Par ailleurs, au moment d’écrire ces lignes, bon nombre de conseillers ont déjà avisé leurs clients de l’impact éventuel des changements aux règles fiscales pour les polices exonérées émises après 2016; d’où l’attrait pour plusieurs familles de procurer à la seconde et à la troisième génération cet instrument financier qui pourra servir à diverses fins dans le temps.
En pratique, une certaine incertitude inhérente à la durée des projections financières imposera davantage de réflexion quant aux hypothèses de calculs retenues dans l’exercice.
Afin d’illustrer ces propos, observons deux situations où des familles ont souscrit des polices d’assurance sur la vie de leurs enfants au moyen de contrats d’assurance vie entière ou de vie universelle. Selon que l’on priorise le montant du capital-décès, les valeurs en espèces garanties à longue échéance, l’accès au fonds d’accumulation du vivant ou au décès ou encore la flexibilité des opérations contractuelles, les objectifs financiers dans le temps orienteront le choix du produit permanent. Les opinions peuvent varier quant à l’instrument à privilégier.
Évaluer les objectifs poursuivis
Débutons par l’exemple de grands-parents désireux de fournir à leurs petits-enfants un fonds d’accumulation pour les études, en sus du régime enregistré d’épargne-études (REÉÉ) déjà provisionné. L’attrait du véhicule d’assurance vie à capitalisation accélérée en accord avec les limites du test d’exonération est de réussir à libérer la police du paiement de primes futures dès que possible et de procurer une assurance vie entièrement provisionnée à l’enfant.
Devenu adulte il pourra, à l’aide de ce contrat, combler une partie de ses besoins personnels : financer ses études, assurer une hypothèque, remplacer le revenu pour sa famille en cas de décès prématuré, sécuriser un partenaire d’affaires ou des créanciers, par exemple. Si la protection de base n’est pas suffisante, il pourra souscrire une protection complémentaire additionnelle. Au pire, si le jeune adulte n’est plus assurable pour des raisons de santé ou de style de vie, la police en vigueur lui sera d’autant plus utile.
Dans ce contexte, comme l’un des grands-parents titulaire du contrat d’assurance aura versé les sommes maximales permises dans la police au fil des ans, des valeurs se sont accumulées durant une quinzaine d’années et procurent maintenant une source de capital disponible du vivant de l’assuré. Aussi longtemps que le titulaire détient la police sur la vie de l’enfant, les valeurs s’accumulent en franchise d’impôt et demeurent sa propriété. Ces montants épargnés peuvent être utilisés aussi bien pour combler les besoins du titulaire que ceux de l’assuré. Si l’assuré décédait prématurément, le bénéficiaire de la police, en principe l’un des grands-parents ou le parent de l’assuré, encaisserait le capital assuré majoré du fonds d’accumulation exempt d’impôt, le cas échéant.
Il va sans dire qu’on procédera en général au transfert de la propriété du contrat à l’assuré (le petit-enfant dans notre exemple) avant son décès.
Entre-temps, il est recommandé de nommer le parent de l’enfant assuré ou ce dernier, s’il est âgé de plus de 18 ans à titre de titulaire subrogé en cas du décès du titulaire de départ avant le transfert de la police. Ainsi, le contrat devient la propriété du nouveau titulaire (parent ou petit-enfant) sans incidence fiscale et sans faire partie de la succession des grands-parents.
En effet, le transfert d’une police d’assurance vie détenue par un parent ou un des grands-parents peut s’effectuer sans incidence fiscale au moment choisi, après que l’assuré a atteint l’âge de 18 ans (par. 148(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »)). Il est en effet préférable sans être obligatoire que le transfert du contrat s’effectue à ce moment pour des raisons évidentes de capacité légale du titulaire du contrat et pour éviter l’application des règles d’attribution (par. 74.1(2) L.I.R.). À cet égard, l’assuré reçoit la police et les valeurs de rachat (« VR ») sans que le titulaire ait eu à s’imposer. Si par la suite le nouveau titulaire fait des retraits à même les valeurs accumulées, c’est ce dernier qui devra payer les impôts dus sur la partie de ces valeurs qui excèdent le coût de base rajusté (« CBR ») du contrat, proportionnellement à la somme de ces valeurs. Le total des impôts déclenchés entre ses mains risque d’être inférieur à celui du titulaire d’origine. Il pourra aussi emprunter auprès d’une institution financière en donnant en garantie les valeurs au contrat pour combler un besoin ponctuel de liquidités.
Selon les règles actuelles, à contrat comparable, le CBR de la police est moins élevé qu’il ne le sera à compter du 1er janvier 2017. Les nouvelles règles applicables au CBR des polices détenues sur une base personnelle ou encore par une fiducie entre vifs seront plus avantageuses en cas de disposition et de retrait de la valeur en espèces du vivant de l’assuré puisqu’un CBR plus élevé réduit le gain imposable lors d’une disposition. Dans le cas d’une police détenue personnellement, le CBR n’a aucune incidence au décès puisque le capital assuré est entièrement exempt d’impôt. Par contre, la détention des contrats dans une société de portefeuille devra tenir compte de cet élément, car un CBR plus élevé à long terme réduit le montant de la prestation versée en franchise d’impôt à la succession au moyen d’un dividende en capital.
