portefeuille 60/40 autrefois fiable a fait l’objet de critiques pour ses prétendues lacunes. Nombreux sont ceux qui ont exprimé leur scepticisme quant à ses mérites, et ce ne sont pas que les investisseurs particuliers qui ont mis ce modèle en doute. En 2021, la Banque du Canada a décrit l’abandon de la répartition classique des actifs, même au sein des régimes de retraite, en faveur de solutions de rechange. « Nos analyses révèlent qu’en raison de la baisse des taux d’intérêt, 64 % des régimes de retraite de notre échantillon ont délaissé la répartition mixte 60/40 », affirmait cette dernière. Il a même été question à la fin de l’année dernière de vendre des FNB à revenu fixe à perte à des fins fiscales.
Le faible rendement des titres à revenu fixe a créé de nombreux problèmes pour les conseillers. La volatilité des marchés, la spéculation sur les hausses de taux d’intérêt imminentes, la plus forte inversion depuis les années 1990 de la courbe de taux au début de décembre ainsi que la disponibilité des produits non traditionnels ont incité les marchés à remettre en question les avantages autrefois acceptés des titres à revenu fixe.
Certains conseillers cherchant à formuler des recommandations de portefeuille crédibles en 2023 pourraient se demander comment ils devraient intégrer les titres à revenu fixe dans leurs stratégies et s’ils devaient le faire. Il est clair que le secteur a des opinions divergentes au sujet des placements en titres à revenu fixe, mais il est inutile de trop se concentrer sur le débat 60/40. Nous aimerions également insister sur le fait que l’éventail des titres à revenu fixe est large, des obligations à court terme du marché monétaire en passant par les obligations à long terme, de sorte qu’il est tout à fait illogique de rejeter cette catégorie. Nous continuons de croire que les titres à revenu fixe peuvent contribuer à l’obtention de meilleurs résultats et que les avantages des FNB de titres à revenu fixe devraient être au premier plan lors de la prise de décisions de portefeuille pour les clients qui se sont lassés de l’inflation.
Bien que l’orientation des marchés des titres à revenu fixe en 2023 soit imprévisible, l’utilisation des FNB pour accéder aux titres à revenu fixe devrait être envisagée en raison des forces distinctes de la catégorie d’actifs. Afin de mieux comprendre les faits saillants dans l’évolution des titres à revenu fixe, l’Association canadienne des FNB s’est entretenue avec Daniel Straus, directeur du groupe Recherche et stratégie sur les FNB de la Financière Banque Nationale, et Paul Bowes, chef au Canada pour FTSE Russell.
Fait intéressant, ni l’un ni l’autre n’accepte l’idée que le portefeuille 60/40 n’est plus à utiliser. « Si quelqu’un a réellement dit cela, les investisseurs ne l’ont pas écouté et ont continué d’acheter des titres à revenu fixe, soulignait ainsi Daniel Straus. Il s’agit toujours de la pratique exemplaire par défaut pour réduire le risque. »
Les baisses des titres à revenu fixe de l’année dernière ont été particulièrement difficiles, a-t-il reconnu, car « pendant de nombreuses années après la grande crise financière, les titres à revenu fixe ont été les titres champions et ont servi de protection contre le risque pour les petits investisseurs et les institutions ».
Paul Bowes a déclaré que la répartition 60/40 pourrait être modifiée et que le recours à des solutions non traditionnelles pourrait devenir plus fréquent en fonction du profil de risque des investisseurs. Or, selon lui, « les titres à revenu fixe ont toujours fait et feront toujours partie intégrante d’une stratégie de placement entièrement diversifiée ».
Le succès de cette catégorie à la fin de l’année prouve que de nombreux investisseurs sont d’accord avec cette déclaration. Depuis le début de l’année 2022 et jusqu’à la fin de novembre, les créations nettes dans le segment des FNB de titres à revenu fixe totalisait 13 G$. L’actif géré des FNB à revenu fixe s’élève à 92 G$, ce qui représente 29 % de la part de marché des FNB au Canada.
« C’est en novembre que l’indice des obligations universelles FTSE Canada a enregistré son deuxième meilleur rendement mensuel (après juillet) au cours d’une année civile difficile », rapporte Paul Bowes.
