Qu’est-ce que le « fiscal cliff »?
L’expression « fiscal cliff » (traduite en français par « précipice budgétaire ») a été popularisée par l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, et désigne l’expiration simultanée d’un ensemble de mesures américaines temporaires, fiscales et budgétaires. Plus précisément, le précipice budgétaire fait référence à la conjonction d’une augmentation des impôts américains et d’une réduction des dépenses publiques américaines devant se produire automatiquement le 31 décembre 2012 à minuit.
Le Congressional Budget Office (« CBO ») (bureau du Congrès chargé du budget) estimait à environ 560 G$ US la baisse du déficit américain à la suite de la hausse des impôts et de la réduction des dépenses automatiques prévues en 2013. Selon le CBO, ce double choc sur la demande aurait également conduit l’économie en récession, produisant ainsi la perte de deux millions d’emplois.
Les démocrates, majoritaires au Sénat, et les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, ont finalement évité le Fiscal Cliff de justesse lorsque, le 2 janvier 2013, l’American Taxpayer Relief Act of 2012 (« ATRA ») a été adopté.
Les origines du Fiscal Cliff
La hausse des impôts américains prévue pour le début de 2013 s’expliquait par l’expiration du Tax Relief, Unemployment Insurance Reauthorization, and Job Creation Act of 2010, qui repoussait entre autres de deux ans les réductions fiscales mises en place en 2001 et en 2003 sous l’administration de Georges W. Bush (Bush tax cuts). Cette entente prévoyait également une baisse de la taxe sur la masse salariale (partie payée par les employés) ainsi qu’un programme de bonification de l’assurance-chômage qui devaient tous deux prendre fin le 31 décembre 2012. Plusieurs mesures ont été adoptées dans l’ATRA afin de prendre en charge le volet « hausse d’impôts » dont le « fiscal cliff » était constitué.
Pour ce qui est de la réduction automatique des dépenses publiques qui devaient entrer en vigueur à partir du 2 janvier 2013 et se poursuivre jusqu’en 2021, l’ATRA a repoussé la bataille au 28 février 2013 afin de donner plus de temps au gouvernement pour établir quels programmes seraient visés par des compressions. Cette réduction automatique était principalement le résultat du Budget Control Act of 2011, dont les conditions prévoyaient une série de coupes automatiques (nommées sequestration) dans la mesure où le « Super Committee » du Congrès ne parvenait pas à produire un projet de loi relatif à la réduction du déficit de 1,2 billion $ US sur 10 ans. Les compressions sont finalement entrées en vigueur automatiquement le 1er mars 2013.
Quelles mesures ont été adoptées pour éviter le précipice budgétaire? Les plus importantes mesures fiscales adoptées dans l’ATRA sont les suivantes.
Mesures visant les particuliers
Pour les années fiscales débutant après le 31 décembre 2012, le taux d’imposition des particuliers dont le revenu annuel est supérieur à 400 000 $ US (450 000 $ US pour les familles) passera de 35 % à 39,6 %, ce qui correspond à un retour au niveau pré-Bush tax cuts.
De plus, le taux d’imposition sur les gains en capital et les dividendes de ces mêmes particuliers a été augmenté à 20 %, également applicable pour les années fiscales débutant après le 31 décembre 2012.
En ce qui concerne l’imposition des successions, l’exemption d’impôt sur les premiers 5 M$ US d’actifs a été prolongée et sera indexée en fonction de l’inflation. Cependant, le taux d’imposition applicable sur les actifs dépassant ce seuil passera de 35 % à 40 % pour les successions des personnes décédées après le 31 décembre 2012.
La bonification des prestations d’assurance-chômage a également été prolongée d’un an. Cependant, le taux d’imposition de la masse salariale passera de 4,2 % à 6,2 %, pour tous les Américains.
Mesures visant les sociétés
L’ATRA prolonge d’un an la possibilité pour les sociétés de prendre une dépense additionnelle d’amortissement au taux de la première année (50 %), pour des biens admissibles acquis et mis en service avant le 1er janvier 2014 (1er janvier 2015 pour les biens dont la période de production est relativement longue et pour certains aéronefs).
De plus, l’exception prévue dans la sous-partie F du U.S. Internal Revenue Code (prévoyant que le parent américain d’une filiale étrangère qui exerce des activités bancaires, de financement ou similaires est admissible au report d’impôts du revenu généré par cette filiale si les activités de celle-ci sont principalement bancaires, de financement ou similaires et qu’elles sont exercées activement) a été prolongée d’un an.
L’ATRA prolonge également d’un an la disposition permettant le report d’impôts pour certains paiements (intérêts, dividendes, loyers et redevances) effectués entre sociétés étrangères contrôlées (« SÉC »), permettant aux contribuables américains d’injecter des capitaux d’une SÉC à une autre sans conséquence fiscale américaine.
De plus, les crédits d’impôt pour la production d’électricité renouvelable à partir du vent ont été prolongés d’un an pour l’électricité éolienne produite à partir d’installations mises en service avant la fin de 2013.
La plupart des mesures visant à éviter le « fiscal cliff » ont été adoptées à court terme et les coupures dites sequestration sont finalement entrées en vigueur le 1er mars dernier, faute d’accord entre les partis politiques. Dans les prochains mois, si les démocrates et les républicains ne parviennent toujours pas à s’entendre, la bataille politique se poursuivra et l’économie américaine risque d’être à nouveau confrontée à un précipice budgétaire.
* Ce texte se veut un résumé d’un article paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 18, numéro 2, du mois d’avril 2013.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Catherine Chamberland.