Voici deux exemples illustrant certaines des possibilités offertes par ces stratégies d’assurance.
– Capital-décès
En tenant pour acquis que l’assuré et le titulaire sont admissibles en matière d’assurabilité, l’un des grands-parents peut souscrire sur la vie d’une fillette de 8 ans un capital de 500 000 $. La prime garantie pour 10 ans serait de 2 300 $ par année pour libérer la police. Il s’agit d’un contrat viager dont les primes limitées sont garanties. Le capital-décès est fixe dans le temps, outre quelques valeurs de rachat qui peuvent le bonifier. Les valeurs font partie intégrante de la police et soutiennent sa durée viagère. Ce type de contrat répond davantage à un besoin de sécuriser un capital-décès dans le temps plutôt qu’à un accès aux valeurs du vivant.
– Accumulation de valeurs
Une assurance vie universelle de 500 000 $ coûterait 900 $ par année la vie durant pour une fillette de 8 ans. Ce produit flexible offre la possibilité de déposer davantage de primes dans la police pour une période de 10 ans et d’effectuer des placements à l’abri de l’impôt à l’intérieur du contrat. Par exemple, une prime de 5 619 $ par année à un taux de rendement annuel de 2,75 % procurerait 54 965 $ de valeurs en espèces à l’âge de 18 ans et 554 965 $ de capital assuré. Le coût de base de la police s’élèvera à 54 765 $ lorsque l’enfant atteindra l’âge de 18 ans. À 25 ans, le CBR sera de 53 120 $ et la valeur du fonds de 59 437 $. Les résultats peuvent varier selon le choix des placements et leur performance future. Le tableau suivant l’illustre.
Comme il s’agit d’une police de type vie universelle, contrairement aux contrats à primes garanties de 10 ans ou 20 ans ou encore aux vies entières, tant que le coût de mortalité de 900 $ par année est payé, le volet du placement est plutôt flexible. Le choix des investissements et l’accès aux valeurs accumulées offrent plus de possibilités. Les polices de vie entière avec ou sans participation délèguent la gestion des sommes investies à l’assureur, ce qui peut plaire à certains. Toutefois, dans bien des cas, le retrait de valeurs accumulées est plus complexe et peut affecter le capital assuré. Indépendamment de ces facteurs, l’obtention d’une assurance permanente sur la vie protège l’assurabilité aux taux actuels du marché. Elle constitue une diversification d’actifs pour les grands-parents et un instrument financier éventuel pour l’enfant.
Assurance vie sur le bénéficiaire d’une fiducie entre vifs
Une autre situation, celle d’un jeune homme de 18 ans bénéficiaire discrétionnaire d’une fiducie familiale. Dans son cas, toujours pour 500 000 $ de capital-décès, une prime de 9 000 $ par année pendant 10 ans procurerait des valeurs de 89 000 $ à l’âge de 28 ans et un capital-décès de 590 000 $.
Cette fois, la fiducie familiale pourrait souscrire la police et en être la bénéficiaire jusqu’à ce que le contrat soit attribué au jeune sans incidence fiscale immédiate, pour ses besoins personnels éventuels. Qui plus est, si la fiducie approche son 21e anniversaire, il n’y aura pas de disposition réputée de la police d’assurance puisqu’il ne s’agit pas d’un bien en immobilisations (par. 104(4) L.I.R.).
Assurance vie détenue par une société de gestion
La société de gestion dont les parents sont actionnaires pourrait souscrire aussi la police sur la vie des enfants et en être bénéficiaire. Ces derniers hériteront vraisemblablement des actions de cette société et auront, à leur tour, besoin de financer une convention d’achat-vente entre frères et sœurs au décès, si la société est vouée à perdurer dans le temps. Ses besoins ultérieurs de protection se préciseront. Par contre, une fois la police souscrite dans la société, il sera beaucoup plus complexe, voire très coûteux, de l’en extraire pour la transférer au jeune par la suite. La société pourrait se voir imposée sur la disposition si les VR accumulées au contrat excèdent le CBR de ce dernier.
De plus, la transaction devra s’effectuer à la juste valeur marchande (« JVM ») du contrat, laquelle devra tenir compte de plusieurs éléments comme l’assurabilité et les coûts préférentiels du contrat et exiger une contrepartie de la part de l’actionnaire en échange du bien égale à la JVM. À défaut, cela pourrait déclencher un avantage imposable en vertu du paragraphe 15(1) L.I.R. C’est pourquoi les objectifs doivent être bien compris afin d’opter pour la détention optimale sur le plan fiscal et successoral.
Souscrire un contrat d’assurance vie sur les jeunes personnes peut sembler à première vue coûteux et d’une utilité incertaine. Toutefois, plusieurs circonstances font en sorte que ce contrat peut devenir un outil financier avantageux aussi bien pour le titulaire que pour l’assuré lui-même. En tout état de cause, protéger l’assurabilité d’une personne est en soi être un objectif louable, car en pratique, obtenir une protection d’assurance demeure un privilège.