La saison sur les marchés des capitaux a été plutôt sèche du côté des fusions et acquisitions (F&A), la valeur des ententes ayant essentiellement fait du surplace à 873,4 milliards de dollars (G$) au T2, ce qui représente un recul d’un tiers pour l’année suivant la contraction des multiples sur les prix d’achat. Tant au Canada qu’aux États-Unis, les placeurs et les fonds de couverture axés sur les situations spéciales doivent composer avec l’évaporation des ententes de F&A. Toutefois, le boom de l’IA risque de venir changer la donne.
À l’instar des bouleversements technologiques causés par la pandémie qui ont entraîné des perturbations massives dans la façon que les entreprises transigent avec les clients, alors forcés de travailler et de magasiner de la maison, l’IA se révèle être le nouvel élément catalyseur qui motivera les entreprises à rapidement se munir de nouvelles capacités afin de demeurer concurrentielles.
En 2021, les sociétés ont eu besoin des technologies appropriées et des experts et talents requis pour opérer dans le nouveau milieu d’affaires. Si elles ne pouvaient pas puiser dans leurs propres ressources internes pour ce faire, elles ont dû se les procurer. On constate maintenant l’émergence d’une tendance comparable : les perturbations technologiques et commerciales causées par l’IA alimentent l’appétit des entreprises en quête de partenariats, de fusions et d’acquisitions.
Certaines transactions récentes très médiatisées incluent l’acquisition par Databricks, soutenu par le fonds de capital risque Andreessen Horowitz, de la société en démarrage d’IA générative MosaicML; l’acquisition de Neeva par Snowflake; et une multitude de partenariats coûteux entre Microsoft et OpenAI, Nvidia et Cohere, ainsi qu’Amazon et Hugging Face. La mobilisation des capitaux bat son plein, comme en témoignent les grandes réserves liquides tant du côté du marché privé (environ 1,3 billion $) que des entreprises domestiques et étrangères (environ 5,8 billions $).
L’évaluation de certaines petites entreprises d’IA en démarrage s’effectue à coup de multiples bien dodus. Il est vrai qu’elles profitent d’un taux de croissance rapide, mais selon nous, les prix ne reflètent pas bien la réalité. Certaines de ces entreprises finiront par lancer des premiers appels publics à l’épargne (PAPE) et, encore comme en 2021, certaines seront excellentes, d’autres seront médiocres et d’autres, malheureusement, seront pourries. D’une manière ou d’une autre, ce mouvement entraînera la prochaine vague de consolidations et d’ententes sur les marchés privés et publics.
Les entreprises ont besoin de compétences et de capacités issues de l’IA, et rapidement. Cette situation se révélera une manne pour les activités de F&A, et pas seulement sur les places plus visibles ou plus médiatisées, mais sur l’ensemble de l’écosystème. À l’heure actuelle, les opérations ont principalement lieu sur le marché privé où les petites sociétés en démarrage et les entreprises de capital risque, qui foisonnent dans l’arène de l’IA, reçoivent du financement.
À n’en pas douter, nous en sommes à l’étape du battage de l’IA et les dollars volent dans cette direction. Toutefois, si on porte notre regard un peu plus loin, on peut prévoir plus de F&A tout le long de la chaîne de valeur – à partir des sociétés minières qui extraient et produisent les matériaux nécessaires à la production des plaquettes de semiconducteurs jusqu’aux entreprises qui mettent en œuvre l’IA dans leurs flux de travail pour améliorer la productivité et agrandir leur part du marché.
La plupart des investisseurs envisagent l’IA en se référant à des sociétés comme Amazon, Nvidia, Microsoft et Google, mais il existe un écosystème entier fondé sur cette nouvelle technologie. Bon nombre des entreprises qui l’approvisionnent sont petites et moins risquées sur le plan réglementaire. Certaines seront acquises dans le cadre d’opérations privées, lesquelles représentent plus de 90 % des ententes présentement, tandis que les autres se dirigeront vers les marchés publics.
Les sociétés de capital-investissement restent bien capitalisées et motivées à faire des acquisitions en dépit du coût de financement plus élevé et des conditions plus strictes en matière de prêt. Il convient toutefois de noter que, depuis son sommet en 2021, la part des ententes de F&A de ce côté recule.
Sur les marchés publics, des noms comme Google et Microsoft dominent les premières manches de la joute, mais en raison de leur taille importante, celles-ci doivent déambuler avec prudence dans un environnement réglementaire qui leur est hostile. Dans un contexte de taux élevés, les entreprises pour qui la déflation présente des avantages, comme les sociétés technologiques, peuvent devenir des cibles très attrayantes pour les acheteurs. Au cours des prochaines années, nous estimons que le potentiel des F&A, tout le long de la chaîne de valeur, se révélera considérable.
Actuellement, les sociétés concernées par les F&A se trouvent en quelque sorte dans une impasse, coincées entre de forts vents contraires réglementaires, l’étroitesse des marchés du crédit et l’incertitude qui plane sur les taux d’intérêt. Les sociétés qui souhaitent se porter acquéreurs préfèrent attendre et observer avant de déployer du capital. Elles portent leur attention principalement sur les petites entreprises œuvrant dans des domaines connexes qui posent peu de risques réglementaires et qui offrent des échéanciers plus courts. Toutefois, les intervenants du marché s’attendent à ce que l’activité reprenne de plus belle au cours des prochaines années suivant les divers dénouements associés à l’IA.