De façon générale, cette clause stipule que dans le cas où la valeur établie par le Ministère différerait de celle établie par les parties, celles-ci utiliseront l’évaluation du Ministère pour leur transaction. Ce dernier tiendra compte de cet accord dans la mesure où certaines conditions sont remplies. Le Bulletin d’interprétation IT-169 intitulé « Clauses de rajustement du prix », daté du 6 août 1974, présente les conditions à remplir afin qu’une clause de rajustement du prix soit reconnue par l’Agence du revenu du Canada (« ARC »). On y précise, entre autres, que le Ministère tiendra compte de l’accord dans la mesure où « l’accord révèle que les parties ont réellement l’intention de transférer le bien à sa juste valeur marchande et établit cette valeur, aux fins de l’arrangement, par une méthode juste et raisonnable ».

Puisque la période normale de nouvelle cotisation est de trois ans suivant la première cotisation, une fois ce délai passé, peu de contribuables s’attendent à ce que la transaction de gel soit remise en cause.

Or, l’ARC a publié, en mai 2012, l’interprétation technique 2011-0429991E5 présentant ses commentaires sur les effets d’une clause de rajustement du prix retrouvée dans un contrat de vente et de roulement datant de plus de 16 ans.

Les faits soumis à l’ARC sont les suivants :

– M. A détient toutes les actions ordinaires émises et en circulation (« anciennes actions ») du capital-actions d’Opco.

– Dans l’année 1, M. A échange la totalité de ses actions ordinaires en contrepartie d’actions privilégiées de roulement dans le cadre d’un remaniement de capital. Le but de la transaction est de procéder à un gel successoral d’Opco en faveur de l’enfant de M. A.

– Parmi les droits et privilèges attachés aux actions de roulement se trouve une clause de rajustement du prix.

– À la suite du décès de M. A survenu dans l’année 16, sa succession fait une demande afin d’obtenir un certificat de décharge.

– Dans le cadre de son examen du dossier, l’ARC soulève que la valeur utilisée en l’an 1 pour les actions ordinaires ayant fait l’objet du gel était inférieure à la JVM de ces actions à ce moment.

L’ARC a donc augmenté la valeur des actions de gel en l’an 1, cela ayant pour effet d’augmenter l’impôt au décès de M. A.

Les questions posées à l’ARC dans le cadre de l’interprétation technique sont les suivantes :

1) L’ARC peut elle revoir à la hausse la valeur de rachat des actions de gel plus de 15 années après leur émission?

2) Si l’évaluation des actions en l’an 1 n’a pas fait l’objet d’un effort raisonnable et que la clause de rajustement du prix n’est pas reconnue par l’ARC, cela empêche-t-il l’ARC de revoir la valeur des actions de gel?

3) Si une erreur de bonne foi a été commise lors de l’évaluation des actions ordinaires entraînant une sous-évaluation, est-ce que la valeur des actions de gel sera automatiquement revue à la hausse?

L’ARC présente les commentaires suivants aux questions soulevées.

1. La clause de rajustement du prix est valide

Selon l’ARC, si la clause de rajustement du prix est valide, son application aura généralement un effet rétroactif à la date du gel.
La clause de rajustement du prix n’est pas valide.

Dans la mesure où il y a un écart important entre la JVM établie par l’ARC et celle déterminée par le contribuable, ceci peut être une indication que le contribuable n’a pas fait un effort raisonnable afin de déterminer la JVM du bien transféré. Dans un tel cas, la clause de rajustement du prix ne serait pas reconnue.

2. Application de ces principes au scénario soumis

Selon l’ARC, dans le cas soumis, si la clause de rajustement du prix est valide, celle-ci aurait un effet rétroactif à l’an 1. Par exemple, si la valeur utilisée lors du gel était de 4,5 M$ et qu’elle est rajustée à 5 M$ à la suite d’une cotisation de l’ARC, les actions de gel auraient donc une valeur de rachat de 5 M$ et non pas de 4,5 M$. Aux fins du calcul de l’impôt au décès, le produit de disposition réputé reçu par M. A pour ses actions de gel immédiatement avant son décès serait égal à la JVM des actions, rajustée selon la clause de rajustement du prix, soit 5 M$.

Toutefois, si la clause de rajustement du prix n’était pas reconnue, la JVM des actions de gel ne serait pas modifiée. Elle demeurerait à 4,5 M$. Le manque d’effort raisonnable pour établir la JVM des actions ordinaires pourrait être considéré comme une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. Cela permettrait notamment à l’ARC de recotiser M. A.

La différence entre la véritable JVM des actions ordinaires et la valeur utilisée lors du gel pourrait être traitée comme un avantage que M. A a voulu conférer à son enfant et être imposable entre les mains de M. A. De plus, il ressort de cela que l’ARC pourrait dans les circonstances refuser toute déduction pour gains en capital (« DGC ») réclamée par un détenteur des nouvelles actions ordinaires.

Que faut-il retenir?

La méthode d’évaluation des actions et sa raisonnabilité ne sont pas à prendre à la légère. Bien souvent, le gel est fait pour une valeur inférieure à la valeur qui serait utilisée si la société devait être vendue, surtout lorsque la possibilité de multiplier la DGC à la vente d’actions admissibles de petite entreprise est présente. Compte tenu des impacts négatifs reliés au rajustement de la valeur des actions de gel, la prudence est de mise.

Ce texte se veut un résumé d’un article paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 17, numéro 5, du mois de décembre 2012.

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Caroline Rhéaume.