Pour plusieurs, le règlement d’une succession constitue une suite d’étapes simples visant à partager les biens suivant les volontés du défunt. Cependant, un règlement d’une succession qui ne respecte pas les règles prévues au Code civil du Québec peut entraîner des conséquences négatives voire graves, tant pour le liquidateur que pour l’héritier, ces deux acteurs étant généralement mal informés de leurs droits et de leurs responsabilités.
Chaque succession étant différente, le présent texte n’a pas comme objet de décrire l’ensemble des règles et des subtilités qui y sont liées. Les principales étapes seront abordées en incluant certaines mises en garde que le professionnel au dossier devrait connaître afin d’informer adéquatement son client.
Les premières étapes
Afin d’amorcer le règlement de la succession, le client devra obtenir le certificat de décès émis par le Directeur de l’état civil du Québec. Il devra également effectuer les recherches testamentaires aux Registres des dispositions testamentaires de la Chambre des notaires du Québec et du Barreau du Québec, et ce, afin de l’aider à déterminer la nature de la succession soit testamentaire, soit ab intestat. En effet, les certificats obtenus du Registre des dispositions testamentaires permettront de déterminer si un testament a été enregistré à l’un de ces registres par un avocat ou un notaire, selon le cas.
Deux résultats sont possibles. Dans le premier cas, le registre peut indiquer le dernier testament enregistré et les coordonnées du professionnel dépositaire. Dans le second cas, il peut n’y avoir aucun testament enregistré à l’un ou l’autre des registres, ce qui peut mener à la conclusion qu’il n’existe pas de testament ou qu’il n’existe qu’un testament olographe ou devant témoin. Dans ce dernier cas, il serait important de vérifier le contenu de tout coffret de sûreté détenu auprès d’une banque puisque c’est souvent l’endroit où le défunt a déposé son testament olographe ou devant témoin. Il est également important de prendre connaissance du contrat de mariage du défunt puisqu’il peut contenir des dispositions testamentaires.
Une fois les certificats des recherches et le dernier testament obtenus, le cas échéant, la vérification du testament par le tribunal sera nécessaire si ce testament n’est pas notarié. En l’absence de tout testament, il est essentiel de déterminer qui sont les successibles suivant les règles de dévolution prévues au Code civil du Québec. La détermination des successibles d’une succession ab intestat est généralement constatée aux termes d’une déclaration d’hérédité.
Ainsi, la lecture du dernier testament ou la déclaration d’hérédité permettra de déterminer qui sont les successibles, soit les héritiers qui n’ont pas encore exercé leur option d’accepter ou de renoncer à la succession.
La confection de l’inventaire successoral
Suivant le décès, le liquidateur devra procéder à la confection de l’inventaire successoral conforme aux règles prévues au Code civil du Québec. Cet inventaire devra comprendre l’énumération fidèle et exacte de tous les biens qu’il est chargé d’administrer. L’inventaire vise à permettre aux successibles d’exercer leurs options (accepter la succession ou y renoncer) en toute connaissance de cause, à limiter la responsabilité des héritiers quant au paiement des dettes de la succession à la valeur des biens qu’ils recueillent, à déterminer le patrimoine administré par le liquidateur et à informer les intéressés du contenu de la succession.
Bien que le Code civil du Québec ne prévoie pas de délai pour la confection de l’inventaire, il est recommandé de le finaliser dans un délai de six mois suivant le décès, et ce, afin d’éviter tout recours des héritiers. En effet, si le liquidateur omet de confectionner l’inventaire dans le délai d’option des héritiers qui est de six mois et que les héritiers négligent, dans les 60 jours suivant la fin de ce délai, de procéder eux-mêmes à la confection de l’inventaire ou de s’adresser au tribunal de sorte à remplacer le liquidateur ou de le forcer à faire inventaire, alors ils seront responsables des dettes de la succession au-delà de la valeur des biens recueillis. Si le liquidateur n’est pas en mesure de préparer et de finaliser l’inventaire dans les délais, il pourra s’adresser au tribunal pour obtenir une prolongation de délai. Cela est souvent le cas lorsque le défunt possède des biens à l’étranger ou en raison de la difficulté à établir certaines dettes notamment celles de nature fiscale.
La confection de l’inventaire est une obligation du liquidateur. Il ne peut se soustraire de cette obligation qu’avec le consentement unanime de tous les héritiers et successibles. De plus, toute clause du testament dispensant le liquidateur de procéder à l’inventaire est réputée non écrite.
L’exercice de l’option successorale
Une fois l’inventaire confectionné, le liquidateur devra en transmettre une copie ou transmettre un avis du lieu où il peut être consulté aux successibles qui n’ont pas encore exercé leurs options. Ces derniers devront déterminer si, à la lumière des informations connues, ils désirent accepter la succession ou y renoncer, et ce, dans les six mois à compter du moment de l’ouverture de leur droit. Ce délai est prolongé de plein droit de sorte que le successible dispose de 60 jours suivant la confection de l’inventaire pour exercer ses options. Ainsi, en l’absence d’inventaire et en cas d’inaction du successible suivant l’expiration du délai de six mois, ce dernier sera réputé avoir accepté la succession.