Paul Bowes explique qu’en 2022, l’indice des obligations universelles FTSE Canada de base a affiché une baisse d’environ 10 %. Il décrit la baisse des titres à revenu fixe et des actions (un repli encore plus important si nous comparons les obligations canadiennes avec les actions canadiennes, car l’indice composé S&P/TSX a reculé d’environ 7 %) comme une « anomalie » et la tendance la plus intéressante de l’année. La hausse de novembre s’est produite, affirme-t-il, « parce que le taux d’inflation ralentissait et parce que la Banque du Canada a indiqué qu’une augmentation des taux d’intérêt pourrait entraîner un ralentissement par la suite ».
Les conseillers sont susceptibles d’être plus sélectifs
Bien que d’autres facteurs macroéconomiques influenceront aussi les titres à revenu fixe, l’inflation et la réaction de la Banque du Canada et de la Réserve fédérale américaine continueront d’avoir l’incidence la plus marquée sur la catégorie d’actifs en 2023, soutient Paul Bowes. La diversification par rapport aux titres à revenu fixe demeurera cependant une stratégie essentielle.
« Aucun conseiller digne de ce nom n’envisagerait de retirer complètement les titres à revenu fixe des portefeuilles de leurs clients, assure-t-il. D’après les données probantes et les données historiques, ils demeurent une catégorie d’actifs importante pour de nombreux investisseurs. »
Paul Bowes est d’avis que, à mesure que les conseillers évaluent leurs options, les solutions non traditionnelles, dont les FNB multiactifs intégrés non traditionnels combinant différentes catégories et différents types, pourraient faire partie de l’évolution de la répartition des actifs.
Daniel Straus souligne que le scénario de référence de son organisation pour 2023 comprend une volatilité plus élevée et la recherche de protection par les investisseurs de tous types. « Nous pensons que le choix des titres à revenu fixe se fera de manière plus sélective », explique-t-il.
Il a également mentionné que les conseillers pourraient placer une plus grande partie de leurs placements en titres à revenu fixe dans des mandats mondiaux, en espèces ou sans contraintes, et qu’ils pourraient être disposés à payer davantage pour la gestion active.
Daniel Straus fait remarquer que la popularité des FNB pourrait indirectement permettre de surmonter des obstacles de longue date sur le plan de la négociation. Le marché obligataire a pris du retard dans le déploiement des technologies de négociation efficaces, constate-t-il. Lorsque la pandémie a bouleversé les opérations sur obligations normales, les négociateurs se sont tournés vers les FNB pour en découvrir les prix parce que, comme l’indiquait un rapport de recherche de la Banque Nationale en avril 2020, « les prix des FNB d’obligations reflètent le coût de la liquidité sur des marchés incertains, une réalité dont les données théoriques sur la valeur liquidative ne tiennent pas compte. » La transparence des FNB et la facilité avec laquelle ils sont négociés pourraient encourager le secteur obligataire à adopter des systèmes de négociation plus efficaces, reconnaît Daniel Straus.
Tenir compte des points forts des FNB
À notre avis, lorsqu’ils examinent les options de création ou d’optimisation des portefeuilles de clients qui comprennent des titres à revenu fixe, les conseillers devraient également tenir compte des caractéristiques de base des FNB, que Paul Bowes qualifie d’« outils incroyablement importants ».
Parmi ces caractéristiques figure le fait que les FNB à revenu fixe sont plus faciles et plus rapides à acheter et à négocier que les obligations en soi.
Contrairement aux fonds communs de placement, les FNB n’ont pas besoin de vendre leurs placements en réponse à une hausse des rachats des porteurs de parts, une situation qui entraîne des problèmes pour les gestionnaires de fonds communs de placement et de possibles répercussions fiscales pour les investisseurs qui ont adopté une stratégie d’achat et de conservation de parts.
Dans le marché fluide et très complexe d’aujourd’hui, les conseillers devront faire preuve d’une diligence raisonnable accrue au moment de choisir un FNB à revenu fixe ou compter sur un gestionnaire actif pour le faire. La récompense potentielle de portefeuilles mieux équilibrés justifie cependant le temps et les efforts supplémentaires.
Les FNB à revenu fixe, qui peuvent aider vos clients à atteindre leurs objectifs financiers et de portefeuille, sont axés sur le moment présent et ont un rôle à jouer pour assurer l’avenir financier des investisseurs. Il ne s’agit pas d’un instrument de placement démodé qui était respecté par le passé.