Le 23 août, la Securities and Exchange Commission (« SEC ») a voté à trois voix contre deux la finalisation d’un ensemble de règles et d’amendements touchant l’Investment Advisers Act de 1940, une loi fédérale américaine qui définit le rôle et les responsabilités d’un conseiller en investissement, et qui modifiera considérablement l’industrie des fonds privés. Le communiqué concernant l’adoption met au point de nouvelles règles et modifications qui ont été proposées en février 2022 (la « proposition »). La SEC a apporté des changements significatifs dans le communiqué concernant l’adoption qui ont atténué certains des effets les plus onéreux des nouvelles exigences et a cité les commentaires de l’AIMA/ACC à 104 occasions différentes. Néanmoins, d’importantes inquiétudes subsistent quant à la formulation finale des clauses clés et à la manière dont les nouvelles exigences seront appliquées dans la pratique.
Informations sur les sections clés :
Activités restreintes (« activités interdites » au sens de la proposition)
- Le communiqué concernant l’adoption interdit purement et simplement aux conseillers en fonds privés de facturer des frais ou des dépenses liés à une enquête qui se conclut ou aboutit a à l’imposition d’une sanction par un tribunal ou une autorité gouvernementale pour une violation de la loi sur les conseillers.
- Il sera également interdit à tous les conseillers de fonds privés, sauf (i) s’ils en ont été informés ou (ii) s’ils en ont été informés et ont obtenu le consentement des investisseurs, selon le cas, de facturer certains frais et dépenses au fonds, par exemple, un conseiller peut facturer ou allouer au fonds privé des frais liés à une enquête sur le conseiller par une autorité gouvernementale ou réglementaire, à moins que le conseiller ne demande à chaque investisseur du fonds privé de consentir à cette facturation ou allocation et qu’il n’obtienne le consentement écrit d’au moins la majorité des investisseurs du fonds privé, et à condition que les frais ne correspondent pas à ceux qui sont purement et simplement interdits (comme indiqué plus haut).
- Le communiqué concernant l’adoption n’a pas inclus l’interdiction proposée de facturer des services non exécutés, et il n’a pas exigé la modification de la norme de responsabilité de la négligence grave à la négligence simple. Toutefois, le communiqué concernant l’adoption contient des commentaires qui suggèrent que ces exigences n’ont pas totalement disparu.
Traitement préférentiel
- Le communiqué concernant l’adoption autorise certaines formes de traitement préférentiel concernant les droits de rachat et le partage d’informations sur les participations/expositions du portefeuille du fonds (ce que la proposition aurait interdit purement et simplement) si les exigences de l’une des exceptions limitées sont satisfaites.
- La nouvelle règle exige que le conseiller du fonds privé fournisse à tout investisseur potentiel du fonds privé, avant l’investissement de l’investisseur dans le fonds privé, un avis écrit concernant des informations spécifiques relatives au traitement préférentiel lié à toute condition économique importante que le conseiller fournit à d’autres investisseurs dans le même fonds privé.
- Par rapport à la proposition, tous les conseillers de fonds privés seront tenus de distribuer aux investisseurs actuels une notification écrite de tout traitement préférentiel que le conseiller ou ses personnes liées ont accordé à d’autres investisseurs dans : (i) un fonds liquide, dès que possible après l’investissement de l’investisseur dans le fonds privé ; ou (ii) un fonds non liquide, dès que possible après la fin de la période de financement du fonds.
- Comme proposé, tous les conseillers en fonds privés devront fournir aux investisseurs actuels une information annuelle complète sur tous les traitements préférentiels accordés par le conseiller ou ses personnes apparentées depuis la dernière notification annuelle.
Transactions secondaires dirigées par un conseiller
- La proposition aurait exigé que les conseillers en investissement enregistrés des fonds privés obtiennent et distribuent aux investisseurs un avis d’équité d’un fournisseur d’avis indépendant, ainsi qu’un résumé de toute relation d’affaires avec le fournisseur d’avis. Les offres publiques d’achat auraient été considérées comme des transactions secondaires dirigées par un conseiller en vertu de la proposition.
- Conformément à notre recommandation, la règle finale permet aux conseillers en investissement enregistrés de fournir soit un avis d’équité, soit un avis d’évaluation moins coûteux provenant d’un fournisseur d’avis indépendant, et exclut les offres publiques d’achat du champ d’application des transactions secondaires dirigées par un conseiller.
Audits des fonds privés
- Le communiqué concernant l’adoption harmonise cette exigence d’audit annuel avec les dispositions d’audit établies dans la règle relative à la conservation des titres qui sont applicables aux véhicules d’investissement communs. Étant donné que le respect de la nouvelle règle repose en partie sur le respect par un conseiller de la disposition relative à l’audit de la règle de conservation actuelle, les modifications proposées à la disposition relative à l’audit dans les amendements proposés à la règle de conservation (c’est-à-dire la règle de sauvegarde publiée en février 2023) s’appliqueraient également aux conseillers soumis aux exigences en matière d’audit des fonds privés.