Si le successible désire renoncer à la succession, la renonciation devra être constatée dans un acte notarié en minute ou par une déclaration judiciaire dont il est donné acte par le tribunal et ne pourra être effectuée qu’à la condition que le successible n’ait pas posé de gestes emportant l’acceptation de la succession. De façon générale, les actes de nature conservatoire ou d’administration provisoire ne constituent pas des gestes d’acceptation alors que les gestes d’appropriation ou de disposition de bien sont généralement des gestes d’acceptation.
Les droits matrimoniaux et la contribution alimentaire
Le décès entraîne la dissolution du régime matrimonial et le partage du patrimoine familial. Ainsi, dans l’établissement de l’actif et du passif du défunt, il sera important de considérer les effets du partage du régime matrimonial, du partage du patrimoine familial et de la contribution alimentaire en faveur du conjoint ou des enfants, le cas échéant.
Il est possible pour le conjoint survivant de renoncer au partage du régime matrimonial et au partage du patrimoine familial. Cet acte de renonciation doit être publié au registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM) dans un délai d’un an à compter du jour de dissolution, soit à compter du jour du décès, à défaut de quoi l’époux sera réputé avoir accepté.
Le paiement des dettes et le rapatriement des biens
Le liquidateur pourra commencer à payer les créances après s’être assuré que les biens de la succession sont suffisants pour payer tous les créanciers et les légataires à titre particulier. Le liquidateur doit également procéder au transfert des biens à la succession, de sorte à les remettre aux héritiers lorsque la liquidation de la succession est achevée.
Les déclarations de revenus du défunt et de la succession
Lors du décès, la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») prévoit une disposition présumée de tous les biens du défunt immédiatement avant son décès. Ainsi, le décès peut entraîner, dans certains cas, la réalisation de gain en capitaux importants. Toutefois, dans certaines circonstances, il sera possible de reporter l’impôt notamment lorsque les biens sont légués à un conjoint ou à une fiducie exclusive au bénéfice du conjoint.
Le liquidateur devra produire les déclarations de revenus du défunt pour la période débutant au début de l’année civile jusqu’à la date de son décès en respectant les délais de production, lesquels peuvent varier selon la date du décès. Dans certains cas, il peut être opportun de produire une déclaration distincte de droit ou de biens conformément au paragraphe 70(2) L.I.R. Le liquidateur devra également s’assurer que le défunt avait produit toutes ses déclarations de revenus pour les années antérieures au décès, que les avis de cotisation avaient été envoyés et que les impôts ont été payés.
Puisque la succession est considérée comme un contribuable, le liquidateur devra également produire la ou les déclarations fiscales pour la période comprise entre la date du décès et la fin de la succession. À cet effet, l’année fiscale d’une succession ne peut pas dépasser 12 mois mais elle peut être plus courte pour sa première année.
Les certificats fiscaux
Avant de procéder à la reddition de comptes finale de son administration et de remettre les biens aux héritiers, le liquidateur devra obtenir des autorités fiscales les certificats autorisant la distribution des biens de la succession aussi appelés « certificat de décharge ». Toute distribution des biens sans ces certificats rend le liquidateur personnellement responsable jusqu’à concurrence de la valeur des biens distribués. Suivant la loi sur les impôts, le liquidateur est autorisé à distribuer des biens dont la valeur n’excède pas 12 000 $, et ce, afin de lui permettre de payer certaines dettes, dont les frais funéraires. Au Québec, le liquidateur peut également obtenir un certificat autorisant une distribution partielle.
L’effet du certificat de décharge est de libérer le liquidateur de sa responsabilité personnelle quant au paiement des dettes. Il n’a pas pour effet de limiter la responsabilité des héritiers sur ces dettes. En conséquence, le professionnel devrait discuter avec le liquidateur de la nécessité d’obtenir les certificats de décharge lorsque le liquidateur est également le seul héritier.
Reddition de comptes
Une fois les certificats de décharge obtenus, le liquidateur procédera à la reddition de comptes. La reddition de comptes permettra aux héritiers de connaître la valeur de l’actif net à partager entre eux en respectant les volontés du défunt. Ces derniers pourront également juger de la qualité de l’administration effectuée par le liquidateur de la succession. Cette reddition de comptes peut se faire à l’amiable ou de façon judiciaire.
Le règlement d’une succession est un processus qui comporte plusieurs étapes dont chacune peut avoir des conséquences graves si elles ne sont pas bien effectuées ou si elles sont omises dont la répercussion la plus importante est sans aucun doute la responsabilité quant aux dettes. Le règlement d’une succession qui respecte les dispositions légales à cet effet constitue un processus long qui, dans la plupart des cas, durera plus de deux ans. Souvent, le liquidateur et les héritiers sont mal informés des délais, ce qui crée plusieurs frustrations et du mécontentement. Le professionnel a tout avantage à bien expliquer les différentes étapes et leurs délais respectifs.
Le règlement d’une succession peut également se complexifier en raison de plusieurs autres facteurs : présence de biens à l’étranger, interprétation du testament, succession insolvable, présence d’enfants mineurs, litiges familiaux, etc. Aussi, il est important que le professionnel soit en mesure de reconnaître ces complexités et les conséquences de chacune.
* Cet article a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 20, numéro 1, du mois de mars 2015.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Magali Dussault-Brodeur.