Cette cryptomonnaie transigeait à quelques fractions de cent en 2010 pour atteindre une valeur de près de 60 000 $ CA au moment d’écrire ces lignes. C’est dire toute l’importance du phénomène.

La cryptomonnaie se veut donc une forme de devise virtuelle qui utilise une technologie pour sécuriser ses transactions. Elle est décentralisée et n’a pas de contrôle autoritaire et devrait donc être à l’abri de tout interventionnisme gouvernemental – contrairement aux devises traditionnelles que l’on connaît. Aujourd’hui, il existe plus de 18 000 cryptomonnaies.

Au vu de l’ampleur de ce phénomène et de l’incertitude entourant les activités liées à la cryptomonnaie et ses activités connexes, les autorités fiscales n’ont eu d’autre choix que de s’y intéresser. C’est en 2019 que le ministère des Finances du Canada a lancé des consultations concernant ses propositions législatives et en 2022, d’autres propositions se sont ajoutées relativement aux activités de minage.

Bien que cet article ne traite que du régime de la TPS/TVH, les propositions législatives fédérales ont été ou seront intégrées au régime de la TVQ conformément au principe d’harmonisation générale du régime de la TVQ. Ainsi, les règles discutées dans cet article s’appliquent au régime de la TVQ.

Cryptomonnaie

Changement de position de l’ARC

Initialement, l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») avait adopté la position selon laquelle l’achat et la vente de cryptomonnaies constituaient la fourniture de biens meubles incorporels aux fins de la TPS/TVH.

Cependant, dans son projet de propositions législatives du 17 mai 2019, le ministère des Finances du Canada propose de traiter de nombreuses monnaies virtuelles comme des instruments financiers aux fins de la TPS/TVH, de sorte que l’achat et la vente de celles-ci (appelées « instruments de paiement virtuels ») seraient généralement exonérés.

Ainsi, la cryptomonnaie est aujourd’hui considérée comme un « effet financier » selon l’alinéa f.1) de cette définition prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d’accise (« L.T.A. ») qui ajoute dans la liste des effets financiers un « effet de paiement virtuel ». Ce terme est défini, également au paragraphe 123(1) L.T.A., comme un bien qui est une représentation numérique d’une valeur, qui fonctionne comme moyen d’échange et qui existe seulement à une adresse numérique d’un registre distribué public. Il exclut notamment les biens qui confèrent un droit à être échangés contre de l’argent ou des biens ou services spécifiques ainsi que les biens qui sont destinés à être utilisés principalement dans le cadre d’une plate-forme de jeu, d’un programme d’affinité ou de récompenses ou d’une plate-forme ou d’un programme semblable.

Lorsqu’un bien ou un service taxable est échangé contre une cryptomonnaie, la TPS qui s’applique au bien ou au service est calculée en fonction de la juste valeur marchande de la cryptomonnaie au moment de l’échange.

Cependant, alors que les dispositions de 2019 prévoyaient le traitement à accorder aux instruments de paiement virtuels, elles n’abordaient pas directement la question du minage lié à ces cryptomonnaies.

Minage

Le 4 février 2022, le ministère des Finances du Canada a publié des propositions législatives visant les activités de minage de cryptomonnaie. Il propose ainsi l’introduction de l’article 188.2 L.T.A. pour traiter de ces activités aux fins de la TPS/TVH.

Impact des propositions législatives

Le paragraphe 188.2(1) L.T.A. définit ce qu’est une activité de minage et ce qu’est un cryptoactif.

L’activité de minage y est définie comme une activité relative à un « cryptoactif » qui consiste soit à :

  • valider des transactions et les inscrire au grand livre public numérique sur lequel le cryptoactif existe;
  • maintenir et autoriser l’accès au grand livre public numérique sur lequel le cryptoactif existe; ou encore
  • à permettre l’utilisation de ressources informatiques aux fins d’exécution, ou à l’occasion, des activités  décrites précédemment relativement au cryptoactif.

Un cryptoactif est identifié comme un bien (ce qui exclut l’argent) qui est une représentation numérique de valeur et qui n’existe qu’à l’adresse numérique d’un registre distribué public. Cette définition ressemble à celle d’effet de paiement virtuel vue précédemment, mais elle est toutefois plus large. C’est pourquoi un cryptoactif comprendrait, sans toutefois s’y limiter, tout bien qui est un effet de paiement virtuel.

En vertu des propositions législatives, sous réserve de certaines exceptions prévues au paragraphe 188.2(5) L.T.A., l’exploitation minière de cryptoactifs (l’extraction de cryptoactifs) ne serait généralement pas considérée comme une « fourniture » aux fins de la TPS/TVH, de sorte que la TPS/TVH ne s’appliquerait pas à la fourniture d’exploitation minière de cryptoactifs et que les crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») ne seraient pas disponibles pour la personne qui fournit une telle exploitation minière.

L’alinéa 188.2(4)a) L.T.A. prévoit que la fourniture des activités de minage par la personne donnée est réputée ne pas être une fourniture. Dans un même ordre d’idées, l’alinéa 188.2(4)b) L.T.A. prévoit que la fourniture du paiement de minage par l’autre personne est réputée ne pas être une fourniture.

En outre, les paragraphes 188.2(2) et 188.2(3) L.T.A. prévoient des présomptions d’acquisition et d’utilisation aux fins d’activités de minage hors du cadre d’activités commerciales. De même, aucun CTI ne peut être réclamé selon l’alinéa 188.2(4)c) L.T.A. dans le cadre du paiement de minage.

La conséquence directe de ces propositions est que, généralement, les activités minières liées aux cryptoactifs ne donneront pas droit aux CTI et comporteront ainsi un coût d’exploitation additionnel.

Conclusion

Historiquement, les méthodes de paiement se sont toujours développées et ont évolué. Pensons seulement au troc, à l’or et à la monnaie. Peut-être la cryptomonnaie est-elle l’évolution naturelle de nos modes de paiement dans un monde davantage technologique?

La cryptomonnaie commence à être de plus en plus reconnue par les gouvernements. D’ailleurs, en légiférant sur ce type de monnaie, on semble lui reconnaître une plus grande légitimité. Comme toute nouveauté, des ajustements ou des précisions seront forcément à venir. L’on se doit tout de même de constater que le monde des technologies amène son lot de changements à une vitesse sans précédent.

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 27, no 2 (Été 2022).

Nour Sharif, avocate, Directrice en taxes indirectes, BDO Canada s.r.l./s.e.n.c.r.l.