- En conséquence, la SEC a rouvert la période de consultation pour la règle de sauvegarde afin que les parties intéressées à apporter des commentaires puissent examiner les modifications proposées aux dispositions relatives à l’audit par rapport à la nouvelle règle d’audit des fonds privés.
Déclarations trimestrielles
- Pour les fonds illiquides, la proposition aurait exigé le calcul de la performance uniquement sans incidence des facilités de souscription. Cependant, le communiqué concernant l’adoption permet de calculer la performance avec et sans l’impact des facilités de souscription, plutôt que seulement sans ces facilités. Le communiqué concernant l’adoption a affiné la définition d’un fonds illiquide en la fondant principalement sur la capacité de retrait et de rachat.
- Le communiqué concernant l’adoption, dans un changement par rapport à la proposition, limite à 10 ans la période de rétrospection requise pour que les conseillers présentent la performance des fonds liquides.
- La proposition exigeait que les conseillers en placement inscrits distribuent les rapports trimestriels requis dans les 45 jours suivant chaque trimestre civil. Le communiqué concernant l’adoption ajoute plus de temps pour les rapports du quatrième trimestre (90 jours au lieu de 45) et pour les rapports des fonds de fonds (75 jours pour les trois premiers trimestres et 120 pour le quatrième trimestre). L’obligation de déclaration pour tout fonds privé a également été modifiée, passant de deux trimestres civils complets d’activité à deux trimestres fiscaux complets d’activité.
Règle du programme de conformité
- Comme proposé, tous les conseillers en investissement enregistrés (y compris ceux qui ne conseillent pas de fonds privés), devront documenter par écrit l’examen annuel de leurs politiques et procédures de conformité exigé par la règle du programme de conformité.
Maintien des droits acquis
- La proposition ne prévoyait pas de droits acquis, mais le communiqué concernant l’adoption prévoit un « statut hérité » (c’est-à-dire des droits acquis), bien que la couverture puisse être incomplète et conduire à des résultats disparates.
- Le statut hérité a été accordé pour l’aspect des interdictions de la règle du traitement préférentiel (c’est-à-dire les droits de rachat préférentiels et les informations sur les avoirs en portefeuille) et pour les aspects de la règle des cinq activités restreintes nécessitant le consentement de l’investisseur (c’est-à-dire les restrictions concernant les emprunts auprès d’un fonds privé et la facturation de certains frais et dépenses d’enquête).
- Les dispositions relatives au statut hérité s’appliquent aux « accords de gouvernance » (y compris les lettres d’accompagnement) qui ont été conclus par écrit avant la date de mise en conformité si la règle exige que les parties modifient un tel accord et uniquement si le fonds a déjà commencé ses activités (y compris toute activité de bonne foi visant à exploiter un fonds privé, notamment les activités d’investissement, de collecte de fonds ou opérationnelles) à la date de mise en conformité.
- Le statut hérité ne s’appliquera pas aux parties de la règle sur le traitement préférentiel relatives à la divulgation, ni aux aspects de la règle sur les activités restreintes qui ne comportent que des exceptions fondées sur la divulgation.
Traitement des conseillers et des fonds non américains
- La règle relative aux relevés trimestriels, la règle d’audit et la règle relative aux fonds secondaires dirigés par un conseiller « ne s’appliqueront pas aux fonds privés non américains clients d’un conseiller extraterritorial enregistré auprès de la SEC (qu’ils aient ou non des investisseurs américains) ».
- Les exigences relatives aux activités restreintes et aux traitements préférentiels s’appliqueront à tous les conseillers, quel que soit leur statut d’enregistrement; c’est-à-dire qu’elles s’appliqueront aux conseillers en investissement enregistrés et à tout conseiller se prévalant d’une exemption de l’obligation d’enregistrement. Cependant, il y a deux mises en garde importantes :
- Conformément à la proposition, la règle des activités restreintes et la règle du traitement préférentiel « ne s’appliqueraient pas aux fonds privés non américains d’un conseiller extraterritorial enregistré, qu’ils aient ou non des investisseurs américains ».
- Selon le communiqué relatif à l’adoption, la règle des activités restreintes et la règle du traitement préférentiel « ne s’appliquent pas aux conseillers non enregistrés offshore en ce qui concerne leurs fonds extraterritoriaux (que les fonds aient ou non des investisseurs américains) », bien que ces règles s’appliquent généralement aux conseillers exonérés.
Une analyse de l’application des règles PFA aux conseillers non américains est disponible ici.
Dates de conformité/périodes de transition
- Les modifications de la règle du programme de conformité seront exigées à partir du 13 novembre 2023.
- La conformité à la règle d’audit des fonds privés et à la règle des déclarations trimestrielles sera requise pour tous les conseillers en fonds privés à partir du 14 mars 2025.
- La conformité à la règle des secondaires dirigés par un conseiller, à la règle du traitement préférentiel et à la règle des activités restreintes variera entre les petits et les grands conseillers
- Petits conseillers (moins de 1,5 milliard de dollars de RAUM de fonds privés) : à partir du 14 mars 2025.
- Grands conseillers (1,5 milliard de dollars ou plus de RAUM de fonds privés) : à partir du 14 septembre 2024.
La requête de l’AIMA face à la SEC ne s’arrêtera probablement pas avec notre démarche visant à ce que le tribunal détermine la légalité des règles récemment adoptées et qui visent les conseillers en fonds privés. Sur ce point, nous sommes ravis que le tribunal ait accepté notre demande d’accélérer l’étude de la cause afin que nous puissions obtenir une décision avant la fin du premier semestre 2024.
Par ailleurs, nous continuons de défendre la définition établie d’un « négociant en valeurs mobilières » sur deux fronts, dans l’espoir d’éviter que de nombreux fonds ne soient obligés de s’enregistrer en tant que négociants, ce qui pourrait perturber considérablement le modèle de gestion d’actifs. La SEC cherche, à la fois, par l’élaboration de règles et par l’application de celles-ci, à élargir considérablement la définition mise en place depuis l’adoption de la Loi sur les échanges de valeurs mobilières de 1934. Nous sommes convaincus que la SEC agirait de manière illégale si elle adoptait une proposition qui classerait de nombreuses stratégies d’investissement actives dans la catégorie des transactions. Un tel bouleversement à la suite de 90 ans de pratique établie devrait nécessiter une modification législative plutôt qu’une réinterprétation unilatérale de la part de l’agence réglementaire.
La SEC poursuit actuellement devant les tribunaux des affaires individuelles dans lesquelles elle estime que certaines entités, y compris des fonds privés, n’ont pas été enregistrées en tant que négociants en valeurs mobilières alors qu’elles se contentent d’acheter et de vendre des titres similaires, parfois à plusieurs mois d’intervalle. Dans certains cas, l’AIMA a présenté aux tribunaux des interventions désintéressées soulignant les raisons pour lesquelles nous pensons qu’il est illégal pour la SEC de baser ses requêtes sur cette nouvelle définition après des décennies d’indications contraires.
Mais ce n’est pas tout. La SEC a proposé des modifications de la règle de conservation qui non seulement élargiraient le champ des actifs soumis à la surveillance de la conservation, mais modifieraient également de manière inhérente les concepts bien établis de la conservation, au point de les rendre inapplicables dans la pratique et préjudiciables aux investisseurs. Et nous ne sommes pas les seuls à le penser. L’AIMA est l’un des 26 cosignataires d’une lettre adressée par plusieurs associations professionnelles à la SEC, demandant instamment que la règle ne soit pas adoptée.
Et maintenant, nous avons la règle proposée par la SEC pour les conflits dans l’utilisation de la « technologie couverte » (qui comprend toute utilisation d’algorithmes ou d’intelligence artificielle) par les gestionnaires d’investissement. La règle proposée, comme beaucoup d’autres, serait pratiquement impossible à mettre en œuvre. Les conflits sont définis de manière si large qu’ils incluent effectivement toute activité de conseil qui entraîne l’utilisation de la technologie pour la négociation et les investissements. Mais les gestionnaires ne doivent pas se contenter d’identifier les conflits potentiels ou réels et de les gérer ou de les divulguer aux investisseurs, ils doivent les éliminer complètement. À notre avis, la seule façon d’y parvenir pourrait être de cesser effectivement ses activités. Nous faisons partie d’une large coalition d’associations professionnelles qui a écrit à la SEC pour lui faire valoir que les règles proposées sont fatalement erronées et qu’elle n’a pas l’autorité statutaire pour les adopter.
Le schéma est clair. La SEC cherche à s’appuyer sur sa nouvelle lecture des actes législatifs existants pour tenter de faire passer un programme de changements profonds et perturbateurs dans presque tous les domaines des marchés financiers américains. Dans la plupart des cas, sans aucune preuve significative d’une quelconque défaillance du marché. Nous avons du mal à voir qui en sont les bénéficiaires. Il est peu probable que ce soient les investisseurs que la SEC prétend vouloir protéger. Ce qui est le plus inquiétant, c’est que si on la laisse faire, la SEC continuera à établir de nouvelles règles en violation des dispositions légales et des autres processus requis pour l’élaboration de règles formelles.
Dans presque tous ses discours, le président Gary Gensler mentionne le fait que les États-Unis possèdent le marché des capitaux le plus grand, le plus profond et le plus liquide du monde. Pourquoi alors essayer de le réinventer à l’aide de réformes radicales, précipitées et sans précédent? Peut-être devrait-il suivre la vieille maxime « si ce n’est pas cassé, ne le réparez pas ».